Chapitre 14 : Sur le Fil du Destin

5 minutes de lecture

Une dizaine de jours plus tard, toujours ancrés dans leur position, une réunion tendue s’ensuivit avec Kennywood et l’équipe, André se leva avec calme et détermination de sa chaise, prenant la parole pour annoncer leur départ.

— Comme expliqué précédemment à une partie de l’équipe et suite au horreur que « nous », enfin ce pauvre homme a vécu par notre faute à tous, je me range au côté de ma femme, et vous annonce officiellement que Léa et moi avons décidé de ne plus participer à cette folie, déclara-t-il d’une voix posée, mais ferme.

— Le séquençage de l’ADN, est notre découverte, continua Léa sans prendre la peine de se lever. Nous avons également travaillé des mois sur le déchiffrage et la compréhension de ces manuscrits et sur les premières théories, et si vous décidez de continuer, ce sera sans nous, ni nos découvertes et ni nos recherches.

Ils croiserent le regard froid du professeur Kennywood, qui resta silencieux mais dont ses traits se firent plus dur.

— Nous partons avec nos travaux. Si vous souhaitez poursuivre vos expérimentations dangereuses, Nous refusons catégoriquement d'être mêlés à ces abominations, affirma Léa avec un éclat de colère dans la voix.

Le silence qui s’instaura était lourd de sens. Kennywood garda un moment de calme, ses yeux noirs et froids scrutant les autres. Derrière son expression impassible, une rage se construisait lentement, prête à éclater. Kennywood n'avait pas besoin de parler, son silence en disait long, et tout le monde le ressentait.

Léa se détourna la première, perdue dans ses pensées, l’esprit envahi par une angoisse grandissante. Elle chuchota à André, les mains tremblantes.

— Il faut qu'on parte rapidement, je n’aime pas ce silence.

André hocha la tête sans dire un mot, et tous deux se dirigèrent précipitamment vers leur quartier, une petite pièce exiguë et étouffante à l’arrière du laboratoire. Les murs semblaient se resserrer autour d'eux. Tandis qu'ils entraient, Léa laissa tomber son sac sur le lit avec une violence contenue, et André commença à fouiller dans leurs affaires.

— Tu penses qu’on pourra tout emporter ? murmura-t-elle, d’une voix brisée.

— Je ne sais pas, mais j’ai fait déjà parvenir un colis pour la France il y a quelques jours discrètement avec une partie de nos recherches au cas où, répondit-il en ramassant des carnets de notes éparpillés sur le bureau. Mais on n’a pas le choix.

Ils agissaient avec une frénésie presque désespérée, chaque geste précipité. Des disquettes, des graphiques, des relevés… ils empilaient le reste de leurs découvertes dans les sacs comme s'ils tentaient de fuir une menace invisible. À chaque objet qu'ils prenaient, un poids semblait s’ajouter, celui de leurs erreurs et des conséquences qu’ils redoutaient. « On pourrait tout effacer, recommencer ailleurs, mais… ils ne nous laisseront jamais en paix », pensa Léa, sans oser le dire à haute voix.

Dans le couloir, la porte étant mal fermes et restée légèrement entrouverte, Jeff les observait en silence, appuyé contre le mur. Il ne voulait pas ajouter de tensions inutiles, mais son regard trahissait un mélange de tristesse et de frustration. Quand il croisa les yeux de Léa et André, il remarqua la froideur dans leur expression. Ils l’avaient toujours pris pour un témoin indifférent, mais ce silence qu'ils interprétaient comme du mépris lui déchirait le cœur.

— Jeff..., dit Léa en le dévisageant, tu viens avec nous ?

Il secoua la tête, incapable de répondre, puis finalement dit :

— Non, je reste. Vous avez raison de partir, mais je dois terminer ce que j'ai commencé.

Ils se figèrent un instant. Léa et André partagèrent un silence lourd de sens, plus parlant que mille mots. Un dernier soupir, avant que le quotidien ne reprenne ses droits.

Le lendemain matin, ils se levèrent tôt, dans l'espoir que leur départ marquerait la fin de cette histoire sombre, mais au fond d’eux, une peur persistante les rongeait. Ils savaient qu’ils ne quitteraient jamais vraiment cet endroit. Non, pas tant que les ombres de leurs créations, de leurs erreurs, seraient là, à les hanter, imprégnées dans leurs esprits et dans leurs vies.

Cependant, ce qu'ils ignoraient, était que le professeur Kennywood, imbu de lui-même, ne permettrait à quiconque de détruire son rêve de gloire et de découverte. Pour lui, Léa et André Wullschleger étaient désormais des obstacles à abattre, des menaces qu'il devait éliminer avant qu'ils puissent fuir et tout dévoiler.

Le couple Wullschleger appela un taxi dans le village isolé d’Underberg à près de 40 kilomètres du laboratoire, espérant rejoindre rapidement l'aéroport de Durban. Ils étaient loin de se douter que Kennywood, informé de leur départ imminent, avait déjà préparé un plan pour les empêcher de quitter le pays.

Sous prétexte d'une inspection de routine, leur départ fut retardé d'un jour. Ce délai, soigneusement orchestré, leur coûterait cher. Un mécanicien local, corrompu par un agent de Kennywood, se présenta discrètement pour "réviser" le taxi. Sans éveiller de soupçons, il prit soin de saboter les freins du véhicule. Le chauffeur, quant à lui, n'avait aucune idée de ce qui se préparait. Il pensait simplement qu’il s’agissait d’une vérification de routine, une simple mesure de sécurité avant de prendre la route.

***

Le soleil couchant jetait des ombres longues sur la piste poussiéreuse du village, mais l'ombre la plus menaçante était invisible. Elle se glissait dans les rouages du destin, implacable et silencieuse.

Le surlendemain, alors que Léa et André montèrent dans le taxi, ils échangèrent un dernier regard avec leurs collègues. La tristesse voilait leurs sourires, mais une lueur d’inquiétude se glissait derrière leurs yeux fatigués. Le chauffeur, silencieux, lança la voiture sur la route sinueuse du Drakensberg. Autour d’eux, les montagnes s’élevaient comme des géants silencieux, menaçants sous la lumière déclinante. Aucun d’eux ne devinait que ce voyage pourrait être leur dernier.

Le taxi s’engagea sur une pente raide, chaque virage serré les rapprochant davantage du vide. Le silence dans l'habitacle était devenu étouffant, une tension palpable s’infiltrant dans les moindres recoins de la voiture. Soudain, le véhicule frémit, un grincement inquiétant montait des freins. Léa et André échangèrent un regard, leur cœur battant à l’unisson.

Puis, sans avertissement, la voiture se mit à déraper violemment.

Le chauffeur se crispa sur le volant, tentant de redresser la trajectoire, mais le véhicule glissait, incontrôlable. André saisit instinctivement la main de Léa, leur dernière pensée fut pour leur fille Pauline. Le paysage autour d’eux bascula tandis que le taxi filait vers le bord de la route, luttant en vain contre le poids implacable de la gravité.

Une fraction de seconde de silence. Puis, une chute brutale.

Le véhicule percuta la paroi rocheuse, rebondit, et bascula enfin dans le vide. Les ténèbres les engloutirent, et un hurlement strident perça le silence des montagnes.

À l’aube, les secouristes retrouvèrent un tas de débris calcinés, méconnaissable, au fond du ravin.

On parla d’un accident ayant pour cause, la défaillance des freins.

Mais quelque part, dans l’ombre, une silhouette invisible levait un verre en guise de célébration, savourant la disparition de ceux qui s’étaient approchés trop près de la vérité.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Sophie Ellington ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0