Chapitre 20

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L’air se frayait difficilement un chemin vers les poumons de Jadile. Le combat avait été acharné et violent. D’une intense rapidité. Elle avait d’abord éliminé les archers, taillant dans les rangs lors d’une course folle. À présent, elle gagnait du temps. Les runes de guérisons posées par les chamans Haches peinaient à refermer ses trop nombreuses blessures. La main tenant le katana tremblait. Du sang dégoulinait le long de ses bras et perlait en gouttes vermeilles sur le sol de marbre. La sueur coulait sur son visage à moitié dissimulé par son chapeau de paille abîmé. Elle tentait de maintenir sa bouche fermée, mais n’arrivait pas à contrôler les mouvements involontaires de sa mâchoire.

L’ennemi se tenait en retrait. Avaient-ils peur ? Peu importait la raison de cette accalmie. Elle en profitait, avant l’assaut final qui aurait certainement raison d’elle. Chaque minute gagnée permettait à ses compagnons de rejoindre l’ambassade des Territoires.

Quand il arriva, Jadile sut aussitôt que c’était Oshei. Il avait cette manière si particulière de se mouvoir, comme si le monde était à ses pieds. Comme s’il était né au-dessus de tous. Elle passa sa main libre derrière son dos pour s’emparer des deux derniers couteaux de lancer qu’elle avait conservé. Sa main revint à sa place initiale, sans attirer l’attention. Oshei avait toujours été un très bon combattant. Certainement meilleur qu’elle. Il vint la toiser, bras derrière le dos, prononçant une phrase qui la transperça plus douloureusement que toutes les lames.

Sans Clan.

Ainsi sa famille, ses proches, tout le clan du Rosier avaient été massacrés.

Un sourire incrédule plissa les lèvres, rendues sèches par le combat, de Jadile. De fines gerçures saignèrent. Il croyait vraiment qu’une sans Clan allait se soumettre à la Tradition ? Il… Jadile écarquilla les yeux.

Oshei avait agi sciemment. Elle aurait dû se méfier. Il n’utilisait jamais des mots sans une bonne raison. Il voulait la distraire et c’était chose faite. Les deux petites arbalètes qu’il tenait maintenant tendues devant lui venaient de lâcher deux carreaux mortels qui fondaient sur elle. Tirés avec une telle maîtrise qu’elle ne pourrait en éviter qu’un seul.

Son corps ne répondit que trop lentement, perclus de douleurs. Dans un dernier effort, alors qu’elle plongeait vers sa droite, choisissant d’être blessée au flanc gauche, elle lança à son tour ses couteaux.

Une forme spectrale se matérialisa devant elle et dévia le premier carreau d’une lame qui prit une forme tangible juste au moment du contact. Une autre âme jaillit du sol pour frapper d’un coup de pied le dernier projectile.

Jadile fit un roulé-boulé et se releva péniblement. Les sbires d’Oshei traînaient leur maître en arrière. Il se tenait la gorge. Elle avait fait mouche. Les soldats, terrorisés et fascinés, assistèrent à l’accomplissement d’une légende. Jadile se releva, entouré par 108 fantômes. Elle avait peur, mais leur attitude pacifique la rassura.

— Libère-nous, tonna le plus vieux.

— Je n’ai aucun pouvoir magique. Je ne suis pas responsable de votre sort. Vous êtes libre, en ce qui me concerne. Si vous êtes là pour vous venger, alors accomplissez votre destin. Laissez-moi le temps d’arranger ma tenue.

Elle rentra son katana et enleva son chapeau de paille. Elle se recoiffa rapidement, lissa ses habits, prit quelques bandages dans ses sacoches de ceintures et s’en couvrit les mains, les bras. Une fois prête, Jadile repositionna son couvre-chef, ne laissant visible que sa bouche.

Les âmes n’avaient pas attendu. Elles s’étaient évaporées, sauf trois d’entre elles.

— Jadile, nous sommes le Levant, le Midi et le Couchant. Aux origines, un groupe d’aventuriers dont sont issus tous les Clans combattit une journée entière contre 101 féroces dragons dont un seul survécut. Il avait le pouvoir de lancer un sort à travers le temps. En échange de la vie sauve, le dragon annonça que celui qui accomplirait l’exploit de vaincre plus d’une centaine d’ennemis en moins d’une journée, pour une noble cause, serait récompensé. Nous serons dorénavant tes gardiens. Où que te mènent tes pas, nous serons là.

Jadile déglutit. Elle aurait le temps de réfléchir à tout cela plus tard.

— Mettons-nous en marche. J’ai des amis à aider, murmura-t-elle en sortant de la pièce.

Les soldats survivants s’agenouillèrent sur son passage, emplis d’une crainte respectueuse.

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