Chapitre 28

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« Nous étions des êtres de pure magie, premiers habitants de cette planète, jusqu’à l’arrivée du Dragon noir. Il a créé des vies, qui eux-mêmes conçurent d’autres races. Des guerres éclatèrent et nous, les Premiers, nous en fûmes les premières victimes. Nous avons été capturés, par tous les camps. Certains, comme moi, ont été transférés dans des corps d’Anciens, de Nomics ou de certains humains plus résistants. Un petit nombre devint des Mémoires. Nous sommes le souvenir des temps passés. Je suis si vieux que j’ai parfois du mal à me rappeler de tout. J’aurais normalement dû transmettre mon savoir à une autre Mémoire, mais lors de la dernière phase du conflit contre les dragons cet endroit a été le témoin d’évènements horribles. La peste de mana a isolé la cité, et a corrompu mon cerveau. J’ai presque tout oublié des origines. Seules quelques brides, attachés aux archives présentes en ce lieu demeurent à peu près intactes. Je connais Kril le Mécamage. Il a séjourné ici, mais a déserté quand il a vu ce qu’on y faisait. Il était venu pour travailler sur un mécanisme de sécurité, un modèle plus grand que celui commandé dans une autre ville de la région. Une salle secrète qui devait pouvoir confiner un dragon adulte. Il n’a jamais voulu mener le projet à son terme. Il est resté le temps de me tenter de m'aider. Il espérait à tout prix que je puisse partir d’ici, retourner auprès des miens. Il a échoué. Je crois qu’à l’époque il ne maîtrisait pas encore son art. Je ne sais pas exactement ce qu’il envisageait pour moi, mais ce qu’il a amorcé est conservé dans un laboratoire, sous cet édifice. »

Britess écoutait attentivement, le regard sans cesse en mouvement, guettant l’arrivée de la peste.

— Qu’est-ce que la mécamagie au juste ?

— La possibilité d’insuffler une énergie puissante et durable à ses créations. Il faut normalement une source extérieure pour faire fonctionner des rouages. Le mécamage est capable de visualiser comment agencer des mécanismes pour créer la vie. Kril m’a expliqué qu’il y avait deux façons de faire. Celle du mage, innée, qui possède en lui-même la source de mana, comme les Nomics, les Anciens ou les Premiers. Il donnait une part de sa force pour activer la machine. Au contraire, celui qui avait besoin d’un catalyseur magique pour pratiquer la magie devait utiliser un réceptacle rechargeable dans lequel il transférait du mana.

— As-tu un manuel, des recettes pour l’exercer ?

— Absolument pas.

La femme baissa la tête. Elle avait retardé le plus longtemps possible la question qui lui brûlait les lèvres. Tous les savoirs ne menaient pas vers la grandeur. Parfois ils pouvaient plonger vers des noirceurs dont on ne revenait pas. Le soleil amorçait sa descente. Elle devait se dépêcher de rejoindre la salle d’isolation avant la tombée de la nuit.

— Que s’est-il passé ici ?

— Lors des guerres draconiques, des tueurs de mages ont été créés par une des factions. Ils ont été façonnés avec du mana des dragons. Seule la magie innée pouvait les blesser. L’autre, celle des thaumaturges qui devaient l’apprendre et utiliser un catalyseur, n’avait aucune conséquence sur eux. Ils pouvaient lire les sorts, les décomposer. Une boule feu n’était à leurs yeux qu’un assemblage de mots qui prenaient forme dans l’air. Ils inventèrent la magie runique…

— Les Haches ? Tu parles des Haches ?

— Oui, c’est le surnom de leur peuple : Les Haches exterminatrices. Ils utilisaient des haches de guerre renforcées par de puissantes runes.

— Quel lien avec ce lieu ?

— J’y viens. La faction ennemie n’avait plus le dessus. Les Haches pouvaient se transporter n’importe où sur un champ de bataille, éliminant les mages les plus redoutables. Il fallait faire quelque chose. On réunit dans cette cité les maîtres des arts magiques. Ils travaillèrent sur une bombe au mana. Pour cela ils utilisèrent certains de mes semblables…

La voix se cassa sous l’émotion.

— La première de ces armes explosa sur le continent des Haches, le pulvérisant. Les survivants devinrent encore plus puissants, fusionnant avec les âmes des morts. Il fallait une autre bombe, plus meurtrière, pour rayer de la surface le continent des Territoires. Un dragon fut capturé. On l’emmena ici, et on essaya d’extraire son mana, de le distiller. Le dragon devait rester en vie lors de cette opération barbare et extrêmement douloureuse. Rendu fou par la torture il a préféré se suicider… Il s’est fait exploser en une pluie de mana corrompue qui dévora les habitants de la cité.

Britess garda le silence. Les humains pouvaient être des êtres immondes, ne méritant pas de fouler librement la terre sous le ciel. Heureusement, la grande majorité ne présentait pas ce travers. L’image du Premier flottait à quelques centimètres du sol, attendant, les bras le long de sa silhouette malingre. Il regardait un peu au-dessus de Britess, comme s’il ne la voyait pas vraiment. Elle éprouvait de la peine pour cet être, coincé là depuis des époques immémoriales. Comment l’aider ? Le temps lui était compté, alors que la nuit menaçait.

— Si je comprends bien ton corps et ton esprit sont quelque part sous ces archives ?

— Oui, juste au niveau inférieur. Je peux t’y guider si tu le souhaites.

Britess jaugea le ciel. Il lui restait entre une ou deux heures de jour.

— Allons-y.

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