Hardi, cavalier! (partie 3/3)

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  • Comment je dois m’y prendre cette fois si tu t’endors?
  • J’en sais rien… J’ai l’impression que même un contact furtif va me faire paniquer…
  • Je trouverai bien un moyen de t’éveiller sans que ton poing cherche ma face…

Il avaient passé le début de la soirée dans un petit resto-bar du centre-ville, puis le groupe s’était scindé en deux sur le coup de dix heures. Samantha fatiguait beaucoup et ne voulait pas être un boulet pour qui que ce soit, et préféra demander à Patrick de la ramener chez elle; il pouvait retourner avec eux après s’il le voulait. Il en mourait d’envie, la soirée commençait à peine à cette heure et ils le savaient tout les deux… Patrick eût l’idée de prendre sa main, entrecroisant leurs doigts… peut-être que de la lui serrer doucement suffirait à la réveiller sans qu’elle ne parte en peur? Il l’espéra… Samantha, surprise, tourna la tête vers lui pour constater que la commissure de la lèvre de Patrick se retroussait légèrement. Il eût conscience du regard qu’elle posait sur lui mais garda les yeux sur la route. La ville avait ressorti ses cônes oranges estivaux, forçant les conducteurs à redoubler de prudence. Patrick avait l’habitude de ne conduire que d’une main, tel l’incorrigible accro au téléphone qu’il était, toutefois il était toujours heureux de délaisser son appareil pour une main. Samantha avait besoin de lui, et il n’était pas question de la laisser tomber.Elle étira le bras droit pour allumer l’autoradio pour voir si elle ne pourrait pas trouver une musique sur laquelle fredonner pour s’aider à rester éveillée. Elle adorait chanter, et lui aimait bien l’entendre. Et en ce moment, cela envoyait à Patrick le message qu’elle était prête à se retrousser les manches et se battre pour reprendre du poil de la bête. Elle tomba sur Bring me to life par Evanescence, regarda Patrick, lui demanda à la blague s’il était motivé pour chanter avec elle. Ce n’était pas vraiment un de ses talents, mais il allait le faire quand même pour lui faire plaisir, pourquoi pas après tout…

  • À quel étage tu vis déjà?
  • Au troisième.
  • Vas-tu réussir à monter?
  • J’ai pas vraiment le choix. J’ai réussi à descendre ce matin après tout
  • Oui, bon, monter et descendre c’est pas pareil non plus. T’avais déjà du mal avec quatre marches en revenant de manger…

Elle avait bien compris qu’il la chambrait cependant elle n’eût aucune envie d’y répondre. Le simple fait d’arriver sur la rue avait ranimé son stress. Ses craintes. Encore une nuit à passer dans un bâtiment où l’ambiance lui était devenue hostile.

  • Bouge pas, je vais t’aider…

Il prit son sac et le balança à l’arrière avant de sortir et de faire le tour du véhicule, puis s’accroupi dos à Samantha une fois la portière ouverte.

  • Pat, tu fais quoi là?
  • Tu vas t’agripper dans mon dos et je te monte au troisième étage.
  • Des plans pour qu’on se ramasse invalide tout les deux si tu te plantes, déconne pas.
  • Je suis très sérieux, tu montes sur mon dos et je te monte là-haut.
  • J’espère que t’as un bon sens de l’équilibre…

Elle ne doutait pas de la solidité des jambes de Patrick, qui jouait fréquemment au hockey et adorait le ski. C’est sa confiance envers tout ce qui touchait au building qui s’était évaporée. Et s’il ratait une marche? Et s’ils croisaient celui dont elle avait peur et qu’il décidait de les pousser? Et s’il les attendait devant la porte de l’appartement? La peur remontait de ses entrailles, s’emparait d’elle, la paralysait. Patrick la tira un peu vers elle, puis sentit le cœur affolé dans son dos. Ce n’est qu’à ce moment qu’il remarqua le rythme fou qu’avait prit sa respiration.

  • Sam?

Elle ne pouvait pas répondre. Elle allait craquer. Fondre en larmes. Céder à l’hystérie. Elle le sentait. Elle avait conscience de tout ça, mais ne pouvait s’en empêcher. Elle eut l’impression de faire l’expérience de la paralysie du sommeil, sans même s’être endormie au préalable. Elle réalisait que son corps réagissait de façon exagérée, voire ridicule, mais ne pouvait plus le bouger d’elle-même pour l’instant. Patrick se débrouilla pour la monter comme ça. Il valait mieux la rentrer rapidement chez elle. Lui donner un minimum de sentiment de sécurité.

  • Ça va Sam, on y est presque.

Mais non, ça n’allait pas. Elle avait un très mauvais pressentiment. Pourquoi avait-elle accepté de laisser Patrick la ramener? Le danger était là, elle le savait, elle n’en démordait pas. Pourquoi ne sentait-il rien de tout ça? Comment pouvait-il ne pas réaliser qu’ils ne devaient pas rester ici? Comment pouvait-il ignorer les signaux envoyés par son corps? Ils arrivèrent enfin au troisième plancher, après deux à trois minutes qui parurent lui être une éternité. Samantha, toujours pétrifiée, failli tomber lorsque Patrick la déposa sur le sol. Il dû l’appuyer au mur et fouiller ses poches pour trouver les clés de l’appartement. Elle était maintenant livide, ses yeux fixaient le vide sans rien voir. Elle ne compris pas comment ses jambes si tremblantes pouvaient la supporter sans qu’elle ne s’effondré. Son cerveau s’était enlisé dans des scénarios tous plus horribles les uns que les autres. Patrick s’empressa d’ouvrir, la prenant dans ses bras pour la faire entrer, alla l’allonger sur son lit avant d’aller fermer et verrouiller, puis revint vite vers elle.

  • Samantha! Minou! Regarde moi!

Elle ne l’entendait plus. Elle craquait. De longues larmes coulèrent sur son visage alors qu’elle commençait à geindre. Il s’allongea près d’elle et la prit contre lui, ne sachant que faire d’autre. Il laissa ses mains glisser sur son dos, ses doigts courir dans ses cheveux, lui offrant le temps nécessaire pour qu’elle se calme. Il regarda autour de lui, se laissant pénétrer par l’ambiance de la pièce, puis de ce qu’il pouvait voir de celle adjacente. Patrick n’était jamais entré chez elle. Ils savaient à peu près où l’autre vivait dû aux discussions qu’ils avaient parfois, mais jamais ils n’avaient été l’un chez l’autre avant aujourd’hui. Et il ne réalisait que maintenant le pourquoi de plusieurs de ses comportements et réactions… Samantha se serra contre lui, se calmant peu à peu. La peur restait, mais elle se força à la faire taire un peu. Elle pouvait affronter une nuit supplémentaire, mais combien encore pourrait-elle prendre?

  • Merci Pat. Ça va mieux. Je devrais pouvoir faire ma nuit.
  • Tu vas la faire, t’en fais pas avec ça.
  • Qu’est-ce qui te rend si sûr de ça?
  • Je reste avec toi cette nuit, je veux que tu dormes
  • Attends, tu rigoles ou quoi? T’es devenu fou?
  • Sam, je suis sérieux. Je reste avec toi cette nuit. J’ai un plan pour la suite. Tu vas venir chez moi en attendant de trouver un appart.
  • Arrête, tu vas t’attirer des problèmes. Je peux pas te laisser dormir ici!
  • Et tu vas faire quoi dans l’état que t’es? Dis-moi un peu?

Rien. Elle ne pouvait l’empêcher de rien. Elle n’arrivait encore à se défendre que grâce aux poussées d’adrénaline qu’elle ressentait encore quand le temps venait. Elle n’aurait pas la force de mettre Patrick à la porte. Pas le cœur non plus. Elle détestait se l’admettre mais elle avait besoin de quelqu’un, et il tombait à point. Et quoi de mieux pour la défendre qu’un joueur de hockey dans cet immeuble? Il était exactement ce dont elle avait besoin dans les circonstances. Une chose la tracassait pourtant…

  • Patrick, tu vas dormir où? Et comment?
  • T’as pas un canapé? J’ai pas bien vu en entrant.
  • Non, j’ai pas. J’ai que ce lit et mes chaises droites. Je vais te laisser le lit au besoin.
  • Pas question. Tu restes dans le lit et tu te reposes. Il y a bien assez de place pour nous deux sur ce matelas.
  • Pat…
  • Pas de discussion, on peut dormir à deux là-dedans.
  • Si tu dors, oui… J’ai des cauchemars fréquents depuis la toute première fois que c’est arrivé… Tu veux vraiment deal avec ça?
  • On va faire avec, peanut. C’est mon problème ça. Va prendre une douche, ça va te faire du bien.

Elle n’avait pas prévu ça. À aucun moment ils n’avaient parlé de la probabilité de dormir côte à côte. Arriverait-elle vraiment à dormir en le sentant près d’elle, alors qu’elle avait paniqué quelques heures plus tôt quand il l’avait éveillée? Comment arriverait-il à la calmer si elle se réveillait encore de la même façon qu’après leur lunch si elle n’avait aucun repère visuel dû à la noirceur? Comment son corps allait-il s’adapter au fait d’avoir quelqu’un près d’elle? Avait-il tendance à bouger beaucoup pendant la nuit? Patrick s’était assis au bord du lit et regardait Samantha qui ne bougeait toujours pas d’un poil.

  • Minou…

Il étira la main pour écarter la mèche de cheveux qui glissait sur son visage, lui cachant l’œil gauche en même temps. Patrick avait du mal à la voir ainsi. Il voulait vite retrouver la Samantha souriante qu’il avait habitude de voir chaque jour au travail. Même son humour un peu noir commençait à lui manquer. Il s’était habitué à elle, et à tout ce qui venait avec. Il avait apprit à apprécier ce qu’elle était. Il cherchait toujours à lui ramener le sourire lorsqu’elle avait une baisse de moral. De façon générale, ça fonctionnait bien, mais vu les circonstances il n’essaya même plus. Peut-être demain mais pour l’heure c’était mort. Il ferait tout ce qu’il pouvait pour l’aider à ramener son corps à un état normal, mais est-ce que son esprit suivrait le même rythme? Samantha bougea enfin. Très lentement d’abord, pour arriver à regarder Patrick sans avoir mal au cou.

  • Va prendre une douche Samy, je me charge de préparer ici pour qu’on soit confortable.

Il l’aida du mieux qu’il put à sortir du lit puis là laissa aller. Comme le lit avait un des côtés collé au mur, le mieux à faire était de bloquer l’interstice pour éviter de s’y coincer. Il garderait le bord du lit, c’était plus sécuritaire si quoi que ce soit arrivait pendant la nuit. Il préférait largement risquer de se prendre un coup et n’avoir qu’à se tourner plutôt que de risquer de blesser Samantha au beau milieu de la nuit pour la défendre en essayant de passer par-dessus elle. Ce qu’elle avait n’allait toutefois pas suffire… Il prit ses clés et verrouilla en sortant, puis descendit chercher son sac dans la voiture. Il avait aussi une couverture qui traînait dans le coffre en cas de besoin, il allait s’en emparer pour finir le colmatage. Samantha avait d’abord cru ne pas avoir l’énergie de se tenir debout sous la douche, mais la chaleur de l’eau l’avait quelque peu revigorée. Même ses douleurs s’apaisaient sous le jet. Elle avait toujours du mal à se bouger bien sûr, mais au moins respirer devenait supportable. La vapeur quand à elle amplifia l’effet de son morceau de savon aux arômes calmants, parfait pour un tel moment après la journée qu’elle avait eu. Ça ne faisait bien sûr pas de miracle mais ça allait faire… Elle resta longtemps sous l’eau, assez pour vider le réservoir. Elle ne voulu toutefois pas se presser pour sortir de la salle de bain, profitant encore un peu de l’ambiance qui s’y était formée, prenant tout son temps pour démêler ses cheveux frais lavé. Ça n’allait pas durer longtemps bien sûr vu l’état du fond de sa tête… Elle enfila ce qui lui servait de pyjama dans le moment, soir un vieux T-shirt et un jogging, tout deux noirs, puis sorti et fila vers la chambre, directement vers son lit.

  • T’aurais pas dû…

Se figeant d’abord, Samantha fit vite volte-face. Ses yeux s’écarquillèrent.

  • PATRICK!
  • Il est en bas. Mort.

Son agresseur sorti une arme à feu équipée d’un silencieux pour l’abattre avant de s’en approcher et de la faire sienne pendant qu’elle avait toujours le corps chaud.

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