Chapitre 1

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Ce jour-là, la galerie commerciale était bondée. En temps normal, John Smith évitait les attroupements. Aujourd'hui, c'était différent. Le jeune homme était parmi la foule et il y portait une attention particulière.

Assis à une table face aux restaurants de la place, il observait la cohue du midi. Le salarié de vingt-sept ans percevait désormais les quelques groupes qui la constituait. Il reconnut immédiatement les employés d'entreprises, seul et hâtif. Il y avait les étudiants aux abords des fasts-foods. Une catégorie se démarquait particulièrement des autres, celle des vendeurs. Propre sur soi et sourire aux lèvres, ils se mouvaient avec assurance à travers les rangées de tables. Le centre commercial était leur deuxième maison. Un territoire que certains groupes de jeunes tentaient de s'accaparer. Leur présence massive et quelques graffitis sur les lieux indiquaient qu'ils étaient plusieurs à le convoiter.

John hésitait à alerter la sécurité après en avoir vu quelques-uns rodaient près des toilettes. Mais l'heure du rendez-vous approchait et il ne voulait surtout pas le manquer.

La place était à tout le monde après tout. Chacun avait son rôle à jouer dans ce grand théâtre des temps modernes que ce soit la sécurité, l'entretien et même un solitaire comme lui. Il l'ignorait encore mais John tenait l'un des rôles clés de la pièce.

Pour l'instant, il simulait la dégustation de son repas commandé dans un restaurant de la place.

À quelques mètres de sa table, une brune décolorée d'une vingtaine d'année racontait ses derniers ébats amoureux à ses amies. Sur une autre, des grands-parents et leur petite fille se retrouvaient pour passer un moment ensemble.

Pour lui, les endroits publics étaient exceptionnels. La concentration des personnes sur leur propre discussion malgré le vacarme était stupéfiante. Les gens discutaient de tout et de rien, parfois sans complexe. Il pouvait se dire des choses extraordinaires sans que personne n'y prêtes attention, à moins d'être épié.

Au même moment, John et la brune se dévisagèrent. Les histoires torrides cessèrent. John s'en détourna, gêné. Du coin de l'oeil, il vit le groupe de filles se lever. Il feignit l'indifférence lorsqu'elles le fusillèrent du regard.

Il fixa l'horloge centrale qui affichait midi. Le groupe s'éloigna doucement en continuant de le fustiger, mais il ne s'en préoccupait plus. L'heure du rendez-vous approchait.

Son front s'humidifia et il sentit quelques palpitations. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti cette sensation. L'activité se révélait plus intéressante qu'il ne l'espérait.

Un homme brun d'une quarantaine d'année aux cheveux courts et à la barbe grisonnante passa devant lui. L'individu correspondait aux indications que John avait reçu par téléphone. Il portait une veste vert kaki, un jean délavé et des chaussures de randonnée.

Le quadragénaire s'appuya contre la rambarde près du jeune homme.

  • Quelle chaleur, je suis trempé

C'était bien lui. Le salarié l'interpella aussitôt

  • Tenez Monsieur, pour vous éponger, dit John en tendant un morceau de tissu
  • Merci bien

Il s'épongea le front et vit la place de libre à côté de John.

  • Vous permettez que je m'assois? Ma prothèse me fait un peu mal.
  • Oui bien sûr !

S'il ne l'avait pas vu, John n'aurait jamais envisager qu'il en portait une. Il faut dire que la prothèse que l'homme exhibait était assez performante.

Le quadragénaire s'installa et sortit de sa veste un petit sac brun qu'il plaça sur la table. Le jeune homme s'essuya rapidement et sortit à son tour un sachet similaire qu'il plaça sous son cabaret. En le voyant s'en allait, l'homme voulut lui rendre son tissu.

  • Non, je vous en prie, gardez-le. Et aussi...

Il reposa son cabaret sur la table masquant le sac de l'homme. Puis saisie le café encore fumant sur son plateau pour le déposer sur la table.

  • Je vous l'offre, je n'y ai pas touché

L'homme le remercia d'un signe de la tête. Au moment de reprendre son plateau, il saisit le sac du quarantenaire et laissa le sien à la place.

  • Bien. Je vous souhaite une bonne journée
  • Bonne journée également, répondit l'homme

Et John s'éloigna. Plus il marchait, plus le salarié jubilait. Sa première transaction fut exaltante. Il jeta le plateau dans la poubelle la plus proche.

Il marcha un certain moment avant de trouver un banc libre. Lorsqu'il en trouva finalement un, il s'assit et sortit discrètement le contenu du sac.

Le bouquin était bien là, en bon état. Il vit néanmoins un post-it dépassé du livre et son excitation s'envola. Il avait une sainte horreur des annotations.

Quand il l'ouvrit, une bruyante détonation retentit suivie d'un jet de vapeur. Sur le coup, il ne put retenir un cri strident. Il resta choqué pendant quelques secondes avant que les rires aux alentours le ramène à la réalité. Il vit un énorme trou dans les pages du livre dans lequel se trouvait le gadget qui l'avait aspergé.

  • Quel gâchis !

Il chercha autour de lui une quelconque caméra cachée, mais personne ne vint. Il fallait qu'il signale au plus vite l'utilisateur avant qu'il ne fasse une autre de ces blagues.

John se frotta le visage mais la substance persistait. Même en s'essuyant avec son t-shirt, le liquide revenait. Après plusieurs essais, il se rendit compte que le fluide ne venait pas de l'extérieur. C'était des larmes et de la morve. La sienne.

Il pensa d'abord à une allergie dû à son repas. Ça devait être ça, car il ressentit tout d'un coup des nausées. Lorsqu'il voulut demander de l'aide aux passants, sa respiration devint saccadée. John s'aggrippa à une femme qui s'éloigna juste avant qu'il ne vomisse.

  • Monsieur, vous allez bien ?

Il reconnut vaguement l'un des jeunes qui traînaient près des toilettes. Celui-ci se retourna brusquement vers ses amis.

  • Les gars ! Appelez la sécurité, le gars a pas l'air bien
  • J'ai vu quelque chose sortir de ce truc, rajouta une passante en pointant du doigt le livre à terre

John avait les yeux rivaient au sol. D'autres personnes parlaient mais il n'entendait plus que des échos. Le son des voix s'éloignaient de plus en plus. Les questions se bousculaient dans sa tête jusqu'à perdre connaissance. Il s'écroula au sol en pleine convulsion.

  • Reculez ! hurla un agent de sécurité qui accourait sur les lieux. Écartez-vous, s'il vous plait!
  • Ambulance zone trois ! Je demande une ambulance zone trois, cria son partenaire à sa radio

John Smith fut la première victime.

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