Euphorie dysphorique.

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Quand j'adolaissais, je jouais à transformer mes paupières fermées en miroir
Sur le noir des membranes je me représentais mon corps mimétiquement pensé
Trait pour trait
Je transvasais mon attention de toutes mes forces sur le reflet imaginaire
Et quand enfin j'avais lié mon corps d'ici au corps d'en face
Point par point
Je pâtamodelais les organes de l'autre pour me sentir changer avec
Comme un jumeau qui dit ouille quand son frère se cogne le pied
Pas à pas
Je me pygmalionnais à répartir la graisse et râtisser les poils
Jusqu'à ce que tout à fait je sois devenu une fille
Vrai de vrai
Je me sentais pointer tétons gonfler nichons largir les cuisses
Tout cela très timidement en des proportions adolescentes et pas vicieuses
Jour après jour
J'apprenais à caresser en pensée les courbes illusoires
Et cette superficie nouvelle sonnait comme un chez-moi à portée d'image
Mieux en mieux
J'éprouvais une volupté sans pareille à chasser mes couilles loin dedans
Voir coulisser mon pénis jusqu'elles dans la longueur de son retroussement
Confidence pour confidence
J'en rêvais bientôt jour comme nuit, yeux ouverts en plein cours
Ça me travaillait la vie, dissociée à faire advenir l'impossible

Quelque chose était en train de transir
Je repense à ces après-midi à la plage, à jouer à faire disparaître la bosse du pénis en le coinçant sous les jambes serrées comme celles des petites filles qui savent s'asseoir correctement
Et ces bains solitaires où l'on s'essaie à rabattre la peau élastique des bourses contre la bite pour la couvrir en manière de cape, de cocon digestif, de chrysalide
Quelque chose était en train de transir

Et puis j'ai découvert la branlette, j'ai aimé ça, trop, et ç'a dépoussiéré une image mâle de moi qui avait l'avantage de déjà exister
Alors, par commodité peut-être, par habitude, par conformisme, qui sait, l'homme a siégé de tout son manspreading
La femme s'est rabougrie, enterrée sous les débris des âges, est devenue cette minifemme résiduelle, ma miniautre

Longtemps je l'ai gardée occultée, scrabouillée contre la macrophallie du poireau astiqué beaucoup
Jusqu'au jour où, après un énième épandage spermatique sur les terreaux sopalins
Trop c'est trop
J'ai giclé une quantité anormalement élevée de liquide parfois solide parfois cartilagineux
Sorti du brouillard je me rends compte qu'à force de creuser tout bas, je me suis éjaculé
Foutu pour foutu
Je me regarde inerte, rictus satisfait, manche fongeux mollement poigné, poilu dense, demi-musclé
Un sentiment étrange de ne pas me ressembler, de ne pas être à la bonne place, m'envahit
Peu à peu
Je rampe flaque de foutre, tente de me réinvestir et reprendre possession du corps décorrélé
Seulement, j'ai beau serpenter flasque, aucun orifice mâle ne veut m'acquérir
Quoique
Je fore-fouille si profond que je retrouve ma minifemme, rachitique, grelottante
Elle a trouvé refuge dans les environs du coeur, où subsistait un peu de chaleur encore
Alors
Je l'enlace d'un manteau de cire chaude, elle rend l'étreinte, et par là même m'incorpore
De nouveau au sein de mon corps, où je demeure toujours aujourd'hui
Mais
Non plus comme auparavant en fond de raclure de testicule, mâlement bandé à bloc
Au contraire, c'est au creux de la poitrine que je veille désormais

Où celle qui m'apparaît la plus grande
C'est elle


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