Séance 15 : L'amour de l'idée

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Psy : Vous pouvez commencer ...

Moi : Nous devions continuer sur l'amour des idées.

Psy : Ah oui, merde. J'aurais préféré autre chose que votre propre définition.

Moi : Bin, désolé mais si je parle de ma vision des choses, il faut un minimum définir de quoi on parle.

Psy : On a mis un mois la dernière fois que vous avez voulu commencer à définir votre vision.

Moi : Je sais, je sais.

Psy : Faites simple.

Moi : Je sais. Bon la dernière fois on parlait d'une idée séduisante. Je me disais alors qu'il était plus facile de définir ce qui est séduisant.

Psy : Oui, c'est une idée qui vous parait riche et intéressante, mais ce n'est qu'une première impression. Pour aimer une idée il faut qu'elle passe ce cap.

Moi : Joli résumé.

Psy : Votre vision ne tient pas à grand chose alors c'est facile de résumer.

Moi : Bon alors, n'avez vous jamais regardé une série, un livre, un film, un album qui dispose d'une idée superbe, si séduisante que cela vous fait acheter ? Et il arrive parfois qu'on se trompe, que notre attente soit déçue, que l'on nous propose du vent. Une idée de façade ? Une idée qui finalement dans sa profondeur, dans son traitement vous déplait. On peut aimer une idée mais sa réalisation, son fond, son graphisme, son traitement, ne correspondent pas. Une chose cloche. Cela paraît fade, terne, vous arrivez presque à palper cette chose, ce manque, cette insatisfaction, ce creux dans l'idée et son développement.

Psy : C'est que la réalisation n'est pas à votre idée.

Moi : Des projets vous offre des fins bâclées et vous déçoivent, ce n'est pas rare. Combien de films et séries ont une fin sous exploitée, trop étirée, trop simple ? Combien de fins vous ont vraiment mis sur le cul ?

Psy : Peu ...

Moi : Il arrive qu'une fin tue votre amour pour une idée : en décrédibilisant le héros, en offrant une non-conclusion, en sabordant l'âme même de l'oeuvre, bref en détruisant un des aspects de l'idée.

Psy : Donnez un exemple au moins.

Moi : J'ai été un fan de la série Naruto. Les épisodes ont commencé à sortir sur internet pendant mon adolescence. Naruto Shippuden avait permis une continuité et le summum de l'animé est arrivé avec le combat contre PAIN. Un combat symbolisant deux visions du monde, deux élèves arrivés à une maîtrise de leur technique. Cet affrontement créait un nouvel enjeu "trouver une nouvelle voie, car rien n'était inscrit dans une destinée".

Or, la suite de l'animé et sa fin ont cristallisé la trahison de cette idée en inscrivant le tout dans un destin. Le personnage n'est alors qu'un énième héros de prophétie. La fin est un patchwork d'idées et de personnages censés être mythiques et puissants. La fameuse guerre ninja ... une horreur qui a noyé la série à mes yeux. Là, j'ai compris que la promesse était brisée et que l'animé que j'aimais avait disparu.

Pourtant, il y a une fin et des tas d'épisodes que je n'ai jamais vu. Il y a même des beaux combats et une suite. Donc l'animé n'est pas mort, pourtant quelque chose est mort. Plein de gens suivent encore et je jette parfois un coup d'oeil au devenir de cette série. Mais plus aucune flamme ne clignote en moi.

Psy : Votre fameux amour de l'idée.

Moi : Oui, on saisit tout le coté complexe de l'amour de l'idée. Nombre de gens continuent à aimer et pourtant chez moi tout s'est éteint. C'est bien un goût personnel, mais j'ai pu croisé des personnes qui ont stoppé l'animé ou le manga à la grande guerre ninja. Des gens qui partagent à peu de choses près le même avis que moi.

J'ai compris que Naruto m'avait accompagné et jusqu'à la grande guerre c'est un personnage qui grandissait et la promesse d'une nouvelle voie, c'était la promesse de "Se trouver" pour l'animé, "Trouver SA résolution, SA fin." Pour moi la fin proposée ne colle pas avec l'histoire et l'esprit de cette série. C'est du combat contre un méchant, ça résout la guerre et la paix arrive, et grosso modo on attendait ça. Mais l'avalanche de surpuissance n'est pas une réponse. Naruto est un personnage qui échoue dans sa quête. Un enfant né dans la souffrance, porteur de l'arme ultime du village, vivant dans la haine. Quand il croise PAIN, il croise son alter égo, qui veut tout résoudre par la surpuissance. Naruto promettait autre chose. Et finalement, est ce vraiment différent de la situation initiale ? Est on en face du plus grand Hokage de tous les temps ou juste du plus fort ?

L'amour d'une idée peut reposée sur une petite chose, un détail dans tout un univers développé, mais un détail qui a une place spéciale.

Psy : Une place spéciale dans votre coeur. C'est un peu cliché.

Moi : Carrément même. C'est pour ça que je m'arrête à "une place spéciale".

Psy : L'exemple était long, est ce que ça avance vraiment quelque chose.

Moi : Cela pointe du doigt un élément. Mais ce n'est pas un élément de l'histoire, c'est un élément en nous. Il faut savoir ce qu'on attend d'une histoire, ce que sont nos attentes. Nos attentes et notre imagination sont très liées, si nous pouvons imaginer une "meilleure fin" c'est que dans notre esprit il y a un désaccord avec l'oeuvre proposée et aboutie, et notre attente. L'imagination comble alors un peu le vide en proposant "une meilleure fin".

Psy : Votre fin est elle alors la meilleure ? La meilleure qui puisse être imaginée ?

Moi : Euh ... non. Enfin je ne pense pas. Je pense plutôt qu'il y a des niveaux de satisfactions par rapport à une fin. Naruto, le personnage cristallise l'élément du débat : veut on des personnages plus grands par l'âme ou la puissance. Cet oeuvre éveille telle le spirituel ou l'athlète en vous ? La fin importe peu, ... au final... . C'est l'amour d'une idée, l'espoir que vous avez mis ou trouvé dans ce récit. Naruto peut alors devenir fort ou sage, on peut devenir fort de bien des manières et sage d'au moins autant de manières. L'intéressant, c'est que Naruto choisit la force, tel un héros grec cherchant à monter l'Olympe pour devenir un Dieu. Et le scénario le met en face d'un demi-dieu.

Psy : Le héros devenant une légende en défiant un dieu, c'est pourtant un classique, qui marche.

Moi : Oui, mais Naruto échoue à vous faire devenir un homme à ce moment là. C'est un shonen, un public d'adolescent et d'enfant masculin par définition. Naruto ne trouve pas sa propre réponse, à sa question humaine. Pourquoi veut-il être hokage ? Protéger le village, oui, comme tous les autres ninjas. Mais pourquoi lui plus que les autres ? Enfant, il le dit "pour prouver aux autres qu'il existe". Mais il a résolu cela, face à PAIN.

Psy : Donc Naruto à la fin de la grande guerre ninja ?

Moi : C'est tout le problème, le héros a gagné cette place depuis longtemps dans le coeur des fans. C'est un aboutissement. Mais s'est il prouvé à lui-même qu'il existe et à le droit d'exister ? A-t-il trouvé sa finalité ? Etre hokage est un statut, un trophée social, mais n'aide pas le lecteur à trouver sa voie.

Psy : Donc, vous vouliez des réponses à cette question en regardant Naruto ?

Moi : Une idée dans Naruto m'a fait penser qu'une réponse nouvelle pouvait y être proposé. Et j'ai aimé cette idée. Car Naruto était l'espoir, le héros qui pouvait convaincre son ennemi que les choses changeraient et que la force n'engendrait que la souffrance. Les renards à queue dans le monde ninja sont des bombes nucléaires, seuls les grands pays en ont. Et seulement à cause de cette autodestruction mutuelle annoncée, il n'y a que peu de combats entre grand pays. Guerre froide.

Mais PAIN, vit dans un petit pays écrasé par la guerre et pour lui cette solution ne satisfait que les grands pays. Les petits crèvent. Il veut donc soumettre le monde à une dictature globale par la force.

Psy : Donc vous attendez une réponse géopolitique mondiale dans Naruto ?

Moi : C'est ça l'amour de l'idée, l'ensemble des possibles. Ce qui vous motive à penser autrement et pas simplement plus grand et plus fort. J'ai imaginé des tas de solutions possibles quand Naruto propose de trouver une nouvelle voie. Et là l'amour de l'idée est à son comble, l'histoire fait son travail, en vous racontant une histoire elle vous permet autre chose. La naissance d'un point de vue face au vôtre. C'est un échange, l'histoire vous nourrit. Sauf qu'ici l'histoire finale vous offre tellement ce que vous attendiez, qu'elle n'a rien offert.

Psy : L'amour de l'idée, c'est une idée dans l'histoire qui vous fait dialoguer avec l'auteur. Mais l'auteur de Naruto vous a fait dialoguer avec lui, et vous avez aimé. Vous êtes juste un gros gamin qui dit "c'est nul !" quand il propose une fin.

Moi : L'objectivité, n'est pas importante, que Naruto soit bon ou non. Que je sois un bon spectateur ou non, fan ou non, cela permet de voir l'amour de l'idée selon Moi. La proposition d'une histoire est la proposition du point de vue de l'auteur et l'amour de l'idée c'est quand vous vous sentez en dialogue avec ce point de vue. Ne pas aimer c'est un avis, un échange a été fait, mais a t il été riche ? Vous a t il appris ?

Psy : C'est ça l'amour ?

Moi : Grande question, vous voulez entrer en dialogue avec Moi.

Psy : Je dirais "non pas du tout c'est dégueulasse" cela n'aurait pas de sens puisque j'échange déjà avec vous.

Moi : C'est ça le piège, vous n'avez plus d'échappatoire. Dites-moi que vous m'aimez ! Mouahahahahahaahahahah !

Psy : Fin de la séance.

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