24.1

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Ayla, monta les marches deux par deux jusqu’au quatrième en scandant « Tom », puis s’arrêta net sur le palier desservant leurs appartements. Il était sorti en catastrophe de chez lui, ne croyant pas ses oreilles puis ses yeux, quand elle fut plantée devant lui. L’angoisse se lisait encore sur son visage, l’attente, interminable, avait creusé cernes et ridules. Il se frotta les joues, le menton, constata qu’il ne rêvait pas. Elle était là, son père et le commandant avaient réussi. Il fit un pas, Ayla avança aussi. Un mètre les séparait quand elle se jeta dans ses bras.

Trois heures plus tôt, elle avait serré davantage son père lorsque Éric et Yves, étaient entrés dans la pièce, arme au poing. Elle avait pensé que toute la bande de voyous n’avait pas été maîtrisée, mais Kyle n’avait pas esquissé le moindre mouvement de défense. Ces deux hommes étaient avec lui. Le plus maigre s’était dirigé vers Shelby, avait poussé hors de portée son flingue, puis avait posé un doigt à la base de son cou. « Ce gars est en vie », avait-il dit, avant que le Brummie bouge la tête et tente de se relever. Il lui avait mis un coup de crosse sur la nuque et avait entravé ses mains avec un collier en plastique. L’autre s’était accroupi à côté d’elle. « Content de te revoir, Ayla », avait-il prononcé la voix chargée d’émotion. Surprise, elle avait froncé les sourcils. D’où la connaissait-il ? Puis, elle avait puisé au fond de sa mémoire. Le souvenir de son enfance s’était précisé, son visage et celui du maigre étaient remontés d’un lointain passé. L’image de ces deux hommes appartenaient à la maison en bazar dans laquelle sa mère l’avait laissée quelques heures avant de fuir la ville. L’un était moins gros, l’autre avait plus de cheveux, mais c’était eux. Ils avaient pris soin d’elle vingt ans plus tôt et, aujourd’hui, ils étaient là pour la délivrer. Sa mère, dans un souffle, lui murmura leur prénom et la confiance qu’elle avait en eux. Elle leur avait souri.

Dix minutes plus tard, des renforts de police, avec à leur tête Frank, étaient arrivés. L’adjoint de Blanchart avait signalé que la Mégane des flics anglais avait disparu et qu’il n’avait pas trouvé le commandant Buclock. Fearghas, à raison, en avait déduit qu’il avait pris en chasse Nora et qu’il ne tarderait pas à donner des nouvelles. D’où ? Mystère. James connaissait bien Kirk, il n’avait pas agi de la sorte sans explication ou motivation. Sa mission première revêtait à ses yeux une importance autre que la libération de Ayla, il ne se faisait pas d’illusion à ce sujet, mais, grâce à lui et son boss, sa fille était sauve. Pour cela, il lui devait une fière chandelle.

Plusieurs médecins urgentistes avaient débarqué aussi, ils s’étaient occupés du molosse blessé et de Shelby, pendant que les flics avaient fait le ménage en embarquant les gars de Costelli. Dans la foulée, Yves avait téléphoné au préfet afin qu’il appelle un juge et fasse le nécessaire pour fouiller la turne de Fred. Il lui avait aussi demandé d’intervenir pour bloquer toutes les issues de la rue Borie. Hors de question que l’oiseau s’échappe. Puis, il avait insisté pour que se soit l’inspecteur principal Blanchart qui arrête le malfrat, les honneurs de sa chute lui incombaient. Le sourire qu’avait affiché Rassic prouvait qu’il avait obtenu satisfaction. Éric avait posé une bise sur la joue de Ayla, puis avait serré la main de Kyle.

"Merci pour le coup de main, on se voit tout à l’heure, vous ne filez pas sans que j’aie quelques explications, avait dit-il dit avant de partir cueillir son vieux pote."

Frank, fidèle lieutenant, lui avait emboîté le pas. Un docteur s’était ensuite approché de Ayla, son état de fatigue l’avait inquiété, mais elle avait refusé son aide, prétextant que sa lassitude n’était que passagère. Elle ne voulait pas qu’il découvre qu’une autre personne vivait dans son corps, si cela était possible. Le médecin avait insisté, Kyle s’était interposé, Yves avait calmé le jeu. La fureur de l’Écossais avait disparu au contact de sa fille, autant ne pas la réveiller, il avait vu ce qu’elle pouvait donner. Rassic avait ensuite coordonné les forces en présence afin que le travail sur place se fasse le plus rapidement possible. Il avait un truc à élucider avant d’accompagner Ayla dans les locaux de la police et d’enregistrer sa déposition. Ce qu’il avait vu en entrant dans la pièce où elle était détenue l’avait troublé, et le feu de l’action n’expliquait pas tout. Mais les tâches des fonctionnaires de police prenaient du temps, et lui devait rester sur place.

La rue Borie s’illuminait de gyrophares, lorsque Éric et Frank étaient arrivés. « Noël avant l’heure », avait pensé l’inspecteur principal. À leur passage, un agent avait soulevé la rubalise aux couleurs de la police nationale, ils s’étaient engagés au travers d’une cohorte de véhicules et de flics cagoulés. Le préfet avait mis le paquet ! L’éparque les attendait à côté de sa bagnole de fonction, il finissait d’astiquer un bouton de s a tenue d’apparat. Un peu plus loin, un cordon de sécurité retenait des journalistes, on le entendait se disputer la meilleure place, affamés qu’il étaient d’un bon scoop. Pour sûr, ils allaient être servis. Blanchart avait serré la main du haut fonctionnaire, puis avait présenté Frank. Sans un mot de plus, Éric avait franchi la porte cochère de l’hôtel particulier de Costelli, puis avait grimpé au deuxième étage.

Son vieux pote, assis sur le canapé du salon, esquissait un sourire. Les poulets n’avaient rien trouvé. Il se félicitait de la sécurité de son organisation, cette turne ne servait que de façade, ses bureaux se trouvaient ailleurs et ne lui appartenaient pas. N’est pas un caïd qui veut ! Ses lèvres s’étaient contractées à la vue d’Éric. Sa présence n’augurait que des emmerdes, mais lui aussi avait que dalle, s’était-il persuadé. À cette heure, ses locaux à côté de la gare devaient être vides, et la fille coulée dans un pilier en béton d’un immeuble en construction. Personne ne la retrouverait. Pourtant, un truc l’avait tarabusté, sans qu’il ne sache de quoi il retournait.

D’un signe de la tête, Blanchart avait congédié les deux gardes entourant Fred, puis s’était assis. Frank était allé s’enquérir de l’avancée de la fouille.

– Alors général, quel déploiement de force pour un honnête citoyen ! avait ricané Costelli.

– Rigole, Freddy… tant que tu peux.

Éric avait sorti une paire de menotte et avait joué avec.

– L’intimidation, maintenant ! Je ne savais pas que la police française usait de cette méthode pour…

– Ferme ta gueule Costelli, ça protégera tes dents ! Là où tu vas, les dentistes sont rares.

Fred avait eu un regard noir, la confiance de l’inspecteur le déstabilisait.

– Je vais te raconter une petite histoire, avait repris Éric. Après, je te passerai les bracelets. Crois-moi, je vais y prendre un sacré plaisir.

Le caïd s’était enfoncé dans le canapé.

– Tout à l’heure, t’as envoyé un gars me filer le train, un certain Davenne, Sergio Davenne. Il est sympa, je l’aime bien, mais il est bavard.

Au prénom de Sergio, Costelli avait compris ce qui l’ennuyait. Il avait dégluti.

– Il m’a parlé de tes combines, du job pour lequel tu le payais, mais surtout, il m’a parlé d’un immeuble rue Des Gamins. Alors j’y suis allé voir, afin de vérifier si son histoire était vraie. Tu ne devineras jamais ce que j’ai trouvé dans une pièce au fond du couloir du premier étage. Je te le donne en mille, Ayla Conwell. Étrange, non ?

Le sourire avait disparu de la face bronzée de Fred. Il avait compris que ça sentait le roussi, mais n’avait pas baissé les bras.

– Tu bluffes ! Je connais les habitudes des poulets, prêcher le faux pour connaître le vrai. Tu me prends pour un perdreau de l’année, Blanchart ? Mes gars sont loyaux, Sergio ne parlerait jamais aux flics.

Blanchart avait ri, puis avait fourré une main dans une poche. Il en avait sorti son portable et avait mis en route l’enregistrement des aveux de Davenne, réalisés dans les toilettes de la place Doumer.

– Fin de la rigolade, Freddy !

Le préfet, après la sortie de Costelli maintenu par Éric, puis son départ pour le commissariat, avait donné une conférence de presse. Blanchart, convié, n’avait pas bougé ni souri sous le crépitement des flashs. Il s’était enfui au moment où les micros s’étaient tournés dans sa direction.

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