28.1

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Nora regarda derrière elle. Buclock la suivait toujours, il se tenait à une centaine de mètres. Jamais il ne lâchait prise. Elle hésita à l’attendre, à deux, les recherches seraient plus productives. Un genre d’association, celui qui trouve emporte la mise, ou mieux, on tire à pile ou face le vainqueur. De toute façon, elle avait pris une décision. Cette saloperie de Carlington ne pouvait pas s’en sortir, si elle trouvait les documents, elle les remettrait à la police, pas à son boss. Fin de partie pour l’Emperor, bon débarras. Mais, James ne méritait pas la victoire, elle avait accompli tout le boulot, et elle avait une revanche à prendre. N’avait-elle pas accepté ce job pour cette raison principale ?

Trois jours qu’elle surveillait Cassy Mount et le commandant, le temps ne s’était pas écoulé. Ces deux-là étaient fais pour se rencontrer. D’un côté la jolie veuve, riche héritière d’un mari dont elle avait commandé l’assassinat, et de l’autre, un flic aux manières redoutable, mais seul. Leur romance l’avait exaspérée. La mission de Buclock s’étalait et, à voir ses yeux lorsqu’il regardait Cassy, jamais il ne parviendrait à la boucler. Le solitaire était tombé amoureux, comme ça, d’un claquement de doigts, et Mount avait succombé à son charme désuet. Pourtant, un soir, James était rentré seul à son voilier puis s’y était enfermé. Cela avait auguré deux choses, soit les amants s’étaient disputés, soit il avait décidé de passer à l’action. Sa deuxième présomption était la bonne.

Vers minuit, elle l’avait vu traverser le ponton puis s’engouffrer dans le Clark I. Une demi-heure plus tard, elle avait décidé de le rejoindre et de prendre possession du carnet qu’il avait forcément découvert. Le commandant trouvait toujours. Elle sortait de son véhicule lorsqu’une ombre était apparue à l’arrière du bateau, un scintillement avait attiré son attention. Cassy Mount tenait un couteau. Nora s’était emparée de son flingue dans la boite à gants, puis s’était précipitée au voilier. Cassy, méconnaissable, venait d’entailler le bras de Buclock, et s’apprêtait à donner le coup fatal. Sans réfléchir, elle avait tiré dans le dos, entre les omoplates. Mount s’était effondré sur James. Ultime lien entre les amants, pensée macabre. D’une balle, elle venait de sauver la peau du commandant, mais aussi d’ôter la vie à une personne. Jamais elle n’avait eu à se servir de son arme, désormais elle était une meurtrière. Cette pensée l’avait déstabilisée, plus qu’elle ne l’avait laissé entrevoir en intimant à James la restitution du carnet. Debout, le commandant avait réussi à retourner la situation à son avantage en la désarmant. Il lui avait donné un jour pour quitter le pays, sans quoi, il préviendrait la police. Ses empreintes marquaient le flingue. Une autre que Cassy aurait jonché le sol, la réaction de Buclock aurait été différente. James avait d’autres projets avec Mount, Nora en était persuadée. Ébranlé, son cœur avait parlé en l’invitant à fuir. Pourtant, sa prétendue indulgence l’avait marquée au fer, elle aurait préféré qu’il en finisse au lieu de tenir au-dessus de sa tête une épée de Damoclès.

Le surlendemain, après une visite houleuse à son boss, Nora s’était envolée. Elle laissait derrière elle tout ce qui avait composé sa vie depuis cette rencontre au concert des Pretenders. Le côté matériel n’avait pas d’importance, tout se remplaçait, au contraire d’une liberté qu’elle savait contrainte. Partout où elle irait, une étiquette pendrait dans son dos, elle suspecterait la moindre personne et se méfierait de tout le monde. Cela avait commencé à Rome. Pas un jour, pas une nuit, sans qu’elle ait cru perdre la tête à force de se retourner au bruit des sirènes et des paroles parfois fortes des Italiens. Le même scénario s’était reproduit sur la Riviera, puis au Maroc, et, six mois plus tard, en Afrique du Sud. Là, alors qu’elle se morfondait dans une chambre d’hôtel, elle avait pris conscience que James ne dévoilerait pas son acte tant qu’elle ne remettrait pas les pieds en Angleterre. Quelque temps après, un avion l’avait conduite dans les Caraïbes, à Saint-Martin. Nora y avait repris goût à la vie et y coulait des jours insouciants, mais sans fin. Quelques semaines avaient suffi pour qu’elle se lasse du sable fin et de son oisiveté. L’action lui manquait. Alors, lorsque son boss l’avait contacté pour une mission, et tout en feignant de ne pas être intéressée, elle avait souri. Puis, quand il avait écrit le nom de Buclock, elle avait sauté de son transat et bouclé sa valise.

« Le Ventrouillard » ! Elle l’avait repéré à sa descente d’avion à Édimbourg et avait tenté de le semer dans les couloirs de l’aéroport en marchant vite. Peine perdue ! C’est vrai qu’il n’abandonnait jamais. Le commandant la connaissait bien. Il savait, qu’au plus petit doute, elle fausserait compagnie au lot de malfrats, résultat de l’interrogatoire acquis ou pas. Elle aurait dû se douter qu’il la collerait dès le départ, mais, perdue dans ses réflexions, elle n’y avait prêté garde. Après avoir récupéré sa voiture, elle l’avait attendu au rond point avant l’autoroute, puis avait pris la direction de Skye.

Si Ayla n’avait pas parlé, son ordinateur portable contenait la solution. La photo de la page d’accueil représentait le château de Duntulm sous les rayons de l’aurore. Par bêtise, elle n’avait jamais voulu y accompagner Kyle, les vieilles pierres l’ennuyaient, mais jamais il n’avait dit que les décombres appartenaient à la famille de sa femme, et donc à sa fille. Son boss le lui avait confirmé. Il avait ajouté aussi que les ruines avaient été passées au peigne fin par Carlington, sans résultat. Peut-être que s’il avait cherché au bon endroit… En regardant de plus près le cliché, elle avait remarqué une ombre derrière ce qui s’apparentait à une stèle. Une sorte de passage dissimulé par de hautes herbes et un tas de pierres. Intriguée, elle avait cherché dans le fichier des photos de Ayla, afin de voir si d’autres clichés représentait la même scène. C’était le seul. Les propriétés de la photo indiquaient la date et l’heure de la prise de vue : 21 mars 2013 6 :45:00. le jour du printemps, celui aussi de la naissance de Evra et de sa fille. Elle en avait déduit qu’à cette heure précise et seulement ce jour, le premier rayon du soleil rendait visible l’emplacement secret où les Conwell accouchaient.

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