31.2

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James décida de rentrer chez lui à pied. Un peu de marche lui ferait du bien, il pourrait penser à autre chose qu’à cette affaire et à sa liberté retrouvée. Sa dernière entrevue avec Ice ne s’était pas mal déroulée, il s’attendait à pire. Son ex-boss n’avait pas tenté de le retenir outre mesure et n’avait pas exigé qu’il lui rende les clés de son appartement. Il les enverrait par la poste dans quelques jours, le temps de vider ses placards et de filer à Clashnessie. Kyle l’y attendrait afin de finaliser l’accord verbal de la vente. Tous les deux en avaient discutés en attendant Ayla à Duntulm, et si l’acte notarié ne se ferait pas dans l’immédiat, Fearghas n’avait pas vu d’opposition à le laisser profiter des murs. Un changement radical de vie qu’il devrait apprivoiser avant de s’y habituer, mais ça valait la peine d’essayer. Loin de l’agitation et des enquêtes, il prendrait enfin le temps de vivre et d’oublier.

Il longeait Hyde Park en direction de Kensington, lorsque une sirène le tira de ses pensées. L’ambulance passa à toute vitesse de l’autre côté de la rue puis disparut au moment où Big Ben égrainait cinq heures. Le son rageur du bi-ton le ramena à Carlington et aux flics qui l’attendaient sur le tarmac de Heathrow. Dans moins d’une heure son avion se poserait, une escorte l’obligerait à se diriger en bout de piste et à stopper dans un hangar loin de tout. Les flics n’auraient qu’à investir l’appareil… ou pas. Il avait appris à croire en son instinct, et son intuition de tout à l’heure continuait à le diriger vers une embrouille. Plus l’appât semblait gros, mieux le piège fonctionnait. Et Scotland Yard s’y jetait les yeux fermés. Carlington pouvait se laisser charcuter tranquille, il ne serait pas inquiété. Il grimaça. Parfois, les pires salauds s’en tiraient.

Chez lui, il enfila un tablier et se mit en cuisine. Son ventre gargouillait, il se coucherait une fois rassasié. James ouvrit son congélateur, il tendit le bras afin d’attraper du lard, retint son geste. « Parfois, les pires salauds s’en tiraient ». La phrase lui revint comme un boomerang. Il la savait incomplète et poussa un juron. « Et leur vengeance était terrible », récita-t-il mentalement. Ayla était en danger.

Il appela Kyle afin de l’informer de sa présomption et pour qu’il prenne des mesures de sécurités. Mais il tomba sur la messagerie vocale. Merde ! Les communications avec Skye pouvaient être difficiles parfois, ou alors il dormait. Il laissa un message.

« Kyle, rappelez-moi de toute urgence ! »

Il réfléchit sur l’aide qu’il pourrait apporter à distance et pensa à ce que lui avait dit Ice. Carlington Import/ Export disposait de bureaux à Silvertown. C’était tout près du London City Airport et des docks, un endroit stratégique. À cette heure matinale les locaux seraient vides, peut-être y trouverait-il un indice sur le lieu où Carlington se faisait opérer. Il chercha l’adresse. Quarante-cinq minutes de trajet, pas de temps à perdre. Sa Cavalier bondit du parking souterrain de sa résidence et enquilla l’A315 moteur hurlant.

Moins d’une heure plus tard, James gara sa bagnole devant un bâtiment de briques rouges. Au-dessus d’une avancée en verre, s’affichait un panneau au nom de la société. Pas de doute, il était au bon endroit. La porte était verrouillée, il colla son visage contre une vitre afin d’ausculter l’intérieur et vit une masse sombre se diriger vers lui. Il ravala un juron. Un gardien ! Il colla son insigne contre le verre.

– Commandant Buclock, ouvrez !

L’homme ausculta le badge puis le regarda avec un air soupçonneux.

– Que voulez-vous ?

Il joua au bluff.

– Mes hommes attendent plus loin, si vous ne voulez pas qu’ils défoncent la porte, ouvrez.

L’injonction fit son effet, le gardien ouvrit. James s’engouffra.

– Où est le bureau de Carl Hudson ?

– Au deuxième ! Mais il n’est pas là. Je vais le prévenir.

– Non ! Si vous faites ça, je vous coffre ! Restez là.

James grimpa les escaliers et parcourut un couloir. Le dernier bureau était le bon. D’un coup d’épaule, il fit sauter la serrure. Un pan de mur se couvrait de classeurs métalliques, un autre d’une photo représentant Birmingham, celui du fond était vierge. Il chercha un coffre, n’en vit pas, poussa un ouf de soulagement. Il s’approcha du large bureau en bois, ne remarqua aucun indice dans les papiers qui l’encombraient. Il ouvrit un tiroir, un autre, tous… rien ! Les classeurs subirent une fouille rapide, il trouva que dalle. Ce qu’il cherchait ne se trouvait pas ici. Malgré les dires de Ice, Hudson n’était pas dingue. Dommage ! Il s’apprêtait à partir lorsqu’il pensa à un détail. Ce genre de bureau disposait souvent d’un tiroir secret, celui-ci ne devait pas déroger à la règle. Il passa ses mains dans chaque angle, dessous, sur les rebords. Un interstice retint son attention, il y inséra la lame d’un coupe-papier puis fit un mouvement de pivot. Une tablette s’escamota. Dans un logement creux en son centre, une enveloppe patientait. Il s’en empara. Divers documents notifiaient les modalités d’entrée au Royal Infirmary (little France) d’Édimbourg.

Carlington, aidé de Javier, descendit les trois marches du jet. Il s’affala sur le fauteuil roulant que tenait Carl. Son infirmier avait raison, voyager dans son état n’était pas insignifiant, il était épuisé. Il fit un signe à son frère, Hudson sortit une enveloppe d’une sacoche et la tendit au Cubain. Sans demander son reste, Javier remonta dans l’avion. Sa mission se terminait là, d’autres prenaient le relais, deux types en blouse blanche. L’un se chargea de remplacer la bouteille d’oxygène, l’autre vérifia la tension et le cœur. Devant sa moue, son collègue courut jusqu’à l’ambulance et revint avec un brancard. Les gars l’installèrent dessus. Carl s’approcha.

– Comment est-il ?

– Fatigué, sa tension est faible. Le voyage sûrement ! Ne vous inquiétez pas, l’opération n’est pas remise en cause.

– Puis-je prendre place dans l’ambulance avec lui ?

– Oui.

Une voiture ouvrait la route au véhicule marqué du damier jaune et vert, une autre la suivait. Les hommes de Carlington assuraient la sécurité du déplacement jusqu’à l’hôpital, aucune bagnole ne pouvait s’interposer. Le dispositif, mis au point par Shelby, prévoyait aussi des gardes à l’entrée du Royal Infirmary et devant la porte de la chambre. Une issue de secours la jouxtait, à la moindre alerte, Carlington serait exfiltré. Hudson expliquait tout cela à son frère, cependant, il regrettait l’absence de Shelby et espérait que rien ne vienne perturber le système. Lorsque son frère lui demanda s’il avait des informations, Carl répondit non. Il lui fit signe d’approcher et parla doucement.

– Sais-tu si le prestataire a récupéré les photos ?

– Non ! Je l’ai eu au téléphone hier soir, il était sans nouvelle de sa protégée depuis qu’elle avait rejoint le château. Ce matin, il n’a pas répondu à mes appels. Je crains le pire.

Carlington inspira une goulée d’air, puis il attrapa l’avant-bras de son frère et le serra.

– Demain, tu désigneras quatre hommes et tu les enverras sur Skye, à Duntulm. Qu’ils s’occupent de la fille de Evra. Sa vie n’a aujourd’hui plus d’importance.

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