18.1

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Blanchart traversa la Place Picard, le Cours Saint-Louis, puis pressa le pas Rue Camille Godard en direction de l’arrêt du tram C. La rame approchait. Il jeta un coup d’œil à l’heure de son portable : 16:25. Le temps s’écoulait à vitesse folle. Chaque minute passée l’éloignait de Ayla, agir vite s’imposait. Il prit place dans la file d’attente, grimpa à bord. Sa corpulence aidant, il se fraya un chemin jusqu’au centre, le meilleur endroit pour disposer d’une vue d’ensemble sur les passagers et naviguer à droite ou à gauche. En quatre pas, d’un côté ou de l’autre, il couvrait les issues, le gars à ses trousses ne pourrait pas lui échapper. Une technique apprise lors de ses débuts, maintes fois appliquée, toujours payante. Cependant, le nombre important de personne, comme aujourd’hui, pouvait entraver sa progression. Pour cela, il maîtrisait une autre combine. D’un regard en coin, il vit le sbire de son pote Costelli monter à son tour puis lui tourna le dos.

L’arrêt suivant fit le plein de voyageurs. Face à l’afflux, Éric se déplaça à reculons jusqu’au nervi. Un mètre le séparait de son objectif lorsque la rame se mit en branle, il se tourna promptement. L’homme de main comprit la manœuvre trop tard. Acculé contre un siège, cerné par les gens et l’inspecteur, la tenaille se refermait, bloquant toute fuite. Un rictus barra ses lèvres, cet enfoiré de flic l’avait repéré, peut-être depuis le bar. Il pensa aux dernières paroles de son patron, « Te fais pas remarquer Sergio, tu le files de loin, je veux savoir où il va. Au moindre doute tu rentres. » Raté ! Le poulet, paraissant ne pas l’observer, l’avait endormi, il maudit sa confiance. Ne lui restait qu’une solution, tenir tête jusqu’au prochain arrêt, puis profiter de la cohue pour filer. Cela ne le gênait pas de se battre, sa maîtrise du kick-boxing n’était plus à démontrer, d’autres avaient goûté à ses poings et ses pieds. Le gros du bide ne verrait pas son bras se détendre, un coup exploserait son nez, un autre l’enverrait au tapis. Sa grimace se transforma en sourire, quel plaisir de dérouiller un policier. Poings serrés, il s’apprêtait à frapper lorsque le tram freina. La vague de passagers le déséquilibra, il tenta de s’accrocher à une lanière, ni parvint pas. Sur le reflux, une main lourde l’attrapa au collet, puis le tira d’un coup sec vers une barre verticale de maintien. Son visage la percuta.

– Police, gueula Éric, en exhibant sa carte. La situation est sous contrôle, laissez-nous passer.

À l’ouverture des portes, les gens s’écartèrent, il traîna Sergio en dehors du tram.

La station Paul Doumer, possédait un avantage, celui de disposer de toilettes publiques. Moyennant quelques centimes, la porte s’ouvrit sur l’espace réduit, une cuvette en inox et un petit lavabo régissaient les lieux. L’endroit vomit une forte odeur d’urine mélangée de vapeurs de javel, les murs s’ornaient de virgules douteuses, Blanchart grimaça. Il assit un Sergio encore estourbi sur les chiottes, puis le menotta à la poignée de maintien. Un peu d’eau à la figure le revigorera. La rudesse du choc avait marqué son nez, l’œil gauche et l’arcade sourcilière. Du sang s’échappait de la blessure et souillait sa chemise blanche, un trait de douleur marqua ses lèvres. Il s’essuya comme il put avec un avant-bras puis cracha une glaire. Le mucus sanguinolent marquait sa défaite. Lui qui se faisait fort de cogner l’inspecteur, se retrouvait dans un cloaque avec la gueule défoncée. Pas glorieux pour un as de la castagne. Un relent de pisse lui souleva le cœur, il retint la bile qui brûlait son œsophage puis maugréa quelques mots.

– Enfoiré de poulet de merde.

Malgré le ton bas, l’insulte ricocha jusqu’aux oreilles d’Éric. Il leva la main, mais réfréna aussitôt son envie d’asséner une gifle. Que lui arrivait-il, pourquoi employait-il la force ? Parfois, la frontière entre flic ou voyou se rétrécissait, souvent, il louvoyait sur la limite, jamais il ne l’avait franchi. Pas aujourd’hui. La colère dont il avait usé pour assommer le gars était de trop, il recula afin de calmer l’irritation parcourant ses veines. Retrouver Ayla portait ses nerfs à fleur de peau, plus que d’habitude, mais la petite le méritait. Pour autant, devait-il se comporter comme ceux qu’il chassait ? Non. De plus, sa plaque ne tenait qu’à un fil, si l’homme de main portait plainte, Yves, son capitaine, prendrait un malin plaisir à le couper. Cette pensée l’aiguilla sur une voie qu’il maîtrisait et dans laquelle il excellait, celle de la négociation. L’autre ne portait pas toujours ses fruits.

Blanchart réfléchit plusieurs secondes sur le meilleur angle d’attaque, puis il attrapa son téléphone. Il prit un cliché du visage de l’homme de main et l’envoya à Frank, espérant que son adjoint soit encore au poste. Dans la foulée, il l’appela.

– Désolé de t’emmerder encore ! T’es au commissariat ?

– Ouais ! J’ouvre ta photo… Merde, il a une sale gueule ton client !

– Accident de tram ! Tu peux passer sa tronche dans le logiciel de reconnaissance ?

– C’est en cours. Dis, ça résonne quand tu parles, t’es où ?

– Dans les chiottes à Doumer.

– Toujours aussi propre ?

– À te filer la gerbe. Yves est encore furax après moi ?

– Aucune idée, il est parti dans l’après-midi. Pas de nouvelle depuis… Bon, ton type s’appelle Serge Davenne, dit Sergio. Quarante-huit ans. Un enfant de chœur ! Plusieurs arrestations pour coups et blessures, vols, agressions, quand il était adolescent. Quelques mois de prison. Au service de ton vieux pote depuis vingt-cinq ans, si j’en crois la fiche de renseignement. Pas grand-chose de plus, si ce n’est des suspicions dans différentes affaires. On va pouvoir ajouter tentative de violence envers un flic ?

– Ça va dépendre de son comportement.

– Je te pose pas d’autres questions, hein ?

– … Tchao, Frank.

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