28.2

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Nora passa par-dessus la balustrade en bois. Elle jeta un coup d’œil à James, il se rapprochait. Ses pas la menèrent à la stèle, du côté où le soleil se lève. Elle bascula quelques cailloux, piétina les hautes herbes. Le passage, étroit, se découvrit. Elle hésita. Au moment où elle engagea un pied, un souffle d’air froid fit voler sa chevelure rousse et la retint. Une voix dans son dos la stoppa.

– Kristen, attendez-moi !

Elle se tourna. Buclock arriva. Ses traits tirés indiquaient la fatigue, elle pensa que ceux de son visage étaient identiques. Vingt-quatre heures sans fermer l’œil, ce job n’était plus fait pour elle.

– Vous en avez mis du temps pour me rattraper, j’ai, à plusieurs reprises, ralenti pour ne pas vous semer.

– La conduite de nuit à vitesse prohibée n’est pas mon sport préféré. Et puis, je ne pensais pas que vous m’aviez remarqué.

– Depuis Édimbourg. Votre discrétion est immanquable.

– Je ferais mieux la prochaine fois… Ainsi donc, Ayla vous a révélé l’endroit où sont ces fameux documents.

– Non ! Mais son ordinateur oui. Pour tout vous dire, je n’ai pas touché à un seul de ses cheveux. Par contre, je crains que Shelby n’ait pas usé de la même indulgence que moi. Pauvre fille !

– Shelby Cround ?

– Il ne m’a pas dit son nom. Je suppose que oui.

James fit une grimace, ce qu’il craignait s’était produit. Cround traînait une réputation de férocité extrême, le pitbull de Carlington. Toujours sur le devant de la scène, jamais inquiété. Le bras long de son patron n’y était pas étranger. En supposant que les flics français et Kyle aient pu arriver jusqu’à Ayla, ils n’avaient dû trouver que des morceaux. Il imagina la fureur de Fearghas, et espéra qu’il avait réglé son compte à Shelby. Ce type ne méritait pas autre chose que de ployer sous les coups. Mais il n’était pas là pour se laisser submerger par l’émotion, sa mission primait. La remplir priverait Carlington d’une fin de vie tranquille au soleil, et montrerait surtout que la justice finit toujours par vaincre.

– Kristen, que comptez-vous faire des documents ?

– Cela ne vous regarde pas ! Mais si ça peut vous consoler, l’emperor ne retournera pas se griller la pilule je ne sais où.

– Me les donnerez-vous si vous les trouver avant moi ?

– Lors de notre dernière rencontre, c’est moi qui vous demandais de me remettre le carnet de Cassy. On sait tous les deux ce qui s’est passé ensuite.

– Je vous ai laissé une chance.

– Encore heureux, je vous ai sauvé la vie ! La mienne a été un enfer.

– Vous m’en voyez désolé, vraiment. J’aurai dû vous prévenir que j’avais détruit ce carnet et l’arme avec laquelle vous avez tué Mount.

– Vous avez fait ça ?

– Absolument. Une ou deux semaines après être rentré à Londres. À quoi bon garder ces preuves ou les utiliser, d’autres auraient pris votre place et celle de votre boss. Vous et moi, au contraire de ce que nous croyons, n’avons pas choisi notre vie, on nous l’a imposée, autant ne pas se la compliquer davantage. Je ne sais pas pour vous, mais j’effectue là ma dernière mission, je reprendrai ensuite mon existence en main.

– Vous êtes un drôle de type, James. Vous auriez pu, mon patron et moi, nous réduire en poussière, vous n’en avez rien fait. J’en connais un qui va être content d’apprendre ça, et moi qui voulais régler mes comptes avec vous, ce n’est plus nécessaire. Je ne sais pas s’il faut que je vous remercie, commandant. Sans doute, mais pas tout de suite. Un jour peut-être, lorsque je m’ennuierai à Saint-Martin, et après une dizaine de Piña Colada. Que diriez-vous de travailler ensemble pour notre ultime mission, d’associer la vérité au mensonge. Après tout, l’un ne va pas sans l’autre, et à deux contre lui, Carlington n’a aucune chance.

James sourit. Les deux antagonistes réunis ! Il n’aurait pu rêver meilleure conclusion.

Nora s’engagea dans le passage. De nouveau, un souffle frais balaya son visage. Elle descendit trois marches puis alluma la lumière de son portable.

James s’approcha. Au moment où il la suivait, une poigne ferme serra son bras.

– N’entrez pas, commandant !

Surprit, James recula. Il regarda l’homme qui le retenait puis baissa les yeux.

Le visage se couvrait d’une peau brûlée, un bandeau masquait un œil. Il n’avait pas de cheveux. L’épiderme maltraité se propageait dans le cou, la main qui lui tenait le bras, osseuse, était couverte par un gant. La souffrance qu’avait dû endurer cet homme dépassait l’entendement, il avait, sans doute aucun, côtoyé le royaume des morts. Certaines choses prenaient maintenant tout leur sens.

– Vous êtes Eliott ?

L’homme acquiesça.

– Elliot MacAllister, du clan MacAllister. Kyle, mon frère de cœur, m’a ramené des enfers.

Kirk avança dans le tunnel. Elle examinait les parois suintantes lorsque, à mi-chemin, un bruit la fit se retourner. Ce n’était pas Buclock, il ne la suivait pas. Elle pensa au son qu’elle avait entendu avant le phénomène survenu chez Kyle, à Clashnessie. Mais celui-ci était différent, rauque, guttural, semblable à un chant. Un frisson parcouru son échine. La lumière de son téléphone fouilla le boyau, Nora ne remarqua rien. Elle réalisa que ce n’était qu’un courant d’air, et donc qu’au bout de la galerie, se trouvait une ouverture. Elle appela James, mais sa voix se répercuta en écho et ne trouva aucune réponse. Peut-être n’arrivait-il pas à passer au travers de l’ouverture, ou la peur l’avait saisi, l’empêchant de descendre. Hors de question pour elle de céder à l’inquiétude et de revenir sur ses pas. Elle reprit son avancée en progressant plus vite et déboucha sur la pièce secrète.

La voûte s’élevait à un mètre au-dessus d’elle et se terminait par un large cercle sur un sol noir et lisse taillée par des mains humaines. En son centre, s’écrasait un faisceau de lumière bleue. Le rayon provenait d’une trouée dans la paroi. Elle entendit le ressac de l’océan, s’approcha. La vue dominait les flots, elle devina l’à-pic d’une falaise et les rochers meurtriers à la lisière de l’eau. Tout ici coupait le souffle, mais elle ne laissa pas son esprit s’égarer. Les documents se cachaient derrière une pierre, elle se positionna au centre, sous le rai lumineux afin d’avoir une vue d’ensemble. Ses cheveux ne volèrent pas sous l’air venu du large, ce n’était pas une Conwell.

Alasdair veillait. Quiconque n’appartenait pas au clan, souillait par sa présence le sacré de ce lieu, nul ne pouvait s’en échapper. D’un coup, le gardien déploya sa fureur, malheur à ceux qui se trouvaient sur son passage.

Un tourbillon entoura Nora. Son bruit lui vrilla les tympans, sa force, implacable, la fit tomber. Elle fut projetée contre la voûte, son corps se souleva au niveau de la trouée puis glissa à sa rencontre. Elle voulue se retenir aux pierres, un instant, ses doigts résistèrent à la pression. Lorsque ses phalanges cédèrent, elle fut projetée en dehors de la pièce. Sa chute se termina contre les rochers bordant l’océan. Un vague s’abattit sur son corps puis l’entraîna dans les abysses.

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