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Dix mois plus tard.

Le 21 mars 2024.

Ayla ouvrit les yeux. Un rayon de lune illuminait encore la chambre, bientôt, ceux de l’aurore le remplaceraient. Elle passa une main sur son ventre, l’heure des Conwell approchait. Elle sourit. À ses côtés, Tom dormait d’un sommeil sans faille, elle l’écouta respirer un instant puis se leva. Elle but un thé, mangea un peu, fit un brin de toilette. Un sac sur l’épaule, elle sortit et prit la direction du château. Duntulm l’appelait. Après quelques pas, elle se retourna. Le cottage de son père se découpait sur la nuit, ils vivaient là avec Tom, le temps que leur maison s’érige non loin d’ici, sur ses terres. Kyle s’était aménagé un espace dans la grange afin de les laisser tranquille. Elle le devina sous l’avancée le bras levé et la main s’agitant dans sa direction. L’inquiétude d’un père envers sa fille et l’épreuve qui l’attendait, pourtant, il ne bougerait pas. Elle lui rendit son signe puis reprit son chemin.

Kyle avait ramené Mairead chez les Smith, ce fameux jour de mai de l’année dernière, puis était reparti à l’aéroport. James l’y attendait. Il n’avait pas décroché la mâchoire, les laissant avec leurs interrogations. Mairead était fatiguée, mais Elliot n’était pas inquiet.

« Elle a la vie chevillée au corps » avait-il dit en rigolant, « elle tiendra jusqu’au retour à Duntulm. »

Tous avaient alors patienté en attendant le retour de Kyle.

Son père n’était rentré qu’à la nuit tombée, James était reparti chez lui, à Londres. Kyle avait été pris d’assaut dès le seuil franchi et s’était vu contraint de raconter ce que la radio ne disait pas à propos de la mort de Carlington.

Dans le couloir de l’hôpital, il ne s’était rendu compte qu’il parlait dans le vide qu’après quelques instants. Mairead ne répondait plus à ses paroles, elle était passée de l’autre côté. Kyle avait trouvé un siège et l’avait attendue. Une heure plus tard, les portes s’étaient ouvertes d’un coup, des infirmières s’étaient engouffrées dans le corridor. Elles poussaient un chariot d’assistance. Kyle avait su. Puis, il avait ressenti du froid dans sa main. Les doigts de Mairead ne l’avaient pas lâché jusque chez les Smith. Il avait ensuite retrouvé Buclock à l’aéroport, tous deux s’étaient dirigés vers le Royal Infirmary. En route, James lui avait dit qu’il avait appelé son ancien patron Ice, et qu’il lui avait donné les informations sur la présence de Carlington à Édimbourg. Scotland Yard devait déjà être à pied d’œuvre. En effet, lorsqu’ils arrivèrent, les hommes en uniformes pullulaient. Ils avaient dû utiliser leur carte de flic afin d’arriver jusqu’à un responsable. Celui-ci leur avait dit que Carlington était bien là, mais qu’il était mort de façon inexpliquée. James avait demandé pour l’arrestation de Carl Hudson et des hommes de mains, le gradé avait répondu que tous seraient sous peu incarcérés.

De retour à la bagnole, James avait questionné.

– Kyle, cette mort étrange, si vous m’en disiez plus ?

– Vous savez James, parfois certaines choses nous échappent, celle-ci en fait partie.

Une semaine plus tard, Ayla était retournée seule à Bordeaux. Un taxi l’avait déposé rue Pedroni, elle avait grimpé les quatre étages à la course puis avait frappé contre la porte de l’appart de Tom. Le Californien avait ouvert, il était méconnaissable. Ses yeux puaient la fatigue, une barbe noire rongeait ses joues et son menton, un vieux sweat taché couvrait ses épaules. Il était adorable, elle s’était jetée sur lui en promettant que jamais plus elle ne l’abandonnerait. Le surlendemain, elle avait rendu visite à Éric et Yves au commissariat. Rassic était sur le départ, il rejoignait un poste de prestige à Paris, Blanchart restait, mais avait été nommé capitaine. Tous les trois s’étaient isolés dans une salle, elle avait fait sa déposition sur son enlèvement en évitant de parler de sa mère et de l’altercation avec Shelby. Puis, elle avait raconté son retour sur Skye, comment Elliot l’avait aidé à libérer Evra, les documents qu’elle avait récupérés et remis au commandant Buclock. Ayla avait ensuite parlé de la mort de Carlington, en disant que Mairead n’y était pas étrangère. Ils avaient souri.

Ayla marchait sans se presser. À mi-chemin, le brouillard fit son apparition, masquant le paysage. Mais elle savait que la pointe de Duntulm échappait aux brumes de Skye. Là-bas, un ciel étoilé l’attendait. C’en était ainsi depuis toujours. Chaque 21 mars, un halo encerclait le château, cachant aux yeux du monde la destinée des Conwell. Sitôt qu’elle eut franchi la brume, un souffle de vent l’accompagna. Elle reconnut le chant du gardien, Alasdair devait se tenir en haut d’un mur, glaive levé vers le ciel. Elle passa par-dessus la barrière de bois puis se dirigea vers le petit cimetière afin de rendre hommage à celles qui l’avaient précédée. Sur la tombe de sa mère, elle déposa deux bouquets de genêts, celui de son père et le sien. Leur jaune éclaira le noir de la terre. Sur celle de sa grand-mère, elle mit en équilibre une pierre. Un jour le caillou roulerait, rien ne l’arrêterait. Elle pensa à Mairead qui avait rejoint son corps depuis quelques mois, et à ce coffret à côté de son cercueil. Avec Evra, elles l’avaient caché le jour où elles avaient aussi dissimulé les photos. La boite contenait la preuve de la filiation des Conwell, Mairead en était désormais la gardienne. Ayla fit quelques pas et se retourna. Elle, la dernière, portait l’avenir du clan. Tout à l’heure, elle viendrait leur présenter sa fille.

Elle leva les yeux, le ciel s’éclaircissait. Une traînée blanche fendait l’horizon noir, le temps était venu de passer la stèle et de rejoindre la pièce secrète. Elle disparut derrière la dalle et parcourut le tunnel. Un rai bleu aurore marquait déjà le centre de la voûte, elle se positionna dessous. De son sac, elle sortit des linges, les disposa autour d’elle. Lorsque l’intensité du rayon augmenta, elle se dévêtit.

Un cri de nourrisson fractura le silence de la pièce, un souffle lui répondit. Ayla prit son enfant dans les mains, porta ses lèvres sur son front. Elle entonna son chant puis plaça le visage de sa fille sous le rayon. La petite ouvrit les paupières. Ses yeux se chargèrent de cette couleur que seules les Conwell portaient, le bleu de l’aurore.

Elle sortit. Le soleil illuminait le château, un éclair, en haut d’un mur, se produisit. Alasdair manifestait sa joie. Ayla s’écarta puis fit face aux ruines.

– Duntulm, moi Ayla, ne suis plus la dernière des Conwell.

Une bourrasque souleva ses cheveux.

– Reconnaît ma fille. Voici Isla.

The end

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