Au bord du fleuve Sarno

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Titus se donne quelques jours pour organiser la fête qui lui permettra de séduire la jeune fille qu'il convoite. Une fille du peuple, fière, à la peau blanche parsemée de taches de rousseur, dont il n'arrive pas à effacer l'image de son esprit. Sa démarche langoureuse, ses longues jambes fermes, son sourire ravageur, tout lui plaît en elle. Ses nombreuses visites à Pompéi prétextant quelque affaire urgente ou tout simplement l'envie de discuter des problèmes liés au pouvoir avec son ami Pline l'ancien, lui ont permis maintes fois de la croiser dans la rue. Les habitants l'interpellent :

- Sapienta, n'oublie pas mon oncle, ses migraines l'empêchent de travailler !

- Sapienta, ma mère n'arrive plus à marcher, on attend que tu passes à la maison !

Ses talents de guérisseuse naissants lui apportent une grande popularité auprès des citoyens. llee sait qu'elle est devenue indispensable, et ce rôle lui sied bien. malgré tout, sa vie personnelle commence àprendre une autre tournure. Malgré les remarques bienveillantes de sa mère, soucieuse du bonheur de sa fille, Sapienta continue de voir Hadès en cachette lorque cela est possible. Une fois encore, les deux jeunes amoureux se retrouvent en secret, émus de devoir prendre autant de précautions, tremblants à l'idée d'être découverts. Mais ces rendez-vous leur apportent tant à tous deux que, d'un commun accord, ils décident de ne pas y mettre un terme.

- Tu vois, tes parents ne sauront rien, je t'ai apporté une brassée d'arnica venue tout droit des Alpes. C'est un ami que je connais qui traverse les contrées pour vendre du vin, et il m'a conseillé ces plantes que son peuple utilise pour atténuer les douleurs ressenties suite à un coup. Voilà, ta mère ne va pas te poser de questions grâce à ce subterfuge. Je t'aime tellement, ma Sapienta, on trouvera toujours le moyen de se voir, n'est-il pas vrai ?

- Oui, mon Hadès, tu es tellement intelligent, malin, ton amour pour moi tu le prouves chaque jour. quand je suis chez moi, je ne cesse de penser à nos étreintes. On ne se voit qu'une fois par semaine, ce n'est pas suffisant !

- Comment, tu es insatisfaite ? Je t'assure qu'il ne serait pas raisonnable de se montrer plus souvent dans les parages, je crains que l'on nous découvre ! Ce cadre enchanteur, près de l'eau, est tout ce que j'aime. Tu entends le doux bruit de l'onde ? Tiens, ça m'inspire un poème pour toi. Écoute !

"Ô fleuve Sarno, mon coeur tu assailles,

Tu es témoin de nos retrouvailles,

Ma dulcinée dans mes bras soupire

Tes yeux d'un si bel éclat brillent !

Lovée dans mes bras, tu frétilles.

Ma princesse toujours je chérirai

N'aie crainte, l'eau nous protège,

Sa musique j'écoute, tel un arpège,

Sa clarté est aussi éblouissante

Que toi !"

Sapienta, les yeux écarquillés, n'en revient de ces rimes, qu'elle a plaisir à écouter. Pas étonnant qu'il soit le scribe du vice-empereur !

Tout à coup très sérieux, Hadès met ses mains sur ses épaules, dans un geste protecteur et lui dit :

- Sapienta, j'ai quelque chose à te dire. Cela me semble important. Voilà, j'ai remarqué que Titus ne me regarde pas comme d'habitude. En fait d'habitude, il ne fait pas attention à moi. Il m'attend dans son bureau. Il est assis sur un haut siège, lui-même placé sur une estrade de bois. Il est revêtu de sa toge matinale qui est un simple drap enroulé autour de lui. Il est à peine coiffé que déjà, il doit me dicter un de ces fameux textes qu'il doit faire accepter par ses pairs. Cela traite souvent d'ailleurs du sort des esclaves, et quelquefois mes doigts se crispent lorsque j'entends les nouvelles règles draconiennes auxquelles ils doivent se plier. Bien-sûr, je me tais, j'écoute. Cela me tracasse de voir qu'il n'aime pas les esclaves car dans ma famille, on les respecte. Mais les hauts-placés, eux, les utilisent et ça m'enrage. Sais-tu que certains n'ont même pas de prénom ? Sais-tu que d'autres disparaissent mystérieusement ? Les serviteurs de la cuisine m'ont enjoint de ne surtout pas poser de questions. Le destin de ces hommes et de ces femmes est parfois terrible. Ce qui m'intrigue, surtout, c'est qu'en ce moment, il me regarde. Je suis assis au-dessous de lui, sur une natte au sol. Dès que je lève la tête, je croise ses yeux noirs qui cherchent des réponses. Je prends un air concentré, en mâchouillant mon style, mais je vois bien que son comportement change. Je crains qu'il ne me convoque pour une raison ou une autre. Mais ce dont je suis sûr, c'est que je remplis bien mes fonctions et qu'il n'a aucun reproche à me faire. Alors, pour quelle raison me regarde-t-il ainsi ?

- Je ne sais pas, Hadès, en effet, l'indifférence entre maître et employé étant la règle, je ne vois pas ce qui tout à coup l'intéresse chez toi !

- Moi aussi, j'ai quelque chose à te dire, Hadès.

Hadès, surpris, se rapproche de Sapienta, lui prend les deux mains, les baise, la regarde intensément, tout à coup inquiet.

- Qu'y a-t-il ma douce ?

- Hier, je suis allée faire une course pour ma mère, j'ai ssuré le suivi de la guérison d'une femme affectée de maux de ventres chroniques sans raison apparente. La connaissant bien, mère m'a autorisée à m'y rendre seule. Sur le chemin du retour, je me suis sentie observée, comme si quelqu'un me suivait. C'était étrange. D'habitude, je n'ai pas peur de me promener seule dans les rues, mais cela m'a fait réfléchir. Quelqu'un cherche-t-il à nous nuire ? Une personne aurai-elle des informations sur nos rencontres ? Je ne sais pas quoi penser ! Hadès, je tiens à notre amour, que va-t-on faire ?

Alongée côte à côte dans les herbes folles, leurs mains serrées l'une dans l'autre, ils ne prêtent plus attention à l'ouvrage de pierre qui les surplombe. L'aqueduc d'Auguste, avec ses arcades massives est le monument le plus utile de la ville. Sa prestance est incontestable. Les pompéiens sont très fiers de cette construction.

Hadès colle sa bouche contre celle de Sapienta, la dévore, l'étreint, la parcourt de baisers. Leur étreinte passionnée leur fait oublier les heures et les emporte vers le plaisir.

Non loin de là, derrière l'un des piliers de l'aqueduc, presque centenaire, se cache un serviteur de Titus. Sur ordre du vice-empereur, il doit rapporter à quelle fréquence se voit ce couple, où et ce qu'ils font. C'est une mission délicate qui requiert discrétion et assez de ruse pour passer inaperçu. Il n'a pas entendu ce que se disaient les deux tourtereaux. Mais leurs gestes sont sans équivoque. Titus devient obsédé par cette femme, et même si elle ne lui appartient pas, il va tout faire pour l'obtenir. Son domestique sait jusqu’où le pouvoir peut amener un homme tel que lui. Il a déjà été témoin de ses agissements. Les femmes sont forcées de lui obéir sous peine de sentences très dures. Mais Sapienta ne semble pas être comme toutes les autres.

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