Songes

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Debout, immobile face à son image, Skyva admirait la beauté de la puissance. Habillée d’une longue robe noire, cintrée et couvrant ses écailles bleues, elle fixait les multiples scintillements s’y réfléchissant, inondant la pièce d’éclats aussi profonds que la nuit.

Seules elle et sa sœur matérialisaient leur vrai corps, apanage de SesSeigneures. Mais la vue des Ervilliens l’horripilaient tellement qu’elle souhaitait également pour ses soldats les plus émérites le retour de leur peau d’écailles. Sa garde d’antan se reformerait et punirait les fous se dressant devant elle, comme ceux ayant détruit Narue.

Mais pas lui, non. Y penser déformait son visage d’ordinaire si gracieux et fin selon elle. Le mélange de colère et de désir l’animant rendait l’expression de ses traits incompréhensible pour un Ervillien. Pourquoi son désir pour lui prenait-il le pas sur son ambition ? pensa l’Axem en détournant ses yeux du miroir. Son visage ? Son corps ?... Non, conclut-elle en se dirigeant vers la sortie. C’est sa force, ainsi que la grandeur qui en découle et qui émane de son aura, qui la rend si désireuse de le posséder.

Derrière la porte, deux Axems semblaient l’attendre.

« Il est temps d’en finir ! leur lança-t-elle sur un ton théâtral. Je n’ai pas la patience de ma défunte sœur.

— Maseigneure ? demanda l’un d’entre eux en guise de confirmation.

— Lancez les collecteurs.

— Mais si nous faisons ça, le manque de forces risque de provoquer des désastres incontrôlables.

— Akmmar doit disparaître et je suis las de le faire à petite échelle! Calibrez les collecteurs de sorte que toute Via soit bien orientée. Ensuite, ce sera le tour de Raylia et du reste de cette misérable planète.

— Bien Maseigneure. »


Face à lui, toujours le même ennemi, toujours la même arme et toujours la même envie de tuer. Qui est-ce ? se demanda Ashron en scrutant le visage flou de l’Axem lui faisant face. Soudain, ce dernier disparut, laissant le paysage vide de sa présence, pour réapparaitre derrière lui, sa lame effleurant son dos.

L’esquive avait été juste mais suffisante pour éviter l’empalement. Ashron dégaina Ragnarok et engagea le combat. Mais aucun coup n’atteignait l’adversaire. Sa vision du cycle se confrontait à ce dernier et les attaques, à l’un et l’autre, manquaient leur but, au point que leur anticipation s’étendit à un coup, puis deux, pour atteindre trois.

Sans succès.

Soudain, l’ennemi parvint à extrapoler une quatrième attaque, touchant ainsi Ashron au bras. Déstabilisé, il regarda ensuite l’arme se diriger vers son cou, puis se fracasser sur la petite épée que Vallia venait de mettre sur son chemin. Bleus et sans pupilles, les yeux de cette dernière prirent le relais.

Ashron recula, désemparé, ses membres refusant d’aller de l’avant. Son regard se porta sur sa compagne qui se défendait bien, mais pas au point de rivaliser avec l’ennemi. Et l’aide de Guidomex et Hellie n’y changea rien. Le corps de l’Eraien fut mortellement transpercé, tandis que celui de son ami s’évapora dans une hud appelant les forces abyssales. La tête de Vallia roulant au sol provoqua la fuite de l’esprit d’Ashron.

Le cri de l’Eraien se relevant de son lit révéilla Vallia en sursaut.

« Ashron ? Qu’est-ce qu’il y a ? lui demanda-t-elle en tentant de le calmer.

— Vallia ! Vallia ! hurla ce dernier en la repoussant.

— Je suis là ! Regarde-moi ! Je suis là ! »

La voix de sa compagne apaisa légèrement l’esprit embrumé d’Ashron. Portant ses mains à son visage en sueur, il tenta de se calmer.

« Tu as encore fait un cauchemar, reprit Vallia, inquiète de voir les songes d’Ashron autant perturbés. Tu ne veux toujours pas m’en parler ?

— C’est juste un rêve, rien d’autre.

— En parler te ferait certainement du bien.

— Non.

— Mais de quoi as-tu peur ? s’emporta Vallia en se levant du lit. Qu’est-ce que tu peux m’énerver parfois !»

Furieuse face au silence d’Ashron, Vallia décida de ne pas en rester là.

« Je veux que tu me racontes ce qui te réveille dans cet état. Déjà que tu m’écartes des combats ! Suis-je inutile pour toi ? s’énerva-t-elle.

— Ca n’a rien à voir.

— Ce que tu peux être idiot ! »

Vallia tourna les talons, s’habilla prestement et sortit de la cabine furieuse. Dans le couloir, elle rejoignit la salle commune de l’aérostate récupéré dans Narue et se mit en quête de nourriture pour se calmer. Bredouille, elle attrapa la première chose qui lui tomba sous la main et la balança à travers la pièce. Puis elle s’assit sur une chaise qui trainait.

Mais tandis qu’elle ressassait à quel point Ashron l’énervait, des larmes coulèrent le long de ses joues. Vallia tenta de les refréner en vain. Cherchant autres choses à jeter, une tasse vide obscurcit son regard et elle l’attrapa pour s’acharner.

Une main lui immobilisa cependant le bras, l’empêchant de finir son geste. Surprise, Vallia se dégagea en se relevant et fixa le nouveau venu.

« Tu es un idiot égoïste! lança-t-elle à Ashron qui l’avait suivi.

— Je n’ai pas réalisé tous les sacrifices que tu as faits pour moi. Tu as dû abandonner Leon pour me retrouver. J’ai parfois tendance à trop me concentrer sur ce que je ressens et il m’arrive d’en oublier les autres.

— Je n’en peux plus Ashron. J’en ai marre de tout ça, de cette interminable guerre, de te voir tout le temps blessé ou en train de te battre, d’être éloignée de Leon et d’être loin de chez moi. Et là, tu me caches des choses.

—Je vous vois tous mourir sous mes yeux, coupa Ashron en baissant le regard.

— Alors c’est ça ?

— Ne pas être capable de vous protéger m’obsède, je n’arrive pas à passer outre. Tu es apte à de te défendre, tout comme les autres mais cette image, je n’arrive pas à l’oblitérer. C’est pour ça que je te mets à l’écart.

— Ce n’est qu’un cauchemar, une peur.

— Si je n’ai rien dit, c’est pour vous aider à surmonter cette situation, à ne pas montrer cette faiblesse qui me hante.

— Tu es un idiot, coupa Vallia en posant une douce main sur le visage de son compagnon. Pourquoi veux-tu que nous pensions ça ? La peur de perdre un être cher est une réaction si Eraienne qu’elle en est rassurante. Tu n’arriveras pas à la surmonter sans être franc avec moi car jamais je ne te jugerais. Je ne l’ai jamais fait et je ne le ferais jamais! »

L’Eraienne accompagna ses mots d’un tendre baiser qu’Ashron accueillit avec soulagement. Ressentant la chaleur du corps de sa compagne, il apaisa son esprit et tenta d’oublier ses tortueux songes, en vain.

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