Il fait sombre à l'extérieur. Je parviens tout de même à distinguer à travers la fenêtre la silhouette de mon époux. Il est assis sur les marches du porche. Je sors le rejoindre et m'assieds à ses côtés tant bien que mal en tenant mon ventre arrondi d'une main. Il tourne la tête vers moi et me dit de son habituel ton impassible :

- Tu devrais rentrer. Tu risques de prendre froid.

- Parle plutôt pour toi. Qu'est-ce que tu fais ici à une heure pareille ?

- Je réféchis.

- À quoi ?

Il avale une gorgée de thé et m'avoue :

- Je suis partagé entre deux sentiments depuis que tu m'as annoncé que tu portes notre enfant.

- Lesquels ?

- J'ai d'abord été envahi d'un bonheur indescriptible. . .

Je ris :

- Je n'en doute pas vu la façon dont tu m'as étreinte ce jour-là. J'ai lu dans ton regard une émotion que je ne lui connaissais pas.

Il hoche la tête et reprend :

- Plus le temps passe, plus je m'interroge et doute de mes capacités en tant que père.

Mes yeux bleus s'écarquillent. Livaï ? Pris de doutes ? Voilà qui est inhabituel. Il prend une nouvelle gorgée de thé et m'explique :

- Je n'ai jamais connu mon géniteur et le violent tueur en série qui m'a pris sous son aile n'était pas la figure paternelle idéale. Il m'a lui-même avoué ne pas avoir la fibre paternelle. Je n'ai pas d'exemple sur lequel me reposer. Voilà pourquoi je crains de ne pas être un bon père pour notre enfant. . .

Je pose une main sur la sienne et l'autre sur mon ventre en déclarant :

- Je comprends ton inquiétude, mais pour ma part, je n'ai jamais douté de toi et je te fais encore confiance maintenant pour prendre soin de notre bébé. Je sais que tu seras toujours à ses côtés comme tu as toujours été aux miens depuis notre rencontre et que tu le protégeras de toutes tes forces comme tu l'as fait avec nous tous. Tu as un instinct protecteur en toi. Je l'ai toujours senti. C'est le même qu'ont la plupart des papas envers leurs enfants. Celui qui les pousse à tout sacrifier pour assurer leur bien-être. Tu as tant de choses importantes à lui transmettre : ton expérience, tes connaissances et surtout ton amour. Je sais que tu le feras merveilleusement bien et que tu feras un fabuleux papa. Tu auras bien sûr des moments de doutes. Tu te demanderas si ce que tu fais est vraiment le meilleur pour notre enfant, mais dans ces instants, tu pourras compter sur moi, parce qu'être parents, comme être un couple, c'est quelque chose qui se fait à deux. Laisse-moi même t'avouer que je suis soulagée de t'avoir à mes côtés pour me soutenir et m'accompagner dans mon rôle de maman.

- Tu n'as pas besoin de moi pour ça. Tu es suffisamment expérimentée dans ce domaine. Tu as eu la chance d'avoir deux figures maternelles, sans compter que tu as aussi eu l'occasion de t'entraîner grâce à Eren et à tes deux amis. Je n'ai jamais eu de doutes sur le fait que tu seras la meilleure mère qui soit pour notre enfant.

Je souris, émue et touchée par ses paroles. Il vide sa tasse d'une traite et me dit :

- Merci, Éléonore. Ça va mieux, maintenant.

- Tu m'en vois ravie !

Il se remet debout et me prend dans ses bras en déclarant :

- Rentrons.

- D'accord, mais tu peux me reposer. Je suis parfaitement capable de rentrer à pied.

Il se dirige vers la porte pour l'ouvrir en feignant de ne pas m'avoir entendu et je n'insiste pas : je dois avouer que j'ai toujours adoré qu'il me porte de la sorte. Ses bras puissants sont si chauds et si réconfortants ! Je repose ma tête sur son épaule tandis qu'il referme la porte de notre maison. Une maison qui va bientôt accueillir un nouvel habitant. . .