Une fée en quête du grand amour, c’est comme un dragon végétarien : rare, incompris, et franchement mal vu dans les cercles traditionnels.
Mais Mélissandre n’était pas une fée comme les autres. Elle avait refusé trois princes (dont un avec six abdos et un château flottant), s'était enfuie d’un mariage arrangé avec un sylphe narcissique, et récemment, elle avait quitté un troll sensible qui écrivait des poèmes, mais… avait mangé son chat.

À 237 ans, elle en avait ras la baguette.

Alors quand sa meilleure amie, une licorne reconvertie en coach en développement personnel, lui parla de Meetasy, la nouvelle appli de rencontres pour créatures fantastiques en mal d’amour (ou en mal tout court), Mélissandre hésita… puis céda.
Après tout, même les ogres trouvent l’amour sur Internet.

Photo : elle, en clair-obscur, cheveux lilas en bataille, posant nonchalamment sur une branche de chêne centenaire.

Bio : « Fée libre et engagée, adepte de la magie verte, cherche partenaire pour voler ensemble au crépuscule. Pas de vampires. Ni de licornes louches. »

Centre d’intérêt : alchimie émotionnelle, cuisine elfique, jardinage sous la pleine lune.

Trois heures, deux cent vingt-deux profils rejetés (dont un phénix qui voulait juste "recommencer à zéro chaque semaine") et un sort anti-déception plus tard, un profil attira son attention.

Pseudo : "MrEnigmatique69"
Espèce : Incube (reconverti en bibliothécaire)
Photo floue, ambiance caverne éclairée à la chandelle.
Bio : « J’ai vendu mon âme, mais j’ai gardé mon humour. J’aime les longues incantations sur la plage et les débats sur la nature du temps. »
Intérêts : philosophie occulte, tricot astral, pâtisserie démoniaque.

— Bon, murmura Mélissandre en soupirant, au point où j’en suis…

Elle matcha.

Instantanément, un message surgit dans une bulle de feu violette :

« Enfin une fée qui ne s’appelle pas LiliGlaïeul92. J’aime ton aura, elle a un parfum de sarcasme.

Tu veux qu’on se retrouve dans la Forêt des Soupirs ? »

Elle répondit :

« Et toi, tu sens le soufre, mais tu écris bien. Okay pour la Forêt. Apporte un plaid, les lutins sont taquins. »

Ils se rencontrèrent trois jours plus tard. Elle portait une robe faite de brume tissée, lui un manteau en cuir de chimère recyclée.
À leur premier regard, le vent se calma. Même les lucioles arrêtèrent de clignoter, par respect ou malaise, difficile à dire.

— Tu es plus charmant que ta photo, dit-elle.
— Et toi, moins floue. C’est rafraîchissant.

Ils parlèrent pendant des heures. De l’amour, du vide intersidéral, du karma des crapauds. Ils partagèrent une tarte aux fruits interdits.
Il lui avoua qu’il avait autrefois séduit la reine des sirènes… puis s’en était mordu l’âme.
Elle lui confia qu’elle n’avait jamais vraiment aimé, juste voltigé de cœur en cœur comme une abeille trop polie pour piquer.

Et puis, sans tambour ni baguette, quelque chose de doux s’installa. Un truc pas très magique, mais tellement rare : une connexion.

Quand elle rentra chez elle ce soir-là, le cœur plein de questions (et les ailes un peu floues), elle reçut une notification de Meetasy :

« Bravo ! Vous avez trouvé votre âme-compatible. Meetasy vous souhaite de nombreux siècles de bonheur, ou au moins un deuxième rendez-vous. »

Mélissandre sourit.
Peut-être que l’amour ne tombait pas du ciel.
Peut-être qu’il cliquait, swipait, discutait philosophie avec un ancien démon en chaussettes tricotées.

Et franchement ?
Elle trouvait ça plutôt cool.