2.5

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Nous sommes partis marcher le long du lac. Il y avait du monde sur la promenade en cette longue soirée de printemps. Je mis mon bras sur son épaule. C’était ridicule, car il était plus grand que moi. Je pris son bras, le passait sur mon épaule et posait ma tête sur sa poitrine. Quand je sentis la contraction de ses muscles, son accueil protecteur, je sombrais dans le bonheur. Il se passait quelque chose de nouveau pour moi. Alors que pour lui, ça devait être la tempête. Nous cheminions dans le silence. En fait, trop de questions passaient dans ma tête. Si seulement j’avais pu me laisser aller.

— Usem, c’est bizarre, non ? Je n’ai jamais éprouvé un attachement si fort pour quelqu’un, et c’est toi, un mec ! Je me demande si c’est normal…

— Normal d’aimer ?

— Normal d’aimer un mec, pour un mec !

— Normal d’aimer ? Tout court ?

— Arrête ! Tu sais bien ce que je veux dire. Dans mon milieu, c’est tabou. On ne peut pas être gay !

— Un : tu n’es pas gay, tu éprouves un sentiment fort pour un homme, c’est tout. Deux : d’après mon expérience, non calibrée et non validée, il y a autant de gays partout. Je crois au contraire que dans ta caste, c’est beaucoup plus facile et accepté, dès lors que c’est discret. Tu sais, pour moi, c’est autrement difficile. Je me suis écarté de mon milieu d’origine, car c’est inacceptable. Inacceptable au point de te tuer. Tu vois la différence ? Tu sais, je ne l’ai pas dit à mes parents, non pas parce qu’ils n’accepteraient pas, mais pour les protéger de leurs amis, de leurs relations. Si cela se sait, ils seront la risée de tous et méprisés : avoir un fils pédé, la honte !

— Oui, tu as raison. Je n’y connais rien ! Simplement, je sais que je viens de trouver mon bonheur. Si tu le veux bien !

Que répondre ? Et Clarisse, sa femme officielle, pour laquelle il a de l’affection, mais pas d’amour ? Nous marchons. Je sais qu’il pense surtout au sujet que nous n’avons pas abordé, qu’il a envie d’aller au bout. Nous sommes sur le retour quand il ose :

— Usem…

— Pierri, c’est non ! Ne le demande pas !

— Mais comment sais-tu ce que je vais dire ?

— Pierri, tu ne t’en es pas rendu compte, mais nous avons parlé, beaucoup ! Tu te poses trop de questions et tu m’as posé trop de questions ! Curieusement, tu es la personne qui en sait le plus sur moi. Et je crois que la réciproque est vraie ! À moins que tu aies un psy !

— T’es con ! Je n’ai pas de psy !

— Que cherches-tu ? Que me veux-tu ? Je t’assure, c’est mieux si nous ne…

Je le sens se raidir. Il m’interrompt brutalement :

— Pourquoi non ?

— D’abord, je ne crois pas que tu sois gay. Ton coup de foudre pour un mec te perturbe. En plus, je crois que tu projettes sur moi infiniment plus de choses que celles que je peux t’offrir. Amour sentimental n’est pas forcément désir physique. Fondamentalement, peut-être que cela te travaille, mais tu ne l’es pas !

— Ah, tu vois, vous savez reconnaitre un gay d’un non-gay !

— Pas du tout ! Ce sont des conneries ! Je le sais pour toi, car nous avons beaucoup parlé, tout simplement. Je ne dis pas que je te connais, mais je te sens ! Je sais que tu éprouves quelque chose de fort pour moi. Mais ce n’est pas du désir sexuel ! Tu serais déçu par l’expérience. Peut-être te sentirais-tu sali, même. Cela risquerait d’abimer tes sentiments pour moi, de les avilir…

— Je ne crois pas… Oui, j’ai envie de partager avec toi, d’aller à la limite…

— Pierri, tu l’as compris, moi, j’ai envie de toi. Comme ami, comme amour, mais aussi comme partenaire. Tu es hyperbandant !

— C’est un compliment ?

— C’est un avertissement ! J’ai une envie folle de toi. J’ai peur de te violer, de te forcer.

— Essaie !

— Ne joue pas avec ça. Ne détruisons pas l’autre face de ce qui est en train de se construire.

— Usem…

— Je sais ! Moi aussi…

Les mots étaient devenus inutiles.

C’est peut-être là que j’ai craqué ! En fait, il était aussi amoureux que moi ! Mais il n’est pas gay et je l’aime trop pour lui faire du mal. Le rejeter ou l’emmener où il ne veut pas ?

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