2.16

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Doron me reçoit sans poser de question. Il comprend où j’en suis. Je perçois sa sollicitude de chaque instant comme une marque de respect de mes sentiments envers Pierri. Paradoxalement, cela me rend douloureux mon amour pour lui.

Nous sommes partis déambuler en Écosse, entre pluies, cris de mouettes, brumes et whiskies. Mon compagnon est un être merveilleux. Il m’apporte tout ce que je peux désirer. Mais je ne tiens que sur un pied. La moitié de mon âme est ailleurs. Doron me fait souvent un geste devant les yeux, pour chasser ce fantôme qui ne me quitte pas. Il n’a aucune parole de reproche, juste un accompagnement, une présence. Je me fais pardonner par des petites attentions, des tendresses. La nuit, je le laisse mener et trouver ses satisfactions favorites. Je lui dois tellement !

Je me refuse à accepter d’avoir perdu pied, alors que je flotte entre deux eaux.

***

Je rentre à Paris. Je passe voir mes parents. Manon est là, chez eux. Grandes retrouvailles. Je l’embrasse. Elle semble tellement épanouie. Elle s’absente un moment. Ma mère attaque aussitôt :

— Tu sais, elle est presque toujours là ! On finit avec elle la mise au point de la collection. Ça va faire un tabac !

— Ah oui ? Je suis content pour vous et pour elle !

— Elle est presque devenue notre fille ! Au moins, elle, elle reste avec nous, elle se préoccupe de nous, pas comme toi !

— Maman !

— Je sais que tu es un bon fils, Usem ! Au fait, entre Manon et toi…

— Quoi ?

— Vous avez… vous êtes…

— Maman ! Non, c’est juste une très grande amie ! Je te l’ai dit mille fois ! Arrête avec tes sous-entendus ! Je n’ai pas de petite-amie !

— Mais vous avez l’air d’avoir… Ce n’est pas qu’une amie…

— Tu t’intéresses trop à ma vie privée ! Oui, j’ai couché avec elle ! C’est comme ça que je l’ai connue…

— Ah, mon fils, c’est en couchant avec une fille que tu fais sa connaissance ? C’est pas bien…

Je suis en train d’en dire un peu trop !

— Mais tu sais qu’elle est homosexuelle, c’est elle qui nous l’a dit ! reprend-elle alors

— Oui, je sais, et je connais sa compagne.

— Roxane ! Elle nous l’a présentée.

— Bon, vous savez tout !

Mon père nous a rejoints depuis un moment et nous écoute, amusé.

— Quand même, pour une lesbienne, elle est drôlement gentille. Et jolie !

— C’est quoi ces conneries ? Les homos sont des gens comme les autres !

— Qu’est-ce que tu en sais ?

— J’en connais beaucoup ! Plein de mes amis le sont !

— Des hommes ? Des garçons ?

— Ben oui, c’est normal !

— Comment ça normal ?

Et puis merde ! Je suis allé trop loin, trop longtemps. Tant pis ! C’est peut-être le moment…

— Normal, car, entre gays, on se connait…

Je m’attendais à un silence, suivi de pleurs et de cris. La réponse est immédiate :

— Ah, enfin, tu nous le dis !

— Quoi ? Vous saviez ?

— Non ! On s’en doutait ! Depuis longtemps…

— Depuis quand ?

— Disons, depuis le lycée, quand tous tes copains avaient le même genre, que des garçons doux et gentils. Jamais de super mecs, jamais de filles. Tu sais, une mère sent cela !

— J’avais aussi oublié votre façon de marchander ! Je suis tellement heureux que vous le sachiez !

— Qu’ils sachent quoi ? nous interrompt Manon.

— Que notre fils nous dise enfin qu’il est gay ! Tu avais raison !

— Quoi ! Tu leur as raconté…

— Mais non ! pas du tout ! Usem, je n’ai rien raconté du tout. Mais je ne sais pas si tu les connais, ils t’arrachent les informations petit bout par petit bout, sans que tu t’en rendes compte ! mais ça, je ne leur ai pas dit !

— Oh, oui ! Je connais leurs trucs ! J’ai eu du mal à leur dissimuler cette réalité si longtemps !

Voilà ! ce n’était pas si difficile que ça ! J’avais attendu quinze ans pour leur dire. Je ne savais pas qu’ils allaient m’accueillir aussi gentiment. J’avais plein d’exemples de comingout douloureux chez mes amis. Je voulais protéger mes parents et protéger mon lien avec eux. Je ne regrettais pas cette attente. Ils ne m’avaient jamais questionné franchement non plus. Pudeur ? Respect ? Peu importe. J’étais soulagé et qu’une envie, partager cela avec Doron. Lui avait toujours affiché ses gouts dans sa famille.

Je suis en train de liquider mon passé, de devenir un adulte !

Quel soulagement ! Surtout que ce se soit passé aussi bien !

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