4.8

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Je suis sauvé par le gong de la nouvelle année. Nous tombons dans les embrassades, les caresses, nous souhaitant sincèrement une meilleure année que cette annus horribilis.

Horrible, l'année écoulée ? Pour beaucoup, oui. Que de souffrances, de malheurs ! Pour moi ? Ai-je le droit d'être heureux dans ces conditions ?

Mon téléphone sonne. Sa photo s'affiche. Mon cœur bondit :

— Pierri ?

— Usem ?

— Tu… Je…

— Moi aussi !

Nous entendons nos respirations. Nous vivons ensemble. Quel bonheur ! Un bras se pose sur mon épaule.

— Pierri, tu sais que tu nous manques ! Une belle et heureuse année à toi, avec nous !

— Doron, à toi aussi ! Usem, je vous aime. À bientôt.

Il raccroche. Je me blottis dans ses bras. Il sent encore l'amour. Je craque, je pleure. Il me tient doucement, me faisant de petits baisers dans les cheveux.

Le bruit d’un bouchon nous sort de notre torpeur.

Oui, décidément, il nous faut fêter cette année écoulée, sa suivante, sans doute aussi riche !

Doron va s’écrouler. Il vient de courir un marathon. Thomas a rejoint Charlotte. Roxane s'est endormie. Je n'ai pas sommeil. Je vois Manon qui me tend les bras. Elle repousse doucement Roxane sur le côté pour m'accueillir pleinement. Manon, la seule fille qui me fait craquer le cœur, ma petite sœur maintenant.

— Tu m’expliques ?

Son doigt parcourt la balafre. Il reproduit cet effet de cinglement. Mabula a juste effleuré avec doigté. Un coup un peu plus violent, la peau se serait ouverte, la douleur aurait été insupportable, la cicatrice à vie. Pourquoi pas ?

— Ce n’est rien ! Mabula m’a montré l’usage d’un fouet et il a raté son coup !

— Tu étais torse nu ?

— Oui !

— Je n’aime pas ça, Usem !

— Mais non, c’est un petit dérapage !

Je me mens, je lui mens. Mais ce n’est pas le moment.

— J’ai passé un long moment avec Alex. J’ai fait la connaissance de Sarah et de Lucas.

Je sais que je suis déloyal, qu’elle va embrayer sur Alex, en oubliant ce que je fuis.

Nous sommes enlacés. Je suis merveilleusement bien dans cette intimité. Je sens sa peau douce, l'odeur du savon. Elle a mon sexe en main et le maintient en effervescence par de douces caresses. J’ai un de ses seins dans ma main, jouant avec la dureté de son teton.

Nous parlons d'Alex, heureux de sa transformation. Je lui dis ma tendresse et mon trouble pour ce jeune mâle androgyne. Elle me raconte alors les avances qu'Alex lui avait faites, son envie de se laisser aller dans cet apprentissage. (Alex, sois heureux de lire cela !) Nous partageons notre confiance.

Puis elle me questionne sur Pierri, bien qu'elle sache déjà l'essentiel. Elle me dit son admiration pour notre amour, son admiration de Doron qui vit cela sereinement, en apparence. Elle me fait taire, car parler de mon soleil me rend intarissable.

Alors que je ne l'attendais pas, elle lance :

— Alors, ça te fait quoi ?

Je joue à celui qui ne comprend pas. Comment sait-elle… Charlotte ! Leur amitié ! J’esquive.

— Raconte-moi comment vous vous êtes connues, Charlotte et toi. Avec tous les détails !

Elle ne se fait pas prier. Cela commence au collège, privé, féminin, dans cette banlieue chic. Elle dénotait, car ses parents étaient de petits commerçants. Elle était mal à l’aise, car elle se sentait plus douée pour le dessin et l'art que pour les études. Elle souffrait d’un grand isolement, car n'appartenant pas aux cercles de ses camarades, malgré un petit succès d’estime, par ces habillements légèrement décalés, à la limite constante des règles strictes de ce pensionnat à l'ancienne.

La meneuse de la classe l'avait approchée. Elle ne comprenait pas cette prévenance permanente, mais dissimulée aux regards des autres. Jusqu'au jour où, dans un coin de couloir obscur, Anne-Sophie l'avait embrassée, sur la bouche, longuement. Elle avait été surprise, avait aimé, s'était donnée. Anne-Sophie s'était libérée, lui avait avoué son attirance si forte, si refoulée, l’implorant de ne pas dire ce qui s'était passé, déjà honteuse de son élan.

Manon, désemparée devant cette meneuse désorientée et affaiblie, l'avait consolée et rassurée. Cela avait déclenché une deuxième vague où leurs mains s'étaient activées dans les chaleurs intimes. Elles ne savaient pas vers où elles allaient, mais elles voulaient y aller ensemble.

En public, Anne-Sophie la snobait toujours. Sauf que maintenant, cela indifférait Manon. Elle se surprit à sourire en permanence. Une porte venait de s'ouvrir et leurs échanges furtifs, de plus en plus fréquents lui apportaient une force et une aura que ses camarades remarquèrent.

Dans cette ambiance de jeunes filles en attente constante de sensations troubles, les amours interdites étaient redoutées, épiées, aussi bien par les surveillantes que par les consœurs, avec des objectifs opposés. La discrétion freinait les pulsions, les aiguisant dangereusement.

Manon ne cherchait rien, juste heureuse des progrès d'intimité avec Anne-Sophie. Les doigts s’introduisaient profondément, exploraient et déclenchaient des cataractes difficiles à dissimuler. Elles en ressortaient dans une ivresse odorante qui faisaient tourner les autres têtes et provoquaient des avalanches de besoins irrépressibles. Le dortoir bruissait alors d'étranges sonorités une longue partie de la nuit. Les sourires béats du matin masquaient les cernes.

Les deux exploratrices n’avaient pas conscience de leurs émissions provocatrices de pulsions infernales chez les autres, de rythmer ainsi tous les rêves et les soupirs de la communauté.

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