Chapitre 8 : Le chemin de l'ascension (Partie 2)

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Le professeur, dont le nom échappait toujours à Zayn puisqu’il n’était plus certain s’il l’avait énoncé ou non, rejoignit le centre de la clairière. Il passa une main à l’intérieur de son armure, au niveau du buste et en dégagea un sifflet argenté.

  • A mon signal ! Tenez vous prêt ! TOUS LES COUPS SONT PERMIS ! cria-t-il d’une voix puissante.

Léon se plaça derrière Zayn, Martin à sa gauche, Elisabeth à l’avant. Martin serrait la mâchoire, et Elisabeth n’arrêtait pas de tripoter son chignon. La tension était palpable, mais Zayn fit le vide. Il se demandait à quelle cadence il fallait qu’il court puisqu’il était l'élément central du groupe. S’il courrait trop lentement, il ralentirait le groupe, s’il courrait trop vite, il se fatiguerait. Mais dans un moment de lucidité, il réussit à se souvenir du plan échafaudé par Léon : le but était de se ménager pour les combats au sommet de la montagne.Il allait courir lentement, à une cadence régulière qu’il pourrait soutenir pendant une à deux heures. Zayn l’avait remarqué pendant la marche jusqu’à la clairière, il sentait son corps plus robuste qu’à la normale, ses muscles plus saillants, son souffle plus calme que d’habitude. Le don mûrissait en lui et modifiait sa force et son endurance, il était curieux de savoir jusqu’où son physique pouvait le porter, quelles étaient ses limites ? Quelle était la nature de ce changement lent de son anatomie ? Le professeur fixa une dernière fois les élèves et siffla fort le début de l’ascension. L’ensemble des groupes se ruèrent sur le sentier. Elisabeth se lança dans la course la première, Zayn la suivit et tout le groupe se mit en route pour le pic de la montagne. Très vite, ils se retrouvèrent avec des coureurs devant et derrière eux. Elisabeth ouvrait la voie en calquant son rythme sur celui de Zayn qui était l’élément central de leur groupe. Il avait conscience qu’il était le plus faible des quatres mais il comptait faciliter leur l’ascension en maintenant un rythme régulier et soutenu. Il devait pour ça inspirer et expirer longuement, à la même cadence. Il se balançait de droite à gauche pour accompagner le mouvement de ses hanches et solliciter les muscles de son dos afin de soulager ses jambes. Ils avançaient maintenant depuis une demi-heure, Zayn tourna la tête et ouvrit grand les yeux devant la beauté du paysage. Il voyait de haut la forêt menant vers la montagne, le ciel d’un bleu azur couvrait l’horizon tel un océan aux eaux calmes et sereines. Une flopée de nuages provenant de l’est projetaient leurs ombres, sûrement rafraîchissantes sur les alentours. Zayn baissa les yeux et aperçut les coureurs sur le contrebas. L’écart s’était creusé, leur groupe avait dépassé plusieurs groupes et était maintenant parmi les premiers mais les coureurs qui accompagnaient le jeune roux à la mâchoire carrée les talonnaient de près. Zayn n’aimait pas les regards qu’ils se lançaient entre eux. Ils semblaient se mettre d’accord sur quelque chose mais il n’était pas sûr que ce soit le cas. Il décida de les ignorer et de se concentrer sur sa course, il ne ressentait toujours pas la fatigue. Martin courait à deux mètres de lui en discutant avec Elisabeth de la décoration des chambres, l’effort ne semblait pas les déranger, leur respiration était fluide et leurs échanges pas le moindre du monde saccadé par le rythme que leur imposait Zayn. Léon lui restait à l’arrière, silencieux, le souffle contrôlé et le pas puissant. Il décida d'accélérer légèrement pour mettre de la distance avec le groupe derrière et se concentra sur sa respiration. Encore deux heures et ils atteindraient le pic mais Zayn n’arrivait pas à taire son angoisse. Le roux, à défaut de l’appeler autrement, continuait de le fixer. C’était à en croire que son but n’était pas le pic, mais Zayn lui-même. Il courait maintenant à vive allure, prenant le soin d’amplifier ses mouvements dorsaux et de caler sa respiration sur la rythmique de ses pas. Martin remarqua tout de suite le changement de cadence et lui lança un regard en biais, il décida de l’ignorer et de se focaliser sur l’effort qu’il était en train de fournir. Il continua sur ce rythme longtemps, les quarts d’heures se succédaient et ses vêtements étaient trempés de sueur. Le paysage changeait, les arbres se faisaient plus rares au fur et à mesure qu’ils gravissaient la montagne et qu’ils se rapprochaient du pic. Le sentier sur lequel ils couraient était devenu un chemin escarpé parsemé de rocs. Ils étaient premiers, Zayn avait dépassé un bon nombre de groupes à la respiration saccadée et aux mouvements lents et douloureux. Dans son effort pour mettre de la distance entre lui et le roux, il avait doublé tous les coureurs devant eux, et il le payait maintenant au prix fort : la fatigue commençait à se faire ressentir. Un seul détail subsistait, un détail capital, et pas des moindres, le groupe du roux les talonnait toujours bien qu’ils n’étaient plus qu’à une heure environ de l’arrivée. Au bout d’une demi heure de course acharnée, Martin commença à s'agiter à sa droite, il se retournait sans cesse et semblait, à ses expressions faciales, déployer un effort supplémentaire pour achever un but dont Zayn n’arrivait pas à cerner les contours. Il soufflait fort et gardait les yeux rivés sur le sol, son visage était plus rouge qu’il ne le fallait. Zayn se retourna avec horreur, se demandant si le roux, par quelques moyens qui ne soit, tentait de l’ensorceler ou de l’entraver à distance, mais ce qu’il remarqua souffla un vent de panique dans son esprit. Tous les coureurs de son groupe, le roux y compris, fixaient Martin sans ciller des yeux. Aucune expression ne ponctuait leurs visages, leurs respiration était aussi molle que des dormeurs, leur rythme était parfaitement cadencé et synchronisé, leurs membres bougeaient symétriquement. Quelque chose de sombre se tramait, mais Zayn n’avait pas la moindre idée de ce qu’il se passait, seul son instinct lui disait de fuir. Dans le monde normal, il n'avait jamais vu ce phénomène se produire. Il avait entendu parler de la transe chez certains amérindiens, mais il ne s’était jamais intéressé à la chose en détail.

  • Elisabeth ! Aide-moi ! cria Martin dans un gémissement de douleur.

Elisabeth se retourna vers Martin, puis tourna la tête aussitôt vers le groupe derrière eux, comme un médecin qui jaugeait les symptômes d’une maladie rare. D’une série de mouvements de jambes nerveux, elle fit un salto arrière, ramassa une pierre pendant qu’elle avait la tête en bas et atterrit en position de tireur. Elle envoya le projectile droit vers les coureurs en transe. L’un des coureurs latéraux la reçut en pleine tête. Il s’effondra, assommé et le sourcil en sang. Au moment où il reçut la pierre à la tête, une chose bizarre se produisit, l’ensemble du groupe émergea de leur torpeur inexpressive. Le projectile avait touché l’un d’eux, mais tout le groupe y avait réagit. Zayn tourna la tête vers Martin pour évaluer l’état de celui-ci, il reprenait son souffle et se massait la tête, mais il ne semblait plus souffrir. Zayn comprit aussitôt, son épisode avec la notura encore frais dans son esprit, ils essayaient de forcer l’entrée de son esprit. Mais pourquoi Martin et pas lui, se demanda-t-il :

  • Zayn, ils vont recommencer et cette fois-ci je ne pourrai pas te protéger totalement ! Focalise-toi sur un coffre-fort !

Zayn ne comprenait absolument pas en quoi s’imaginer un coffre-fort allait le protéger.

  • Zayn, écoute moi mon vieux ! Ne réfléchis pas et fais ce que je te dis. Tu t’imagines un coffre-fort, sauf que tu es à l’intérieur et personne ne connaît le code. Tu comprends mon pote ? Personne ne peut connaître le code !
  • Mais je ne comprends pas ! Quel coffre ?
  • Fais-ce que je te dis ! répondit-il péniblement. Ils arrivent, protège ton esprit ! Le coffre... Zayn ! Le coffre !

Elisabeth bondit dans les airs de nouveau et lança deux pierres successives à une vitesse vertigineuse, mais cette fois-ci, un des coureurs était resté éveillé. Il para habilement les pierres avec une branche qu’il avait ramassé au bord du chemin. Mais Elisabeth ne rechignait pas à la tâche, elle bondissait, sautait sur les côtés et effectuait des saltos répétés en envoyant des dizaines de pierres toutes à l’aspect aussi tranchant l’une que l’autre, mais le coureur qui protégeait son groupe les parait avec facilité en ricanant bruyamment.

  • Elisabeth met de la puissance ! lança Léon qui semblait lui aussi en proie à une douleur à la tête.
  • Je ne peux pas, et si je lui brisais le crâne ? répondit Elisabeth l’air paniquée.
  • Et bah ils n’iront qu’à se faire rafistoler la tête ! cracha Martin rageur.
  • Non ! Ne faites pas ça ! Vous avez entendu le professeur, si on se fait prendre, on aura de sérieux ennuis et ils auront réussi à nous atteindre ! trancha Zayn. Je vais me protéger, ne vous inquiétez pas pour moi… finit-il en hésitant, ne sachant pas trop quand la vague d’attaque mentale le toucherait
  • Zayn, je te signale qu’il a dit que tout les coups étaient permis ! cria Léon.
  • Mais ça ne nous donne pas le feu vert pour les envoyer six pieds sous terre ! répliqua Zayn intransigeant.

Aussitôt la conversation finie que Zayn sentit une vague de douleur au crâne. Martin et Léon n’étaient plus capables de leur bloquer l’accès à son esprit. Il sentait leurs présence, tels des yeux multiples errants au prémices de son esprit avec un regard inquisiteur et plein de mauvaises intentions. Zayn se concentra sur l’aspect en métal d’un coffre fermé, vu de l’intérieur. Il avait du mal à se concentrer et courir en même temps, l’image du coffre vacillait. Les yeux se transformaient en marteaux, qui s'abattaient avec douleur sur les murs du coffre dans lequel il se trouvait. Chaque coup, chaque éraflure, chaque tintement, résonnait dans l’esprit de Zayn et provoquait une souffrance intenable qui éblouissait sa vue, le rendant à moitié aveugle l’espace de fractions de seconde. “ Donne-moi le code bâtard, laisse-nous entrer et on promet d’être gentil “ entendit-il quelque part dans sa tête. “LE CODE ! LE CODE DU COFFRE BÂTARD ! DONNE NOUS LE CODE”, il ignora les vociférations des coureurs qui étaient maintenant plus fortes que les bruits environnants. Zayn, haletant, criant sous le poid de l’effort, courait maintenant à moitié aveugle. Elisabeth, bondissait tel un chat, virevoltant de salto arrière en bond haut de trois mètres, envoyant une myriade de projectiles sur leur poursuivant. Mais Zayn était sur le point de succomber, leur présence le terrorisait car il sentait qu’ils n’entreraient pas dans son esprit pour feuilleter sa mémoire, mais pour le blesser et le marquer d’une encre indélébile, ils empestaient la mort et la folie. Zayn n’en pouvait plus, la porte du coffre était à moitié enfoncée, encore un coup de marteau et elle céderait sous la force des impacts. Il ferma les yeux et fit la paix avec lui-même, prêt à embrasser la folie. Puis un bruit assourdissant et salvateur enfla soudain en dessous d’eux, à plusieurs centaines de mètres vers le bas. Le groupe de Zayn et leurs poursuivants sursautèrent, en proie à une vague de panique. Zayn, sauvé par cette diversion impromptue, profita de ce moment de répit pour reprendre ses esprits et tourna la tête vers l’arrière pour déceler l’origine de ce bruit. Le son était celui d’une explosion, suivi d’un bruit de vent de tempête déchaînée constant qui s’approchait d’eux à une vitesse alarmante, c’était l’exact même bruit que celui d’un avion de chasse brisant le mur du son. On l’appelait dans le jargon des aviateurs chevronnés, le double-bang. Zayn aperçut un corps évoluant à une vitesse au-delà de ce qu’était capable n’importe quelle créature vivante, la masse mouvante fendait l’air créant une parabole venteuse devant elle et une longue trainée de poussière de plusieurs centaines de mètres. Tout le monde se réfugia sur le bord du sentier pour laisser passer ce qui semblait être, aussi inconcevable que cela pouvait paraître, un humain courant à la vitesse du son. Le roux fixait la parabole d’air autour du coureur surhumain en s'étouffant de rire, les autres coureurs s’agenouillèrent en tremblant. Le ou la “coureuse du son” franchit la centaine de mètres entre lui et leurs groupes en un clin d'œil puis freina subitement dans un bruit de crissement terrible, projetant un nuage de poussière à l’avant. Contre toute attente, la personn bondit à une cinquantaine de mètres dans les airs, puis s’immobilisa soudain au-dessus de leurs têtes en hurlant d’une voix de femme rageuse et en colère :

  • Pénétrer l’esprit d’une personne sans en avoir eu la permission ! Voilà quelque chose de répréhensible ? ET QUE DIT-ON DU REPREHENSIBLE ? QU’IL DOIT ÊTRE PUNI SÉVÈREMENT !

Zayn leva les yeux pleins de poussière en toussant, ne comprenant rien au charabia de la fille qui criait mais ce qu’il vit ensuite le laissa bouche bée. Les coureurs qui les talonnaient se mirent à fuir dans la forêt tel des lapins grotesques tentant de rejoindre leur terrier. La coureuse du son leva un bras, et avec des mouvements rageurs, se mit à l'abattre successivement, précipitant la foudre sur les fuyards. Léon bouscula Zayn et Martin :

  • Il faut fuir, dit-il en toussant, maintenant !
  • Mais elle nous protège d’eux, elle est de notre côté ! Le contredit Zayn.
  • Et toi tu as confiance en quelqu’un qui vole en précipitant la foudre sur les gens qu’elle n’apprécie pas ? dit Martin avec une voix angoissée.
  • Fuyons ! Trancha Elisabeth.

Ils se remirent aussitôt à courir vers le pic, Zayn continuait avec son équipe à contrecœur et ne put s’empêcher de retourner la tête une dernière fois pour remarquer que la coureuse dans les airs n’était d’autre que la princesse elfe. Il sourit admirablement et se promit d’aller la retrouver à la fin de la course pour la remercier. Il ne savait si c’était le fait qu’elle était irrésistiblement attirante ou plutôt qu’elle les avait sauvé, qui lui donnait l’envie d’aller à sa rencontre au plus vite. Zayn mit de côté cette pensée particulière car il n’avait que très peu de fois ressentit ce qu’il ressentait. Il ne voulait pas gâcher ce sentiment nouveau par des circonstances aussi laborieuses et se concentra sur le sentier qui déroulait devant ses yeux. Ils coururent une bonne heure sans s’arrêter, la fatigue commençait à se faire ressentir, mais plus personne ne les talonnait. La dernière partie de l’ascension s’avéra être une partie de plaisir. Zayn était étonné de sa condition physique parfaite, son rythme de course lui avait permis de dépasser l’ensemble des équipes menant l’ascension. Martin continuait à courir à ses côtés, tandis qu’Elisabeth ouvrait la voie et Léon la refermait. La princesse elfe leur avait sauvé la mise, car il était sûr qu’ils auraient fini par céder à l’intrusion mentale de leurs poursuivants. Zayn prenait aussi conscience, avec violence, qu’il n’était pas le bienvenu à Barbelle. Si la majorité des élèves l’avait juste ignoré, refusant ne serait-ce que de le regarder, certains d’entre eux s’étaient avérés être belliqueux. Zayn pressentait une longue année, fastidieuse et éprouvante, mais il était aussi animé par un désir de prouver sa valeur. Il se sentait soutenu par ses amis mais aussi coupable de devoir leur faire subir le poids de la honte. Ils étaient maintenant des indésirables, eux aussi. Certes, Zayn avait compris qu’ils étaient issus de familles nobles faisant partie de la haute société, mais cela ne suffisait pas à faire taire la foule. Ils étaient très certainement, et comme il l’avait pensé ce matin près du portail, les amis du bâtard, avec tout ce que cela impliquait. Après une bonne heure, ils arrivèrent au pic, un large plateau d’une centaine de mètres de rayon avec des gradins de pierres autour. Le professeur les attendaient assis en tailleur sur l’un des gradins en faisant face au vide, et se contenta de les ignorer royalement. Plusieurs bacs en bois étaient disposés à l’entrée du pic. Zayn et les autres s’en approchèrent et soufflèrent de soulagement en voyant des bouteilles d’eau qui étaient disposées dans l’un des bacs. Ils remarquèrent le contenu particulier des autres bacs, des épées et boucliers en bois, des lances et des marteaux faits du même matériau. Ils allaient devoir combattre à présent, mais Zayn après avoir bu, alla s’asseoir avec ses amis dans le silence, sous le soleil de midi. Ils se reposaient et se préparaient mentalement à affronter l’épreuve suivante. Ils avaient réussi la première étape, contre toute attente, maintenant il fallait garder la tête haute. Les gradins supposaient qu’ils allaient devoir combattre face à un public. Zayn était prêt, qu’ils viennent… Il se donnera en spectacle si c’était ce qu’il fallait faire.

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