Chapitre 15 - Jeudi 26 mars

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Ping-pong

J’ai dormi. Nora moins. Sa toux m’a réveillé deux, trois fois dans la nuit. J’attends qu’elle descende et l’heure tourne. Dans la cuisine j’entends quelques pas légers au-dessus de ma tête. J’ouvre la porte extérieure puis l’accès au premier étage. Les deux étages sont indépendants. Idées saugrenue de mes parents. Je monte, Éva est dans le couloir sa poupée à la main.

- Maman dort encore.

- On va la laisser dormir et se faire un gros petit déjeuner. Tu veux bien ?

- D’accord.

Elle est chagrinée, mais accepte mon invitation. Je sors des viennoiseries du congélateur. Il va falloir patienter pour sentir la bonne odeur des croissants chauds. Éva attend sagement sur la chaise de la cuisine pendant que je fais hurler la machine expresso dans le garage.

J’essaye de lui parler pour couvrir la toux de sa mère.

Vers dix heures, je monte un thé à Nora. Toc-toc ! Elle n’a pas dormi debout, elle est décoiffée, mais toujours aussi belle. Même avec une barbe de dix jours elle resterait magnifique. Je lui dis, elle rougit. C’est bon signe.

Elle se redresse prenant soin de remonter les draps au niveau de son cou. Dommage.

Elle se saisit de la tasse et s’excuse encore une fois. Pitié, non ! Elle tousse à la première gorgée et recrache un peu de thé.

- Pardon.

Elle rigole de s’excuser une fois de plus et moi aussi. La fièvre n’a pas beaucoup abîmé ses grands yeux noirs.

Pour l’instant, il n’y a pas lieu d’appeler le Quinze. Attendre trois heures pour nous entendre dire de rester chez nous, ça ne sert à rien. Ce virus ne peut rien contre autant de beauté, il est désarmé. Elle est pour moi connard, n’essaye même pas. Il est plus laid que moi, il n’a aucune chance. J’essaye de m’en convaincre en descendant dans le jardin qui sert de couloir.

Robin est matinal. Il descend vers onze heures. Je tente de lui parler sans trop de réussite. Son bol de céréales lui fait la gueule. Ce n’est pas le moment. Dix minutes plus tard, il s’évapore. Je ne sais même pas par où il est sorti. Sûrement un fantôme comme moi. Un point commun. Intéressant.

Éva est triste de savoir sa maman malade. Ces histoires de virus n’épargnent personne. Je tente de l’occuper tant bien que mal. On s’essaye aux devoirs, mais ce n’est pas mon fort. À la maison c’est mon ex-future-femme qui s’en chargeait. Je dois le confesser, je suis un piètre professeur. Au bout de trois quarts d’heure, nous rangeons les cahiers dans son petit cartable rempli jusqu’à la gueule. Les coloriages pour maman c’est vachement mieux. J’en profite pour envoyer un petit message à Hugo.

« Bonjour mon chéri. C'est papa. Ça va à la maison ? »

« Coucou papa je regarde vaulquin dead, j’en sui a la saison 5 bisou. »

« Bisous chéri. Amuse-toi bien. Je t’aime. »

« Moi aussi. »

Vers midi, Nora fait son apparition en jogging. Je lui demande si elle a bien rempli son attestation pour aller courir. Elle rigole, c’est bon signe.

- Fous-toi de moi.

- Moi ? Jamais.

Elle mange encore sans appétit, mais elle est contente d’être sortie de son lit. Je m’essaye à quelques blagues pour divertir l’assemblée. La soupe est plus apaisante que mes plaisanteries.

- Ça va toi ? me glisse-t-elle au moment de débarrasser.

- Ça va. Et ça va aller de mieux en mieux. On est là pour ça.

- Oui. On va dire ça comme ça.

Elle dit ça comme ça et elle remonte. J’ai du mal à interpréter et continue de ranger les assiettes dans le lave-vaisselle.

Dans l’après-midi, j'installe la table de ping-pong dans le jardin.

Éva échange quelques balles avec moi. Je suis plus souvent au raz des pâquerettes à chercher la balle que debout, mais elle semble apprécier d’avoir une raquette à la main. Ses rires et le bruit des balles sont arrivés aux oreilles de Robin. Il descend chercher une boîte de gâteaux et s’arrête à notre niveau. Je lui propose de jouer quelques balles.

Il accepte presque malgré lui. Sa sœur vient s’immiscer dans notre partie, il ne lui en tient pas rigueur. Je les laisse à leur complicité et me concentre sur le ramassage de balles. Il y a de quoi faire. Pour le foot, ce sera pour plus tard, il a encore quelques devoirs à terminer.

Avec Éva nous descendons à la plage. Cette fois, nous n’avons pas mis de chaussettes. Hélas il y a un peu de monde sur le sable. Nous rebroussons chemin. Elle est triste. Je lui explique qu’il ne faut pas être en contact avec d’autres gens. Le monde joue à cache-cache.

À notre retour, Nora est dans le salon. Elle tousse encore, mais la fièvre a presque disparu.

- Mais c’est quoi cette grippette de merde !

Je rigole en attendant mon tour. Je n’en mène pas large en vérité et en même temps je suis soulagé de la voir en bas en train de travailler.

Tout le monde n’est pas égal face à cette saloperie. Et est-ce vraiment ce virus qui a frappé à sa porte ? Nul ne le sait.

Le soleil sur la terrasse n’est pas très fort, mais la lumière en contre-jour m’empêche de voir clairement son visage. Il y a toujours un peu d’ombre dans ses yeux. Pour y apercevoir la lumière, il faut être patient. J’ai tout mon temps.

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