Chapitre 23 - Vendredi 3 avril

2 minutes de lecture

La chambre noire

J’étais enfant.

L’âge où le noir vous terrorise. Je ne sais plus exactement. Trois, quatre ans. Ma sœur n’est pas encore née ou bien elle dort dans un couffin dans la chambre de mes parents.

Je suis seul dans cette piaule. Les volets sont fermés et la lune, astre infidèle, s’est barrée. Ici, la ville n’existe pas. Elle ne peut rien pour vous, pas d’éclairages publics, pas de phares, pas de lumières amicales. Aucun bruit non plus. Un silence assourdissant qui siffle dans vos oreilles. Cette maison qui résonne tant est vide de gens. Où sont-ils passés ? Nous ne sommes sûrement pas en été. Pâques, février, la Toussaint ? Des vacances sans rire et des terrasses fermées aux quatre vents. J’ignore où sont mes sœurs et mon frère ne dort pas à côté de moi.

Je ne sais plus si j’ai froid, mais je tremble, calfeutré dans ces couvertures vertes et chétives. Il doit y avoir quelques fantômes facétieux qui se rient de moi. Je ne fais pas encore partie de leur congrégation. J’ignore alors tout de ces êtres transparents. Je ne sais pas que les fantômes ne vous veulent pas de mal. Ils sont chez eux autant que vous. C’est tout.

Bref, j’ai trois, quatre ans et me voici coincé au milieu des ténèbres, je suis terrorisé. Bien sûr, je pourrais crier, appeler à l’aide, mais ce genre de choses ne se fait pas ici. La peur, le noir, l’amour, toutes ces petites choses sans importances, on les garde pour soi, dans sa chambre aux volets de bois.

J’ai sûrement réussi à m’endormir. Pensez, depuis tout ce temps ! Mais je n’aime pas cette chambre. À croire que le noir n’en est vraiment jamais sorti.

Et puis c’est aussi la chambre où nous étions elle et moi. Lucas dormant à nos pieds dans ce petit lit ridicule, Manon prendra sa place puis ce sera au tour de Clément et Hugo. Trop de monde pour se toucher, mais bien assez pour l’aimer.

Trop de souvenirs pour rester, je sors écrire ces quelques mots dans la cuisine. J’attends que mon toubib et son infirmière descendent. Leur simple arrivée me guérit de ce réveil maussade. La suite de la journée ressemble aux jours précédents. Je m’accroche à ces moments de bonheur. Un jour ou l’autre, il faudra bien que cesse la douceur de l’exil.

Annotations

Vous aimez lire Gabriel Benavente ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0