La Mygale ayant tissé

Toute la journée,

Se trouva de fil dépourvu

Quand le soir fut venu :

Plus un seul petit morceau

De bobine ou d'écheveau.

Elle alla - avec de la margarine -

Chez la Souris sa cousine,

Lui demandant de lui troquer

Quelques pelotes pour achever

Sa somptueuse robe en dentelle.

" Je te le revaudrai, lui dit-elle,

Avant la fin du Festival

De Haute Couture International. "

La Souris n'est pas troqueuse :

Ce n'est point là nouveau.

" Que faisais-tu au moment des prix de gros ?

Dit-elle à cette enquiquineuse.

- Nuit et jour, passionnément,

Je tissais, ne t'en déplaise !

- Tu tissais ? tu es balaise

Eh bien ! détisse à présent.

Ou rends-toi, dare-dare, à Fildart

Afin de terminer ton œuvre d'art. "

Phobique du métro,

Pour l'infortunée couseuse, c'en était trop.

Son faux beurre sur le dos, elle retourna dans sa demeure

Puis alluma son ordinateur.

Sur la toile, elle consulta Fils en folie,

Son site favori.

Celui-ci était en maintenance.

Ce n'était vraiment pas de chance.

Si bien que le jour des résultats,

Quand arrivèrent Christian Pointdecroix -

Président du concours -

Ainsi que les plus illustres couturiers des alentours,

Elle fut disqualifiée

Pour ouvrage incomplet.

Furieuse, la Mygale ne cria point au scandal,

Mais disposa en spirale,

Tout autour du charmant logis

De sa cousine et non moins amie, la Souris,

Une kyrielle de petits bâtons

Que l'on manipulait avec précaution.

À l'heure du bal,

Au milieu de l'euphorie générale,

S'éleva soudain dans les airs

Une maison sortie de terre.

Dans son sillon,

Moult marchandises et provisions

Éclatèrent dans un sonore tourbillon.

Quelle façon originale

De clôturer un si élégant festival !

S'exclama la foule ébahie

Qui n'avait rien vu de plus joli.

Dans les chaumières, on en parle encore.

La Souris, elle, ne le fait désormais que du dehors.