Les Jardiniers

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 Il existe trois grandes catégories de jardiniers.

La première rassemble tous ceux qui, de bon matin, se précipitent dans leur jardin. Même par grand vent, pluie ou soleil écrasant, ils passent la journée à creuser, piocher, bêcher, gratter, herser, biner, rouler, ratisser. Le dos courbé. Les mains usées. Aucune herbe indésirable n'échappe à leur vigilance irréprochable. Au sein de leur propriété, tout est toujours à cordeau tiré et savamment orchestré. Pas une graine de trop n'est plantée. Pas un haricot n'est récolté avant maturité. Chaque jour, ces orfèvres-botanistes consultent almanachs, calendriers, Saints à la manière des anciens. Dignes héritiers des Le Nôtre, Dupuis ou de La Quintinie, ils ne ménagent jamais leurs efforts. Parterres floraux, vergers et potagers renferment à leurs yeux d'infinis trésors.

La seconde catégorie regroupe les jardiniers à temps partiel, appelés aussi jardiniers occasionnels. Ils cultivent et entretiennent leur parcelle sans faire d'elle leur essentiel. En fonction de la météorologie, elle occupe une place dans leur emploi du temps au même titre que tâches ménagères, sport, cinéma, restaurant. Ces horticulteurs du dimanche matin font pousser sur leur terrain fleurs, fruits et légumes, plus ou moins exotiques, de façon anarchique. Chez eux, tous les végétaux cohabitent sans séparations strictes. Qu'importe enchevêtrements ou sillons déviants pour ces expérimentateurs-amateurs qui plantent ou sèment, quand bon leur semble, au petit bonheur. La Lune peut rester couchée. Inutile de la déranger. Les mauvaises herbes viennent parfois chatouiller leurs mollets. Cela ne les empêche pas pour autant ni de dormir ni de voyager puisque leur vie ne tourne pas autour de leur potager.

La dernière espèce est composée d'utopistes de la demi-journée. Tous les ans, au printemps, ils surgissent massivement. Portant chapeaux, tenues kaki et bottes assorties, ils donnent l'impression de partir en guerre contre les terrifiantes mottes de terre. Outil sur l'épaule ou à la ceinture, ils le saisissent - sans sourciller, prêts à frapper -, en faisant fi parfois de son réel mode d'emploi. Au bout de quelques minutes, ces militaires de pommes de terre se mettent à souffler et respirer plus bruyamment que des buffles en colère. En face d'eux, l'ennemi est coriace. Solidement ancré, il refuse de se laisser déloger. Pissenlits, liseron, orties, chiendents donnent du fil à retordre à ces néo-soldats du croc et du sécateur qui préfèrent rendre les armes plutôt que de poursuivre le combat, à la moindre défaillance de leur motoculteur. Mais l'année suivante, dès le retour des beaux jours, leurs manœuvres recommencent. Encore plus déterminés, ces guerriers des potagers apparaissent en arborant de nouveaux équipements avec l'espoir qu'il leur suffira cette fois de jeter six graines à la volée pour voir aussitôt s'élever un haricot magique en plein milieu de leur friche.

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