Le temps de la vengeance

3 minutes de lecture

Aélig n’oubliera jamais ce jour tragique où il vit la cité peu à peu s’effondrer. Des bruits sourds l’avaient réveillé en sursaut. C’était une matinée froide de fin d’été, au mois de septembre.

Il était engourdi par la faible température, ses pensées divaguaient encore et toujours. Il réfléchissait à ce que pourrait faire l’homme pour s’améliorer, quand des craquements sinistres retentirent.

Des oiseaux juchés sur les tours de la ville d’Ys prirent leur envol en poussant des cris effrayants.

Les premières exclamations se firent entendre : des hommes et des femmes pris au piège dans leur maison, ensevelis sous les pans de murs qui s’étaient écroulés sur eux en quelques secondes.

Des volutes de fumée s’élevèrent dans le ciel, des granges avaient pris feu. Des bêlements affolés résonnèrent en écho. Une cavalcade bruyante parcourut les ruelles de la ville, des bêtes se jetèrent à l’eau, désespérées.

Certains habitants se trouvaient déjà en bas du village, un baluchon sur l’épaule, un enfant dans chaque main, et cherchaient à fuir par la mer.

Des pêcheurs, déjà prêts pour la pêche, sur leur embarcation, à cette heure matinale, voguèrent vers le bord, mais la foule désordonnée les prit d’assaut.

Celles-ci se renversèrent, ne laissant aucun espoir aux ysiens, dont la plupart ne savaient pas nager.

Des cadavres flottèrent bientôt sur la mer. Les vagues recouvraient les premières habitations effritées.

Des mères cherchaient leurs enfants :

— Claris !!! Blaysir ! Où êtes-vous ?

Des maris s’enquéraient de leur mie :

— Ma chérie, ma douce, réponds-moi !

Des femmes haranguaient leur époux :

— Tibert, je suis blessée, fais quelque chose !

Tout n’était que chaos et tristesse.

Les bâtiments disparurent au fur et à mesure dans la mer. Les belles maisons à l’architecture soignée furent transformées en un tas de cailloux. La place de la mairie disparut sous les gravats. Les colonnes érigées devant le château s’abattirent sur les villageois ébahis.

En fin de soirée, il ne restait que des débris, des gens hagards, des orphelins. On entendait les lamentations, des pleurs sans discontinuer.

Aucun bateau n’avait pu sauver les sinistrés.

Certains furent même happés par la mer ou ensevelis sous un mur branlant. Il n’y avait plus aucune échappatoire possible.

La dernière tour, celle qui avait été construite en dernier, tel un totem obscène, demeurait droite, dernier orgueil d’une cité disparue.

D’ailleurs, la reine s’y trouvait toujours. Depuis le matin, elle regardait avec effroi ce qui se passait sous ses yeux sans faire un geste. Son visage grave et ses yeux cernés prenaient la mesure de l’ampleur des dégâts.

La solitude de ce moment l’accablait, l’impuissance la rendait inutile.

Ce soir-là, la lune était parfaitement ronde et pleine. Par bonheur, Katell, à minuit, put s’échapper après sa transformation en elfe.

Depuis le ciel, ses yeux tristes observaient la ville dévastée.

Plus aucun bruit ne s’échappait de la cité détruite.

Soudain un mouvement d’aspiration tira vers les profondeurs ce qui restait d’Ys, la ville la plus luxueuse, la plus enviée de Bretagne, autrefois considérée comme le fleuron de l’économie de la région.

Le seul survivant de cette tragédie était Aélig.

À la fois observateur muet et témoin privilégié, il portait sur sa maigre carcasse tout le poids de ce désastre qui aurait pu être évité. Il n’eut de cesse toute sa vie d’écrire à ce sujet, dessinant, devisant sur les splendeurs qu’il avait connues et que personne ne pourrait plus décrire. Sauf lui.

Il savait depuis toujours qui était la responsable et comptait bien venger les habitants innocents, les quarante mille âmes en perdition auxquelles elle n’avait porté aucun secours.

Il avait vu l’elfe Katell se rendre dans la forêt, il l’avait suivie et prenait son temps pour organiser ses représailles.

Les elfes commençaient à avoir peur.

Il aimait ça. Une tempête avait tout dévasté dans leur camp, mais cela ne s’arrêterait pas là.

Ce n’était que le premier avertissement. Demain, il ira enlever l’une d’entre elles, la gardera en otage jusqu’à ce que la véritable elfe alias Katell se rende et puisse recevoir son châtiment.

Annotations

Vous aimez lire cornelie ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0