La fin des ennuis

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Au fur et à mesure des heures, son inquiétude grandissait. Le moment de défaire le sort approchait, mais elle n'était pas sereine pour autant. Le mage était encore là, avec sa menace de vengeance qui planait au-dessus d'elle. La nuit venue, sa curiosité étant la plus forte, elle se mit à l'espionner et se promit de le suivre pour savoir ce qu'il allait faire. Il était là, dans sa grotte, à genoux devant une écuelle en bois remplie d'un liquide verdâtre. Il était comme en transe. Il psalmodiait des phrases incompréhensibles. Ses yeux fous lançait des éclairs. On aurait dit qu'il avait perdu la raison.

À côté de lui se trouvaient une corde et une toile de jute qu'il avait préparés en vue de son funeste dessein. Pour Anaé, il était évident que ses ennuis n'étaient pas finis. Elle devait trouver le moyen de le faire disparaître pour que même après que le sort soit enlevé, la vie des elfes s'écoule paisiblement sans crainte de quelconques représailles. Comme elle était de caractère pacifique, elle ne voyait pas trop comment elle s'y prendrait.

Cachée derrière un gros rocher, elle observait toujours ses faits et gestes, lorsqu'un énorme bruit se fit entendre. La terre trembla soudain. Elle dut s'accrocher fermement aux aspérités de la paroi contre laquelle elle se blottissait. Du haut de la montagne, face à elle, de gros blocs de roches dévalaient la pente et déboulaient en masse au-dessus de l'antre du vieil homme. Cet impressionnant amas de cailloux s'abattit juste devant la grotte.

Le mage émit un hurlement de frayeur, mais il ne put s'échapper à temps de sa prison de pierre. Tous les rochers avaient bouché l'entrée de façon définitive, semblait-il. Elle resta longtemps à l'observer à la lueur de la lune. Elle éclairait cet endroit où il avait vécu pendant des siècles et où il avait été témoin des fastes de la ville d'Ys. Il emportait avec lui tous ses secrets.

Quelqu'un ou quelque chose l'avait aidée à mettre un point final à toute cette histoire. Elle était heureuse qu'il en soit ainsi. Elle n'avait pas eu besoin d'interférer pour que les menaces cessent. Quelquefois la magie aide les hommes, et bien qu'elle n'est pas croyante, à ce moment-là, elle avait eu tendance à croire en une intervention divine. Était-ce ses prières qui avaient été entendues ? Elle partit enfin plutôt rassurée et prête à s'engager dans sa nouvelle vie d'elfe.

La nuit suivante, elle se rendit dans un coin secret connu d'elle seule, où le clapotis de l'eau et le chant des oiseaux lui apportaient la sérénité à chaque fois qu'elle s'y rendait. Munie de ses feuilles de laurier, elle attendit minuit puis frotta ses mains sur la plante et les présenta à la lune qui ce soir-là était énorme et scintillante. À genoux, les mains tendues vers l'astre dans une attitude respectueuse, elle attendit quelques minutes pour voir si quelque chose allait se produire.

Soudain, un mal de crâne terrible l'obligea à fermer les yeux, elle s'évanouit. À son réveil, la nuit était toujours impénétrable. Pourtant, son corps n'était plus celui d'une chouette effraie. La transformation irréversible avait eu lieu. Elle sentit que son dos était douloureux. Elle le tâta, vit une goutte de sang sur sa main. Elle se souvint de sa lutte avec la fouine. C'est alors qu'elle découvrit deux magnifiques ailes scintillantes et soyeuses accrochées derrière sa robe. Elle ressemblait enfin à ses soeurs. Deux larmes de joie coulèrent sur ses joues. Elle se demandait comment elle allait leur expliquer ce qui avait permis ce petit miracle.

Comme elle lisait beaucoup, il lui suffirait de leur dire qu'elle avait trouvé une formule magique dans un livre et qu'elle avait voulu essayer en cachette. Ses soeurs et ses parents seraient tellement heureux qu'ils ne demanderaient pas plus d'explications, elle en était sûre.

Épuisée par toutes ces émotions, elle se dirigea courageusement vers le domaine où vivaient les elfes, et malgré la fatigue accumulée cette nuit-là, prit le temps de se soigner avec des onguents et des cataplasmes de feuilles d'arnica.

Elle ne voulait pas éveiller les soupçons de ses parents ou de ses soeurs. Elle avait résolu seule ou presque le problème qui menaçait sa famille, et elle en était plutôt fière. Plus jamais, les elfes n'auraient à rendre de comptes, la personne maléfique qui les harcelait avait disparu à jamais, pour le bien-être de tous. Elle reprit ses occupations habituelles d'un air insouciant, sans jamais faire paraître ce qui, ces derniers-jous, l'avait tant affectée. Elle serait pour toujours celle qui défendrait sa famille contre leurs ennemis, si jamais il y en avait encore.

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