Une quête

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 Matilda et Nashoba étaient parvenus à un accord. C’est ainsi, du moins, qu’ils le présentèrent : le peyotl sacré des Chactas, en échange d’un service que seule la rouquine pouvait leur rendre.

— Talako n’acceptera jamais, objecta Hattak. Il ne voudra pas qu’une Blanche touche à notre magie.

 Mais son compagnon posa une main ferme et rugueuse sur son épaule, avec une expression de profondeur que Jessie ignorait possible chez ces guerriers sauvages.

— Nous allons devoir le convaincre, mon ami. Pense à ta femme et à ton fils. Leur sécurité passe avant notre orgueil.

 La brune avait pourtant partagé la réticence de son « protecteur » ; ses sourcils s’étaient froncés d’eux-mêmes lorsqu’elle avait écouté les deux époux énoncer leur marché. Elle était visiblement la seule à trouver l’idée déplorable.

— Vous ne vous rendez donc pas compte du danger ? Matilda n’est pas invincible, comment est-elle censée vaincre un groupe de six trappeurs à elle seule ?

 Cette dernière, un poing sur sa hanche désaxée, la brise du soir faisant danser les rebords de son chapeau sur sa crinière, s’enhardit alors :

— Six gamins. Je suis sûre que même toi, tu pourrais en abattre un et les autres fuiraient comme des oies.

— Pourquoi les Chactas, puisqu’ils sont si valeureux, ne sont-ils pas ceux qui s’occupent des intrus sur leur territoire ?

 Cette fois, ce fut au tour de Nashoba d’intervenir. Sa voix était un tambour tranquille, emprunt d’une gravité sincère, sans animosité ni la moindre arrogance, en contraste total avec celle de son épouse.

— Je comprends ton inquiétude, convint-il. Toutefois, des Rouges qui viennent effrayer des Blancs, armés et montés sur leurs chevaux, ça ne peut mener qu’à un désastre. Votre peuple est vindicatif : il suffirait qu’une mauvaise rumeur se répande, que les jeunes prétendent que nous les aurions agressé, et la paix de notre village serait piétinée en un instant par vos marshals.

 Jessie grinçait des dents, sa mâchoire crispée faisant apparaître les muscles autour de son menton d’ordinaire délicat. Elle ne pouvait nier les arguments du chasseur, malheureusement.

— Matilda est la seule capable de les arrêter avant qu’un accident n’arrive. Ces petits malins errent autour du village et nous privent de nos proies depuis de trop longues journées, la tension monte aussi dans nos rangs.

— Trêves de compliments, coupa l’intéressée. Je veux votre cactus, rien de plus. Si je dois me farcir six maraudeurs pour cela, il n’y a rien d’autre à ajouter.

 Au grand dam de la prostituée, les deux indiens acquiescèrent.

— Nous allons convaincre le chaman, convint Nashoba. Vous pourrez dormir au village pour cette nuit, et vous mettre à leur recherche dès demain.

 Puis, avant de partir, il ajouta à l’intention de Jessie :

— J'ignore dans quoi vous vous êtes embarquées, toutes les deux... Mais je dois protéger mon village. Même si ça ne te plaît pas, tu me comprends : c'est la même raison qui te pousse à protéger mon épouse.

 La lune était déjà levée sur les montagnes Wichita, et le chasseur n’était plus qu’une silhouette à peine discernable dans la pénombre. Au loin, une chaleur orangée luisait du tipi du chaman, comme s’il savait là-bas que l’inévitable était en route vers sa porte.

 Lorsque Jessie se retourna, Matilda avait déjà commencé de s’éloigner dans la direction opposée. Allait-elle mourir en cherchant à retrouver l'homme qui devait la tuer ? Était-il vraiment possible pour quiconque de la protéger ?

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