Colère III

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Estelle étendait ses vêtements sur le lit. Elle disposait en ordre un ensemble de sous-vêtements chics acheté pour son mariage. Elle était bien loin, cette belle époque, où les soucis de l’entrepreunariat ne l’obsédaient pas encore. Aujourd’hui, elle pense continuellement devis, factures, cotisations sociales… Tout cet attirail administratif l'étouffait et avait créé en elle une tension continue qui annihilait son plaisir et son désir.

Elle sentait cette tension, cette violence latente, dans son couple et à chaque rapport. Elle avait besoin de se défouler et Ludovic en faisait souvent les frais.

Elle avait conscience de cette violence, de cette tension entre eux et voulait se rattraper, se faire pardonner. L'incident de la veille avait été la goutte d'eau de trop. Elle le voyait s'éloigner lentement, mais sûrement. Elle avait un plan de reconquête, et l’ensemble en dentelle était un de ses outils. Elle se dénuda et se para de ses atours. Elle enfila le string. Le tissu, qui ne couvrait que très peu de son intimité, était translucide et épousait ses lèvres ouvertes comme une seconde peau. Elle passa le bustier autour de sa taille et l'agrafa. Son corps n’avait pas changé depuis ses noces, hormis sa poitrine qui maintenant pigeonnait au-dessus d’arabesques de dentelle et dessinait deux globes généreux. Enfin, elle enfila ses bas et fixa les jarretières aux lanières du bustier. Ainsi parée, elle se couvra d’un simple kimono de soie qui laissait nues ses jambes jusqu’à mi-cuisse.

Estelle inspecta la cave et en sortit une bouteille de vin qu’elle mit à décanter. Ludovic ne tarderait pas à rentrer. Elle mit un fond de jazz, s’installa sur le sofa et bouquina. Elle guettait tout signe d’arriver afin de l’accueillir dans une position lassive.

Déjà une demi-heure qu’il aurait dû rentrer. Estelle avait troqué son magazine pour son téléphone. Ses deux appels étaient restés sans réponse. Le stress la gagnait de nouveau. Elle imaginait mille scenarii, allant de la réunion imprévue à l’accident de voiture ou aux embouteillages. Toujours pas de réponse. Anxieuse, elle se décida à utiliser une application pirate, conçue par son frère informaticien, qui lui permettait de localiser un téléphone portable. Elle pianota à toute vitesse les dix chiffres du numéro de Ludovic et valida. “Ce n’est rien, ce n’est pas un manque de confiance, je veux juste m’assurer qu’il ne lui ait rien arrivé”, se rassura-t-elle. L’écran afficha une carte et un curseur apparut, localisant le téléphone de Ludovic. Il se situait à quelques kilomètres de son lieu de travail. Estelle connaissait cette adresse, elle se souvint d’avoir entendu Ludovic s’exclamer en passant devant “Tiens, mais c’est ici que vit ma boss !”. Estelle ne s’en était pas intéressé sur le moment, elle sentait son sang bouillir dans ses veines. Rouge de colère, elle enfila un imperméable, ses escarpins qui traînaient dans l'entrée, saisit son appareil photo et fila à sa voiture.

Elle roulait à toute vitesse sur les avenues, grillant au passage quelques feux rouges et faisant fi des limites de vitesse. Le curseur de son téléphone n’avait pas bougé d’un poil et pointait toujours sur sa destination. Elle ne tarda pas à arriver sur place et reconnut de suite la maison de maître qu’occupait sa responsable. Cachée dans son véhicule, elle pointa son objectif sur une des fenêtres éclairées qui donnait sur la rue. Aucun signe de vie ne paraissait par les baies éclairées. Elle décida de sortir et de s’approcher. La brise automnale se glissa sous son imperméable et caressa le haut de ses cuisses nues. “Merde, j’aurai pu mettre au moins un pantalon, je suis à moitié à poil là-dessous !”. Tout en tirant sur les pans du manteau, elle se faufila contre la façade et regardait furtivement par la vitre.

Un voilage brouillait sa vue, mais elle reconnaissait Ludovic, un verre de vin à la main, en train de discuter avec une femme aux longs cheveux auburns. Elle portait une jupe fendue jusqu'à mi-cuisse et son haut ne laissait que peu de place à l'imagination. Son dos lacé dévoilait une silhouette athlétique et dynamique. Ludovic souriait sans la quittait des yeux. L'entrevue n'avait clairement rien de professionnel. Estelle prenait tant bien que mal quelques clichés compromettant à travers la tenture. Elle jurait intérieurement "mais quel enfoiré, mais quel enfoiré ! Mais qu'est ce qu'il fout chez cette salope ?"

Alors qu'elle observait la scène au travers de son objectif, une main froide se plaqua sur ses fesses dénudées. Étouffant un cri, elle se tourna et se trouva nez à nez avec un homme, la cinquantaine, peu ragoûtant :

  • C'est mignon tout ça, c'est combien ?, se réjouissait-il.

Sans attendre, elle se saisit par la gorge et le plaqua au mur de brique. Serrant tant qu'elle le pouvait, elle lui murmura :

  • Prends moi encore pour une pute, touche moi ne serait-ce que d'un doigt, et je te fais bouffer ce qui te sert de couilles ! C'est clair ?

Le bougre peinait à respirer et acquiessait en silence. Elle relâcha la pression, laissait l'homme s'effondrer au sol, le souffle coupé. Elle la regarda s'éloigner à quatre pattes, la queue entre les jambes. "Je savais bien que ces cours de self-defense me serviraient un jour".

Réajustant son imperméable, elle retourna à son poste d'observation, et étouffa un cri d'horreur. Ludovic était affalé dans le sofa tandis que son hôte, à genoux au sol, lui dévorait l'entrejambe en se caressant. Les yeux dans les yeux, chacun semblait y prendre son plaisir.

Sans un mot, Estelle prit une rafale de photographies. Elle déclenchait à tout va, chaque pression sur le déclencheur était une frappe contre Ludovic. Elle bouillonnait, brûlait de colère envers lui, envers elle, envers ce pervers qui l'avait pelotée, envers cette relation qui ne menait à rien de solide. Elle vérifia rapidement ses prises de vues et rejoignit sa voiture. Il ne servait à rien de s'attarder, elle en avait vu assez.

Il était temps de rentrer. Il était temps de se venger.

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