17 - La Course des Vents (2/3)

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 Des sons de tambours mirent fin à la discussion plus vite qu'elle ne l'aurait cru. Le public se tut soudain, tandis qu'émergeaient de l'horizon une cinquantaine de dragons de toutes les couleurs. Entre les voiles de soie richement brodés des Héros, Yuling suivit du regard, subjuguée, les parures d'or et d'argent qui scintillaient. Elle n'avait jamais vu autant de dragons de sa vie. Ceux qui volaient sous ses yeux n'étaient pas seulement magnifiques ; il se dégageait de leurs mouvements une certaine grâce, une certaine assurance que seule l'expérience des années pouvait insuffler. Transportée, elle accompagna par la pensée leur danse sauvage tout en s'imaginant chevaucher les vents au milieu des répercussions des tambours.

 Des gerbes de feu s'élevèrent alors jusqu'au ciel et des milliers de pétales roses tourbillonnèrent dans les airs ; les dragons formèrent un cercle dont l'allure, rythmée par les roulements du bois sur les peaux, accélérait à chaque battement.

 – Des éphémères... murmura Ewa, émerveillée.

 – Ce sont des papillons ?

 – Non, des fleurs volantes...

 Impressionnée, Yuling observa le spectacle sans prononcer un mot de plus. Un guerrier lança alors un appel, auxquels plusieurs grondements sourds et profonds répondirent, puis, comme une seule voix, les guerriers reprirent en chœur et les dragons rugirent.

 Les tribunes entières se levèrent. Au milieu de la foule, des cris retentissaient, les spectateurs tapaient des pieds sur les planches tandis que les tambours continuaient à résonner dans la prairie. Poussé par l'engouement général, un premier dragon quitta le cercle et effectua une série de voltes. Ses ailes s'agitèrent, ses muscles se tendirent ; sur son dos, le Héros suivait chacun de ses mouvements avec aisance. Le couple s'envola, tournoya et dans un ultime instant de complicité avec le vent, atterrit dans un nuage de poussière.

 – Et voici la soixante-treizième édition de la Course des Vents qui commence, avec Tristan Kezaki qui vient d'atterrir sur son dragon. Il est rouge, il est magnifique et il vole superbement, applaudissez !

 Ewa se leva d'un coup, complètement excitée. La voix avait résonné de toute part, Yuling chercha d'où elle pouvait provenir avant de se tourner vers sa camarade pour lui poser la question. La jeune fille lui désigna alors un énorme dragon vert qui survolait la foule et qui venait de négocier un atterrissage réussi. Une jeune femme mit pied à terre tout en époussetant la poussière sur sa combinaison.

 – Bienvenue à tous et à toutes. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir les plus grands Héros de notre temps pour une Course sans pareille : ils viennent de notre royaume ou des royaumes voisins, ils servent les Huit au quotidien et ils sont aujourd'hui réunis pour se disputer le titre de vainqueur, accueillons-les comme il se doit !

 Une salve d'applaudissement retentit. D'un geste souple, la présentatrice sauta sur le dos de son dragon qui déploya ses ailes gigantesques pour regagner les airs. A peine se fut-elle envolée que les Héros chevauchant au dessus de leur tête se dispersèrent, laissant apparaitre dans leurs sillages des gerbes d'étincelles.

 Un second dragon, noir cette fois-ci, atterrit sans prévenir à côté du premier. Son allure était beaucoup moins gracieuse ; ses mouvements brusques et sa taille imposante arrachèrent à Yuling un frisson.

 – Et voici Kervar et son célèbre Héros Pactor Versa ! Un candidat qui n'est pas à prendre à la légère, et déjà une victoire en titre ! Oh, mais on dirait que le dragon de Tristan est impatient, lança la jeune femme qui s'était positionnée au-dessus d'eux. Et voici que nous arrive un troisième Héros, inconnu au bataillon, mais je crois bien qu'il nous vient de Zelenia, et un quatrième ! Serait-ce Indi Gador ? se questionna-t-elle en les voyant gagner le sol. Ce n'est pas la première fois que je vois ce dragon bleu, il s'était bien classé aux Jeux de Calestra, il y a quatre ans. Mais ce violet semble tout jeune, et je crois bien que c'est la première fois qu'il participe à un évènement de cette envergure... En tout cas il est magnifique !

 La jeune femme se pencha pour observer les derniers dragons qui venaient d'atterrir.

 – Je crois que ce sont les apprentis de la Dragonnerie qui vont être contents, enchaina la présentatrice, car on dirait bien que cette année Argy Torrish a décidé de participer ! Le voilà qui nous rejoint sur Adiméar, son dragon rouge, avec sa classe habituelle !

 Curieuse, Yuling se pencha pour apercevoir entre les têtes le dragon qui venait d'atterrir. Il devait bien faire la taille du noir qui s'était distingué une minute plus tôt, même s'il semblait plus serein par de nombreux aspects ; il resta tranquille tandis que le Maître de la Dragonnerie descendit. Attentif, il lui prêta même son aile pour que ce dernier puisse y prendre appui. A la différence des premiers, il semblait moins nerveux et beaucoup plus conciliant. Yuling en fut agréablement surprise.

 D'autres dragons atterrirent par la suite ; des gris, des bronzes, des noirs et des rouges. Plus rarement des bleus et des verts, qui présentaient alors une morphologie beaucoup plus fine que leurs semblables, et une ou deux fois des violets qui lui rappelaient son dragonneau et leur avenir manqué. Quand arriva le dernier dragon, une véritable ovation s'éleva du public. Il était noir, plutôt petit en comparaison des autres spécimens de son espèce, et le Héros qui le chevauchait était une femme.

 – Rine Sune ! lâcha Ewa qui ne tenait pas en place. Je rêvais de la voir en vrai, regarde, n'est-elle pas magnifique ?

 Complètement excitée, sa camarade frappa dans ses mains tandis que le nom de « Rine Sune » résonnait en chœur dans les tribunes. Lorsque la jeune femme posa pied à terre, des fusées enflammées s'envolèrent pour exploser dans le ciel, créant sur leurs passages des gerbes d'étincelles.

 – Enfin voici notre championne en titre qui nous vient tout droit d'Omont, Rine Sune ! Elle est charmante, sa dragonne aussi, un tonnerre d'applaudissements pour nos favorites !

 Rine salua la foule qui explosa de joie. Surprise, Yuling remarqua que la jeune femme ne correspondait pas à l'image qu'elle s'en était faite. Elle détailla sa combinaison de cuir rouge qui moulait ses formes parfaites ; des gouttes de cristaux bleus et dorés parsemaient ses cheveux qui, plutôt que de retomber sur ses épaules, se voyaient accueillis par son généreux décolleté. Mais irrésistiblement attiré, son regard finit par se poser sur les gigantesques cils au bout desquels étaient suspendues ces mêmes larme de pluie, comme des perles de rosée. Un sourire réservé naquit sur les lèvres de la jeune femme, que des joues rosies de sincérité vinrent étirer : cette femme était magnifique.  

 – Voici donc nos concurrents tous réunis pour cette soixante-treizième édition, lança la présentatrice qui survolait les candidats. Nos partenaires pour la course se sont positionnés aux endroits-clés du parcours et toutes les informations vous seront retransmises en directe. Nous observons maintenant nos Héros se préparer pour le grand départ : ils regagnent le dos de leur monture...

 Curieusement, les dragons se rassemblèrent derrière une ligne imaginaire que Yuling tenta d'apercevoir en se penchant.

 – Et ils sont fins prêts à décoller. Kervar semble impatient, on le croirait prêt à dévorer ses congénères, c'est qu'il est magnifique, regardez-moi ces ailes ! Avec une telle envergure, il devrait rapidement voler en tête. Ah, mais que vois-je ? Evola nous semble étrangement calme... Mais Rine a l'air aussi détendue, on en attendait pas moins d'un Héros de sa trempe !

 A l'annonce du départ proche, le public commença à s'agiter.

 – Tu ne trouves pas que la dragonne de Rine a l'air un peu petite ? fit remarquer Yuling.

 Ewa hocha la tête :

 – La dernière fois, Pactor Versa n'a pas participé. Je n'aimerais pas me retrouver face à lui, regarde...

 Sa camarade lui désigna du menton l'énorme dragon noir qui ne tenait plus en place. Il devait presque faire le double de la dragonne de Rine. Yuling ravala sa salive, son cœur battait à tout rompre.

 – Ils sont tous en ligne et attendent le départ, reprit la présentatrice. Plus que quelques secondes avant le décollage. Dix ! Tristan ressert ses mollets, il a raison, il va falloir s'accrocher ! Adiméar montre des signes d'impatience. Quatre ! Trois ! Deux ! Un ! Et c'est parti pour la soixante-treizième édition de la Course des Vents !

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