La Loi de l'Homme Libre

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Cette profession idéale, il me fallut la conquérir. Et ce ne fut pas simple. Non pas qu’elle me parût plus difficile qu’une autre mais, pisté par toutes les polices du monde qui se demandaient où j’avais porté mes pas sans prévenir personne, j’avais dû plonger dans un anonymat que peu de gens semblaient disposés à m’accorder.
Souvent, j’ai senti le souffle chaud de quelques poursuivants s’approcher de moi. Au point, parfois, de me faire craindre quelque nouvel apprentissage bitumeux, comme naguère.
Heureusement pour moi, quelques années de misère absolue avaient profondément changé mes traits, ma silhouette et jusqu’à ma démarche.
Pourtant, j’avais atteint le Paradis. Mon Paradis.
J’exerçais mon nouveau métier, auquel je m’adonnais avec une frénésie jamais démentie, à l’insu de tous.
Écrivain.
J’étais devenu écrivain.
Et pour écrire, j’écrivais !
Quelle joie que de le faire sans que personne ne fusse jamais dans la confidence !
J’écrivais tout le temps : le jour, la nuit, dans la rue, souvent dans les égouts, voire dans les déchetteries que personne  n’approchait jamais. Il me suffisait de prendre un morceau de bois noirci aux flammes des branches que je collectais le jour pour m’assurer un peu de chaleur la nuit venue et de quelques feuilles de journal pour écrire.
Dieu, quel bonheur !
Et je n’avais plus que des amis autour de moi !
Certes, tous morts depuis longtemps, pour la plupart.
Shakespeare, Byron, Scott, Homère, Voltaire, Balzac, Zola, Hugo et tous ces autres Géants de l’Ecrit…
Souvent, alors que je tremblais de froid, penché sur mes feuilles noircies de romans incroyables, je sentais leur mânes  autour de moi. Ils me souriaient avec bienveillance, s’approchant au plus près, comme pour tenter de repousser les mauvais vents froids qui se glissaient sous mes hardes repoussantes. Je savais qu’ils m’inspiraient de leur plume et de leur imagination sans limite. Et j’écrivais, j’écrivais !
Sans eux, il est possible que j’aurais fini par abandonner mes efforts pour mener à terme toutes ces aventures imaginaires, tous ces récits palpitants qui me valent aujourd’hui la reconnaissance de ceux qui, hier, me vouaient aux pires sévices. Certes, personne ne connaît cet Auteur qui, plus que tous les autres, produit des romans que personnes ne pensaient jamais lire un jour.
Et c’est uniquement grâce à cet anonymat que je peux aujourd’hui m’adresser à vous, pour le simple plaisir de le faire, bien conscient que les Forts, les Belles et les Riches ne peuvent plus rien contre moi.
Ceux-là ne peuvent plus rien contre moi parce que, moi, j’ai rejoint le Clan de ceux qui n’obéissent qu’à la Quatrième Loi du monde.
La Loi de l’Homme Libre.
Celle qui libère l’esprit et le corps de l’Envie, de la Réussite, de l’Ambition et de toutes ces sous-lois qui emprisonnent les pensées pour en faire des tourments qui détruisent le monde, bien plus qu’elles ne luttent pour son progrès. J’ai rejoint la douce compagnie de ces êtres qui, incapables eux aussi de s’adapter à un monde cruel et vain, ont choisi de forger des univers pareils à nuls autres, de dessiner des silhouettes qui n’existent que dans leur esprit virevoltant, d’agir au delà de frontières qu’eux seuls savent franchir pour mieux en revenir. Je suis à présent de ceux qui peinent avec bonheur sur l’élaboration volubile d’histoires uniquement destinées à charmer quelques regards curieux de se soustraire à des cieux toujours trop gris et tristes. Avec eux, j’avance sur des terres inconnues, accompagné toujours par la mémoire de nos prédécesseurs qui ouvrirent pour nous des pistes qu’ils n’eurent pas le temps de mener à leur terme, nous chargeant avec douceur de prolonger leur effort pour le plus grand bien d’une Humanité qui, sans nous, dépérirait de désespoir de se comprendre réduite à vivre pour seulement mourir un jour sans avoir rien osé.
Ici et ailleurs, pas besoin de mathématiques quantiques, foin de physique nucléaire. Pas besoin non plus de richesses immenses, de Pouvoirs Absolus, de Beauté divine.
Juste un brin d’imagination suffit.
Voici un nouvel “Esprit des Lois” que tout Auteur se devrait de respecter, d’honorer et d’agrandir en toute occasion et uniquement pour le seul plaisir de plaire à celui qui le lira peut-être.


                                                                 



                                                                 FIN.




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