Lettre de C.P à C.P

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Je me présente. Je suis C.P, le père de M.P, bien qu'elle ne me considère pas comme tel. J'ai fait tant d'erreurs et j'ai encore le culot de croire qu'écrire cette lettre arrangera les choses. J'en ai écrit des dizaine à M.P pour m'excuser mais elle ne m'a pas pardonné. Elle ne le fera sans doute jamais, et elle a bien raison. Alors, je m'écris cette lettre, pour essayer de me pardonner. Je m'adresse à toi, le C.P d'il y a dix ans, en espérant vainement que tu seras meilleur que moi.

Le divorce a été prononcé il y a quelques mois. Et ça va bientôt faire un an que tu es parti. Définitivement. Tu ne bats plus ta femme S.P, ex-femme dorénavant. Mais tu la menaces toujours. Au moment où tu liras cette lettre, le mal sera déjà fait. J'ai envie de te dire de limiter la casse, mais tu es si imbu de toi que cela me semble difficile. Quand tu auras mon âge, tu regretteras tout ça.

Dans quelques années, tu auras une autre petite fille. Innocente. Elle remplacera celle que tu avais déjà mais que tu as perdue à tout jamais. Et tu en es le seul à blâmer. M.P ne te dira jamais directement à quel point elle souffre de ça mais, au fond de toi, tu le sais. Tu le sais aussi bien que moi. Une frimousse blonde se dressera désormais devant toi chaque jour. Avec, en filigrane, le visage de cette petite fille brune que tu as abandonnée un soir, dans le couloir de ton ancienne maison. Une petite fille brune si douce que tu rends peu à peu désenchantée et brisée. Les larmes aux yeux. Elle avait les larmes aux yeux. Tu comprendras plus tard que tu l'as perdue à ce moment précis. Il y a aussi son frère, ce petit garçon au regard humide que tu engueules injustement. Ce portrait de toi. Portrait craché. Pourtant, tu lui cracheras plusieurs fois au visage en faisant passer les autres avant lui.

Tu répèteras le même schéma, toi qui prétendais n'avoir jamais accepté la violence et le remariage de notre propre père adultère. Si tu suis mes pas (je t'en prie, ne le fais pas), tu feras encore et encore subir tout ça à tes petits. Ne fais pas comme moi.

N'attends pas dix ans avant de te rendre compte que c'est toi le gros con dans cette histoire. Elle, laisse-la vivre sa vie. Elle n'a pas besoin de toi. Elle te le prouvera plus d'une fois. Brillamment, même. Si brillamment que tu voudras faire partie de sa vie car les regrets te rongent. Me rongent. Lui, en revanche, ton fils unique... Joue ton rôle de père envers lui. Il a besoin de toi. Il n'est pas comme M.P. Il ne confie pas ses sentiments, pourtant il souffre énormément. Plus que sa soeur, sans doute. Sois attentif à l'océan dans ses yeux, prêt à déborder, quand il essaiera de trouver sa place parmi les garçons de tes copines successives. Il aura mal de ne pas avoir son papa rien qu'à lui. Un ''papa'' plus attentif aux besoins des autres.

Tu vivras un deuxième divorce. Fini les blondes. Tu essayeras de retrouver S.P en d'autres conquêtes qui lui ressembleront. Mais, laisse-moi te dire qu'on ne peut pas récupérer ce qu'on a détruit de nos propres mains. Tu le sais, pourtant. Mais tu es têtu. L'histoire se répète. Elle finit toujours mal. Tu ne retiens pas la leçon. Si tu ne te réveilles pas maintenant, tu finiras comme moi. Rongé par le propre poison que je suis. Assis à regarder les photos de M.P et de son frère bébés, à te demander comment tu as pu être assez bête pour avoir gâché tout ça. Avoir piétiné ces cadeaux. Ces cadeaux que tu n'as pas su chérir.

C.P. Tiens, ça fait ''Cours Préparatoire''. Ah ! Tu aurais dû être dans cette classe, pour apprendre à être un père. Nous n'avons été que des gamins. Aveugles. Je sais que toi et moi sommes conscients des pleurs que nous causons. Alors, pourquoi faisons-nous les mêmes erreurs ? Encore et encore. Nous faisons mal. Nous demandons pardon. Nous recommençons. Encore et toujours.

Tâche de limiter les dégâts que tu vas causer. Tu as brisé S.P. Tu disais qu'elle était ton premier amour. Amour de collège que tu as maltraité, dont tu as divorcé au bout de onze ans de mariage. Tu sais déjà tout ça mais je te le dis quand même. Pour que tu comprennes le chemin qu'elle empruntera dans quelques années... Si seulement tu t'étais rendu compte... Si seulement tu avais arrêté. Tu l'as fissurée jour après jour. Tu es en partie la cause des erreurs qu'elle va commettre par le futur.

Une dernière chose. Le regret est après la mort. Cette phrase te fera réagir, j'espère. Les parents de S.P te l'avaient dit. N'oublie pas de les remercier d'être les piliers que S.P et toi auriez dû être.

Je ne peux rien y faire, maintenant. Il est trop tard. Mais toi, en revanche... Change, s'il te plaît. Ne le fais pas pour nous, nous ne le méritons pas. Mais fais-le pour eux, M.P et son frère, pour qu'enfin ils soient heureux.

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