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Gaëlla se jeta à l’intérieur de la pièce et claqua la porte derrière elle aussi vite qu’elle le put. Le système se verrouilla, et elle entendit les gardes tambouriner contre le battant.

– Romikéo ! appela-t-elle au désespoir. Qu’est-ce que je fais, maintenant ? J’ai été touchée ! Comment je me tire d’ici ? Dis-moi que la sortie est proche…

Le sang affluait déjà, et elle ne parvenait pas à retrouver son souffle. Elle s’appuya contre le mur pour ne pas tomber.

Ne perds pas tes moyens ! Reste calme, tenta de la rassurer le jeune homme, tu y es presque…

– Rester calme ? répéta Gaëlla, sa voix déraillant sous l’effet de la panique et de la douleur. Je suis blessée au bras, ça me fait un mal de chien ! Et j’espère que tu es bien sûr de ton coup, parce que s’ils me retrouvent, ils ne me rateront pas, cette fois…

Tu dois continuer à avancer, ne t’arrête pas. Je les vois tenter de trouver un moyen d’enfoncer la porte et je ne garantis pas qu’elle résiste… Va jusqu’au fond de la salle, et ouvre la trappe à linge.

Gaëlla pressa sa main contre la blessure pour épancher l’écoulement rubis qui suintait de sa manche. Elle sanglota, démunie, et leva les yeux pour découvrir son environnement, tout en prenant appui sur le mur pour se redresser. Autour d’elle, des chariots remplis de linge propre jalonnaient le carrelage laiteux. Elle songea fugacement que les draps de sa cellule n’avaient jamais dû voir la couleur de cette pièce.

Gaëlla ? l’appela Romikéo. Qu’est-ce que tu fabriques ? Je t’ai dit de ne pas t’arrêter !

La jeune fille, envahie par la douleur, s’apprêtait à répliquer par une insulte, mais au même moment, une déflagration retentit derrière elle.

Les gardes viennent de tirer dans la porte ! s’affola son guide. Dépêche-toi ! La trappe est droit devant toi !

Gaëlla se fit violence pour remettre ses jambes flageolantes en mouvement, serrant son bras blessé contre sa poitrine. Elle contourna rapidement un bac à linge et courut jusqu’au fond de la salle. Des bruits sourds contre la porte de la pièce lui apprirent que les agents étaient en train de forcer le système. Un second coup de feu fusa.

– Je vois la trappe ! informa-t-elle Romikéo, en apercevant un panneau métallique sur le mur face à elle.

Un grand bruit résonna, aussitôt accompagné de voix dans son dos. En tournant la tête, elle eut le temps de voir les policiers s’infiltrer dans la lingerie, armes pointées dans sa direction, avant de pousser la trappe et de se laisser basculer à l’intérieur sans réfléchir. Elle entendit les balles s’encastrer dans le mur et tinter contre la plaque métallique, tandis qu’elle tombait dans le noir.

La chute ne dura qu’un instant, et elle atterrit sur une large pile de linge sale, contenu dans un immense bac à linge soudé au sol. Face à elle se dressait une allée de machines à laver géantes, et derrière, une issue de secours. À cette vue, Gaëlla oublia toute douleur et fonça vers la sortie, tous les muscles tendus, peinant à croire que la liberté se dessinait enfin.


Elle courait sans relâche depuis qu’elle avait franchi l’enceinte de la prison. Après avoir déboulé de la lingerie, elle s’était retrouvée à la lumière du jour, dans une cour encerclée par de hauts murs surmontés de barbelés. Romikéo l’avait guidée pour éviter les gardes, qui n’avaient pas accès aux caméras mais quadrillaient le périmètre, jusqu’à un portail blindé dans la paroi. Une ultime fois, il avait fait usage de ses talents de hackeur pour déjouer le système et permettre à Gaëlla de détaler loin du Quartier de la Sécurité.

En coupant à travers les ruelles qu’il lui désignait, elle avait pu prendre la fuite en périphérie de la ville, puis rejoindre un sentier qui l’avait conduite au cœur d’un bosquet verdoyant.

– Je voudrais… m’arrêter un instant, ahana-t-elle alors qu’elle titubait dans la fraîcheur de l’ombre. Mon bras me lance, et je n’en peux plus… Je n’entends même plus… les sirènes, ça doit être bon, maintenant.

Ta blessure est très profonde ? l’interrogea Romikéo.

– Non, je crois que la balle m’a simplement éraflée, mais…

Bon, alors ne ralentis pas la cadence, tu dois mettre le plus de distance possible entre la ville et toi.

Gaëlla serra les dents, refoulant ses larmes, et allongea encore sa foulée. Pour s’encourager, elle s’imagina vivre une existence paisible en marge de la société, dans la grotte d’une montagne, où personne ne la retrouverait jamais.

Elle n'avait jamais été aussi proche de s'en sortir. Les rayons du soleil caressaient le haut de son crâne par intermittence lorsque la canopée des arbres autour d’elle s’éclaircissait. Ses sens retrouvaient leurs capacités, elle percevait l’odeur de l’humus et le bruit des branches s’agitant dans le vent, qui glissait sur sa peau.

La vie lui offrait-elle réellement une seconde chance ?

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