VI.

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La clameur autour de Gaëlla s'amplifiait de plus en plus à mesure qu'elle s'approchait, bourdonnant dans ses oreilles comme un essaim d'abeilles enragées. La jeune fille gardait la tête baissée, marchant d'un pas résolu et ferme dans le sens inverse de la manifestation. Elle devait jouer des coudes et des épaules pour se frayer un chemin au milieu de la foule en révolte.

Quand elle avait vu le flot de manifestants sur la route qu'elle devait inévitablement emprunter pour rentrer chez elle après les cours, elle avait d'abord pensé avec optimisme qu'elle se faufilerait aisément parmi eux, mais avait bien vite déchanté. En effet, plus elle avançait, plus elle approchait du cœur de l'évènement. Tous les visages qu'elle voyait étaient déformés par la fureur et la haine. Les bouches étaient grandes ouvertes, vociférant des injures envers l'Etat ou scandant des slogans révolutionnaires. Les bracelets de certains étaient détachés, fracassés contre le sol, brandis en l'air dans un poing rageur. Gaëlla commençait presque à avoir peur. Elle avait pris garde de se couler discrètement dans la masse en rasant les murs d'aussi près que possible, mais le tourbillon furieux l'étreignait, l'entrainant malgré elle vers la chaussée, où la marée humaine était décuplée.

Personne ne m'attend chez moi, mais quand même... Je n'ai pas l'intention de rentrer à vingt-deux heures ! Ou avec un œil en moins... songea la jeune fille en esquivant un bracelet férocement lancé par un manifestant particulièrement déchainé.

Ce jour-là, Gaëlla avait terminé les cours à dix-huit heures et n'avait pas pu prendre le bus à cause d'une grève généralisée dans le pays. Elle songeait que ce devait être en lien avec l'émeute qu'elle tentait de traverser.

Elle pesta tout haut lorsqu'un crachat épais s'écrasa sur sa chaussure, et leva un regard indigné vers les contestataires, en quête du responsable. Poussée vers la gauche par de brusques mouvements à sa droite et derrière elle, elle manqua de trébucher, laissa échapper une brève exclamation, avant de rétablir son équilibre en s'accrochant sans cérémonie au manteau d'un homme devant elle.

Dans la foule agitée, Gaëlla repéra alors un visage familier l'espace d'une seconde. Son regard tenta de s'y accrocher, mais elle le perdit aussitôt des yeux. Elle n'en était pas certaine, mais elle avait cru reconnaitre le type qui s'arrogeait le droit de squatter le cybar dans lequel elle travaillait.

Lui ?... Ici ? pensa-t-elle tout en luttant pour s'extraire d'un groupe de chanteurs paillards éméchés qui encombrait la chaussée. Jamais je n'aurais cru que ce gars soit un révolutionnaire dans l'âme ! Il reste toujours collé à sa chaise sans parler ni bouger, cet espèce d'indécrottable bernique sans-le-sou !

Gaëlla parvint finalement à échapper à la mêlée étouffante quelques minutes plus tard, en bifurquant dans une ruelle déserte et bienvenue. Elle rejoignit sa bulle et passa la soirée à regarder la nouvelle saison de la série dans laquelle elle était tombée depuis peu.

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