III.

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— Ton arrêt de bus est encore loin ? demanda Gaëlla en remarquant qu'ils s'éloignaient vraiment de l'Académie.

— En fait, il était de l'autre côté, mais le prochain bus ne passe que dans vingt minutes, alors j'ai le temps de flâner... répondit Rob d'un ton nonchalant.

— Désolée, ma bulle est encore un peu loin, alors vingt minutes ça risque d'être juste pour que tu aies ton bus, railla Gaëlla.

— Hein ? Comment ça ?

— Je plaisante, rigola-t-elle en lui donnant une petite tape sur l'épaule, tandis qu'il comprenait son allusion.

Il répliqua aussitôt, embarrassé :

— Oh, non, non, je ne... Est-ce que je passe pour un lourd ? Je n'avais pas l'intention de te suivre jusqu'à chez toi, ni rien ! Je t'ai plutôt proposé de boire un verre, enfin, si tu es occupée, ce sera pour une prochaine fois. C'était simplement histoire qu'on apprenne à mieux se connaitre, autrement qu'en planchant sur des travaux en binôme...

Gaëlla ne l'écoutait plus. Elle faisait mentalement le calcul de ses dépenses depuis le début du mois. Prendre un coup à boire était un luxe qu'elle n'avait plus les moyens de s'offrir. Alors si elle pouvait se le faire payer, elle n'allait pas cracher dessus...

— J'ai des choses à régler, mais après tout, pourquoi pas ? Allons prendre un verre, encouragea-t-elle d'un ton avenant, un joli sourire aux lèvres.

— Ah ? Super. Cool, balbutia Rob, qui, pris de court, affichait un air surpris mais réjoui. Eh ben... Tu voudrais aller dans quel cybar, de préférence ?

— Tout sauf celui où je bosse, répondit Gaëlla en balayant la large rue du regard. Celui-ci n'a pas l'air mal, qu'est-ce que tu en penses ?

— Ah oui ? Ça te rappelle le taf, je suppose...

— C'est plutôt qu'il est... comment dire... Ce n'est pas pour faire de la mauvaise pub, mais il est vraiment miteux, avoua Gaëlla en esquissant une grimace, alors qu'ils traversaient la route pour rejoindre le cybar.

— C'est vrai ? Il ne doit pas être très fréquenté, dans ce cas...

— Non, il ne l'est absolument pas, ce qui m'arrange. Je suis seule la plupart du temps, quand j'y suis, mis à part un type bizarre qui passe son temps à faire de la programmation ou je ne sais quoi sur son EC. Et comme il ne consomme que rarement, je fais mes devoirs sur le comptoir, je bouquine, je cam-call mes potes...

L'éclat qui brillait toujours dans les yeux de Gaëlla s'éteignit à l'évocation de ses amis. Désormais, les liens qu'elle entretenait avec la plupart d'entre eux étaient très limités et ce constat l'attristait de plus en plus. Ils s'installèrent sur la terrasse animée du cybar.

— Que se passe-t-il ? questionna Rob en la regardant d'un air anxieux.

— Rien, c'est simplement qu'ils me manquent un peu, soupira Gaëlla en retrouvant son sourire.

— Tes amis ? Je comprends... Mon meilleur ami vit à dix heures d'ici, on ne se voit qu'en cam-call. Moi aussi je trouve cette séparation difficile.

— Oui sans doute, mais... lui aussi la regrette, non ?

— Oui, on en souffre tous les deux, répondit Rob alors qu'ils passaient commande de leurs boissons en pianotant sur la table, un écran tactile. Avant, on passait tout notre temps ensemble...

Gaëlla hocha la tête pour signifier qu'elle le comprenait. Elle n'ajouta pas que de son côté, elle semblait être la seule à se languir des années passées. Ses propres amis étaient tellement occupés et passionnés par ce qu'ils faisaient depuis quatre mois, qu'ils n'avaient vraisemblablement plus le temps ni l'envie de lui en accorder.

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