Je me suis toujours demandée comment serait ma vie si j'étais quelqu'un d'autre. Si je n'étais pas moi mais cette autre femme qui déambule dans la rue avec une démarche assurée, mon existence serait-elle plus simple ? Vous allez me dire qu'avec des si ont pourrait refaire Paris. Peut-être même un pays tout entier. Ou alors vous me direz qu'il faut savoir se satisfaire de ce que l'on a. Seulement, je n'ai jamais pu me défaire de cette sensation que tout serait plus simple si je n'étais pas moi. Si je n'étais pas cette personne insignifiante, peut-être que j'aurais eu une meilleure existence. Ou peut-être pas d'ailleurs. Parfois même je me dis que si je n'avais pas ces traits, je n'aurais pas autant pleurer. Il m'est déjà arrivé de souhaiter être quelqu'un d'autre.
Bien souvent, il m'est aussi arrivé de penser que je n'étais pas vraiment moi. C'est étrange comme sensation. Ressentir l'impression puissante de vivre la vie de quelqu'un d'autre. De ne pas être dans le bon corps, le bon endroit, la bonne époque. Comme-ci j'étais prisonnière de cet état, incapable d'avoir le moindre contrôle sur ce qui se passe. J'ai souvent pensé que quelque chose, une force invisible, contrôlait ma vie. Certains parlent de destin. Moi j'imaginais plutôt être un pantin, qui bougeait au rythme de fils électriques.
Cette fille ordinaire tentant de survivre dans une société formatée me paraissait comme étrangère. J'apprenais à marcher dans cette peau bien trop lourde pour moi. Je voulais me défaire de ce costume mal taillé mais était incapable de m'en débarrasser. Par moment même lorsque l'on disait mon nom, je ne répondais pas. Après tout, ce n'était pas vraiment moi. Enfin, si. C'était moi sauf que je ne voulais pas que ce le soit. Il m'a fallut du temps pour adhérer à ce que j'étais. À celle que je suis. Pour accepter la personne que je suis, la vie que j'ai eu. Et c'est seulement à ce moment-là que j'ai pu commencer à vivre. Non plus seulement à survivre.