Nouveaux amis ?

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Administrativement parlant, Michel ne dépendait plus de Zonza mais de Quenza, autre petit village de l’Alta Rocca ; mais paradoxalement, pour se rendre de Bavella à Quenza, il fallait passer par Zonza… la distribution des "piève", anciennement les fiefs paroissiaux, dataient de Napoléon I°.

Pour le hameau de Bavella, ce n’était pas pareil. Un ensemble d’une quarantaine de bergeries sises sur une enclave géographique au milieu de l’Alta Rocca dépendant du "piève" de Conca sur la côte orientale. Donné par Napoléon III pour que les bergers de Conca aient un accès à la montagne, ce hameau était dans l’indivision, stipulé par un acte notarié d’époque : chaque famille n’était propriétaire que des murs, le font restant collectif. Les familles n’avaient pas le droit de revendre leur bien. L’ensemble de ce hameau de berger devenait de facto héritage direct et non cessible des famille de souche concaise uniquement. Du fait de sa situation administrative ambigüe, aucun syndicat départemental d’électrification ou d’assainissement n’avait pu intervenir. Ce hameau n’était donc relié à aucun réseau public (eau, gaz, électricité, téléphone) ; on y vivait comme au XIX°siècle. Pourtant, le col de Bavella et ses fameuses Aiguilles était, au tournant des années 2000, le site le plus visité de Corse après Bonifacio. Entre le 14 juillet et le 15 août, il passait plus de cinq mille véhicules par jour, et Michel s’arrachait souvent les cheveux pour des soucis de sécurité incendie. Thérèse Grimaldi, une grande corsoise longiligne habillée de noir, aux cheveux gris tressés et au regard sévère, les bras croisés haut sur la poitrine, regardait avec hostilité et ressentiment ces convois de camping-car défiler devant la terrasse de l’auberge des Aiguilles. Ma, tourist-pumataghji, circulez y'a rien à voir ! À ses côtés, Marie-Napoléone et Michel blaguaient et se moquaient, mon Dieu quel accueil ! en buvant l’anis gras.

Ce hameau était le fief de deux familles régnantes et rivales de Conca.

D’un côté les Grimaldi « Tu vois Mighé, nous aussi on a notre Rocher, mi ! regarde, les Aiguilles ! L’autre à Monaco, c’est un "petit cousin", tu comprends » m’affranchis Dédé, un large gaillard un peu rabelaisien, à la lippe charnue, toujours en mouvement, aux yeux pétillants de malice et au verbe haut. Il faisait tellement de moulinets avec ses bras lorsqu’il débattait cuisine, chasse ou apéro qu’il valait mieux se tenir à distance, entre les postillons et ses larges battoirs qui volaient. Et toute la famille, François, et Léon l’ancien était à l’avenant, hormis Thérèse, la sœur, vieille fille digne et fière, et un tantinet acariâtre, qui pourtant s’occupait à merveille du service en salle. Les convives n’avaient pas voix au chapitre… dans ses yeux on pouvait lire : tu as choisi de venir ? Alors tu te tais et tu manges... quand bien même tes questions soient légitimes !

De l’autre côté, les Lucciani. Auguste, grand et maigre, tout à l’opposé de son frère, nez crochu et peu enclin aux bavardages tenait l’auberge du Col avec son neveu, Pierre-Marie – un petit grinchou, toujours à blaguer et se vanter. Le patriarche et frère d’Auguste dit Bébert, était un ancien porte couteau de “la bande à Pasqua”, à la Voile Rouge près de Bastia. Bébert, petit bonhomme grassouillet, la soixantaine dégarnie, sourire en biais et nez pointu avec ses petits yeux noirs enfoncés, un regard un peu porcin, petit homme falot mais souriant, il en était presque transparent. Mais c’était bien lui, le Saigneur du village. «  Oïmé ! Mighé, c’est pas pour rien que l’autre à Monaco, il s’appelle Albert. Yé, il s’appelle comme moi ! ». Comme dans les Ardennes, Michel écoutait patiemment, voire même faisait se raconter les gens, si fiers de leur originalité.

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