Comme ça, POUF ? (1/2)

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— Je suis là, Rachel.

Je regarde autour de moi, où un décor blanc s’étend à perte de vue, mais n’aperçois toujours pas Lucas. Cependant, il y a quelque chose de bizarre qui me rend mal à l’aise. Je m’aperçois également que ses pensées ne me sont pas accessibles, ce qui me rassure et m’effraie également un peu. Y avoir accès me permettrait de m’assurer de ses intentions.

— Bienvenue.

Je sursaute. Où se cache-t-il ?

— Que fais-tu là ? me demande-t-il, affable.

Pour me poser la question, il ne doit pas percevoir mes pensées non plus. Néanmoins, je ressens dans son intonation qu’il est tout aussi surpris que moi par cette rencontre imprévue.

Mon corps bouge sans mon consentement et je comprends ce qui cloche. Mon sang se glace.

Il est là. Ce sont mes lèvres qui parlent pour lui. Mes lèvres qui bougent toutes seules, déversant sa voix et ses paroles. L’idée m’angoisse tout à coup, glauque… effrayante. Je regarde mes mains d’un geste vif, ce ne sont pas les miennes. Je commence à paniquer. Me retrouver prisonnière comme un pantin dans la chair d’un inconnu me donne brutalement la nausée.

C’est alors que mon corps perd toute volonté propre et je me mets à marcher, le cœur battant la chamade.

— Cette fois, je crois en effet que nous rêvons vraiment, dit-il comme s’il n’avait pas remarqué mon état proche de la syncope.

Néanmoins, il finit par poser une main sur notre poitrine, l’air perplexe. Je finis par me calmer sans vraiment l’avoir désiré.

— En effet, confirmé-je, étonnée de pourvoir parler alors que je ne contrôle plus le reste de mon corps. Mais, qui me dit que je ne suis pas la seule à rêver de nous deux ? Qu’il ne s’agit pas d’un tour de mon esprit ?

— Je pourrais me dire la même chose.

— Certes. Peux-tu me prouver que nous faisons un rêve commun ?

Il se tait trente secondes et fronce les sourcils.

— Oui. Je peux. C’est même très simple, me répond-il, tout sourire. Connais-tu le jeu Assassin’s creed ?

— De nom, oui.

— Ah, alors, connais-tu Dark Souls ? retente-t-il.

Dark Souls ? répété-je.

— Oui.

— Non.

— Eh bien, demain, tu vérifieras, et tu verras que ce jeu existe vraiment. Ça voudra dire, d’un, que tu ne l’as pas inventé, et de deux, que j’existe. Et si on se capte de nouveau, je t’en reparlerai.

— En effet, ça me semble une bonne preuve.

— Pas vrai ? Je suis un génie ! fanfaronne-t-il.

Et super modeste, de surcroît… mais je me garde bien de le lui répéter.

— Peut-être nous « reverrons-nous » demain, dit-il.

— C’est possible, réponds-je, toutefois peu enchantée par cette perspective. Mais, peut-être qu’au réveil, tout ça va vraiment cesser. Peut-être était-ce une chance unique, ou une expérience ?

— Je n’y crois pas, lâche-t-il calmement.

Je soupire. Ce type est tout sauf un gentleman ! Il pourrait me laisser espérer un peu… Je reprends :

— Dis-moi. Sais-tu pourquoi… euh, la… la connexion s’est rompue, tout à l’heure ?

— Je n’en ai pas la moindre idée. J’étais sur mon vélo, puis plus rien.

— Comme ça, POUF ?

— Ouais. « POUF. »

Je le sens sourire. Et malgré la méfiance que je ressens à son encontre, j’ai envie de l’imiter. Sauf que, mes lèvres étant les siennes, c’est déjà le cas. Vraiment étrange comme expérience.

Puis nous ne disons plus rien pendant quelques instants et je retrouve mon sérieux.

— Est-ce qu’il s’agit de ton corps ? demandé-je en baissant les yeux, soudain très intéressée.

Il lève nos mains et les regarde.

— Non ! remarque-t-il. J’ai dû changer lorsque tu es arrivée. On dirait plus un corps androgyne.

Je hoche la tête tout en me rendant compte que j’en suis capable.

— C’est dommage quand même. J’aurais pu voir à quoi tu ressembles, dis-je.

— Oh. C’est vrai ça !

— Mais, ça n’aurait peut-être rien changé. J’oublie souvent de quoi j’ai rêvé la nuit…

— Ah… Je n’avais pas pensé à ça. Alors quoi, on ne se rappellera pas de notre « rencontre » au petit matin ? Et pour Dark Souls ?

— J’en ai bien peur en effet. Dommage, c’était pourtant une bonne idée, soupiré-je.

Il ricane.

— Comme si ça te posait réellement un problème. Après tout, tu ne fais que ça, d’espérer que tout ça est un rêve. Que demain, je n’existerai plus.

Notre cœur bat plus vite, et cette fois, c’est moi qui tente de calmer Lucas :

— Ce n’est pas que ta présence me dérange, mais comprends-moi, il se passe quoi quand je prends ma douche, quand je parle à mon entourage… ?

Je grimace.

— Et pense un peu à mon intimité ! poursuis-je. Je suis quelqu’un de pudique ! Et je ne te parle pas des milliers autres choses gênantes qu’on pense par jour… Très franchement, te connaître devrait être sympas, mais que tu m’aies dans ta tête, ça non ! Tu peux le comprendre, quand même ?

Notre pouls faiblit et je soupire intérieurement.

— Ce genre de rêves peut être cool par contre, ajouté-je. Un peu comme une rencontre, un rendez-vous. Une retrouvaille tous les soirs, un tant soit peu que ça se reproduise.

Il acquiesce avant d’ajouter :

— C’est quand même spécial, une rencontre pareille, dans un seul corps.

— Certes. Peut-être que la prochaine fois, tu m’inviteras dans un joli petit salon de thé, assis à une table où trônent nos tasses et une assiette de cupcakes.

— Poupée. Je ne choisis pas mes rêves… sinon, je passerais mon temps à dormir.

— Tu as raison. Mais, juste un petit cupcake, ça ne doit pas être trop difficile quand même… supplié-je d’une voix geignarde, l’air faussement suppliant.

Il essaye de parler pendant que je fais trembler nos lèvres comme un enfant qui quémande, puis nous éclatons de rire à l’unisson.

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