Mon cerveau débloque ! (1/2)

3 minutes de lecture

Encore une journée de terminée. Je monte dans le bus, après dix minutes d’attente dehors, dans le froid. Je m’assois à ma place habituelle et regarde à travers la vitre les champs alentour défiler lorsqu’une pensée s’impose à mon esprit. Une pensée étrangère me tombant dessus comme un cheveu sur la soupe :

Si jamais je l’attrape, je lui défonce la gueule !

Je sursaute et regarde derrière moi, les yeux écarquillés. Qui vient de me souffler ces mots à l’oreille ? Je fronce les sourcils, perdue. La personne la plus proche de moi est assise contre la vitre voisine à contempler le paysage.

– Défoncer… la gueule de qui ? me demandé-je, peu habituée à ce vocabulaire grossier.

À ce connard qui vient de me tuer ! survient cette pensée comme si c’était une évidence. Si je le coince, il est mort.

Je me sens défaillir et j’ai l’impression de me liquéfier sur place, tandis que le sang déserte mon visage. « Me tuer ? »

Je regarde en l’air, mais là non plus, évidemment, il n’y a personne.

Changer d’arme. Menu, sélectionner, arbalète.

Je reconnais là des paroles de joueur de jeux vidéo. Je jette des coups d’œil autour de moi, paniquée. Que m’arrive-t-il ? Pourquoi est-ce que j’entends ces voix, directement dans ma tête ? Suis-je la seule ? Les passagers n’ont pas l’air de l’avoir entendu. Si tel avait été le cas, ils auraient réagi, n’est-ce pas ?

Pardon ? s’exclame la voix, surprise.

Je sursaute.

Je fixe de nouveau les passagers. Aucune réaction…

Suis-je vraiment toute seule à l’entendre ? Est-elle dans ma tête ? Car elle ne provient pas de moi ! « Celui qui vient de me tuer ! » Personne ne vient de me tuer ! Je ne suis pas morte. « Arme », « arbalète », rien dans le paysage ne me ferait penser à de telles choses. Et ce timbre de voix, il est entièrement et totalement masculin.

Mon cœur rate étrangement un battement et, étonnée, je pousse un petit cri.

Qu’est-ce que… ? Qu’est-ce qui se passe ? Il y a quelqu’un ? reprend la voix, un brin paniquée. Poser la manette. Prendre la batte de baseball décorative. Je suis prêt, armé. Papa ? Maman ? Vous êtes rentrés ?

Terrorisée, je plaque mes mains sur les oreilles. Mais rien n’y change. La voix persiste. Ce n’est pas possible.

Merde ! Je n’ai pas fait le ménage !

Ce n’est pas… possible.

Je me mets à haleter.

Mais qui peut bien me parler ? Je ne suis pas au téléphone, alors pourquoi ai-je cette voix étrangère qui résonne dans mon crâne ?

Je lève la tête et dévisage avec acharnement chaque passager. Il doit bien être dans le bus, celui qui me rend folle !

Qui est là ? demande la voix de jeune homme, nerveuse.

— Et toi ? Qui es-tu ? m’écrié-je à voix haute, avant de baisser la tête en remarquant les regards surpris qui se tournent vers moi.

Je suis folle… Je deviens folle ! Il n’y a pas d’autre explication !

Je relève les yeux. Tout le monde m’épie du coin de l’œil maintenant. Pourquoi… ? Pourquoi me font-ils ça ? Serait-ce une caméra cachée ?

Mon cœur s’emballe. Je me renfonce dans le siège, terriblement nerveuse, à scruter le moindre mouvement suspect. Une femme en face de moi croise mon regard et je m'y accroche dans l'optique d'y sonder des intentions douteuses.

Folle ? Une fille ? dit ma pensée intruse.

Je ne comprends pas…

Moi non plus ! geint l’autre.

Je me fige, libérant au passage la femme de notre échange visuel. Il a… entendu mes pensées ? Je n’ai pas dit à voix haute que je suis folle. D’ailleurs, je n’ai rien dit du tout.

Hein ?

Ça recommence ! Personne ne parle, dans le bus, tout est très calme. Alors, tout ceci serait vraiment dans ma tête ? Il m’entendrait ?

Bien sûr que je t’entends ! crie-t-il. Mais t’es où, à la fin ?

– Dans le bus, pensé-je, histoire de vérifier ma théorie.

Quoi ? Bus ? Déconne-pas ! Je sais que tu es là !

J’avais raison. L’autre m’entend bel et bien.

Je m’appelle Lucas ! Pas « l’autre » ! grogne-t-il.

J’ai bien compris. J’ai compris ce qui m’arrive. Je suis folle. Tout simplement.

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