J’ai tant imaginé ce moment (1/2)

3 minutes de lecture

La bouche toujours emprisonnée par le morceau de scotch, je gémis à l’intention de la personne qui doit être à côté de moi, par terre. Si seulement elle pouvait réagir. Faites que ce ne soit pas Lucas. Je refuse de croire que Lucas est… Si seulement ça pouvait être quelqu’un d’autre… Ou bien, qu’il n’y ait personne avec moi. Mais, j’ai peu d’espoir.

Je soupire. Non, finalement, je voudrais qu’il y ait quelqu’un. Je ressens égoïstement le besoin de ne pas être seule.

Peu importe… qui que ce soit, la pénombre aveuglante m’empêche de percevoir ce qui m’entoure en dessous de mon bandeau.

J’essaye de parler, pour faire réagir ce qui est par terre, mais seul un son incompréhensible sort de mes lèvres. Et toujours aucune réponse de la part de mon compagnon d’infortune. J’ai tellement envie de pleurer, de me morfondre. Quelqu’un est peut-être mort à côté de moi. Un cadavre… le premier que je verrai de ma courte existence. À moins que je ne meure également avant d’apercevoir cette personne sans vie.

J’ai froid. Mes dents s’entrechoquent. Tout mon corps est parcouru de frissons si désagréables que j’ai envie de m’arracher la peau.

L’effroi.

J’ignore toujours ce qui m’entoure. Peut-être que, tapis dans l’ombre, se trouvent des rats et des araignées. Rien que d’y penser, j’ai l’impression de sentir leurs pattes velues se faufiler sous mes vêtements.

Je finis par me monter la tête des pires scénarios possible et je me mets à trembler avec force tant je suis terrifiée.

Peut-être y a-t-il plus sombre cauchemar encore : des cadavres auraient été bétonnés dans le mur et je serais la prochaine ?

J’essaye d’oublier ma plus inquiétante hypothèse : que la victime à côté de moi est Lucas. Mais alors… pourquoi ne répond-il pas dans ma tête ? Est-il parti à ma recherche ? Il sait que j’allais à sa rencontre. Le fait que je ne me pointe pas a forcément dû l’inquiéter. Surtout que, si je me souviens bien, nous étions connectés lors de mon enlèvement. Ce qui veut dire qu'il a sûrement prévenu la police, non ?

Je me maintiens à ce faible espoir.

En attendant, je dois me libérer, afin de prendre mon assaillant par surprise, voire m’enfuir. Mais cette chaise tient bon. Pour l’instant. Elle grince un peu, avec de la persévérance, j’en arriverai peut-être à bout. Je ne vois pas comment faire autrement, c’est mon seul espoir. Cependant, je me rends vite compte d’un détail : ma chaise est manifestement attachée à une chaîne, elle-même reliée au mur, si j’en crois au bruit infernal qu’elle fait en ricochant dans tous les sens.

Effrayée, je prends conscience du boucan que je provoque. Si elle m’entend, elle va se douter de quelque chose… Mais je n’ai pas le choix.

Quelques minutes passent, où tout mon corps se tend pour briser cette chaise. J’ai si mal aux poignets à cause des frottements contre les liens, mais c’est avec bonheur que je ressens les pieds faiblir. Ils sont plus bancals que tout à l’heure, mais vraiment de peu. Épuisée, je soupire et je décide d’utiliser cette pause à bon escient.

Maintenant, mes pupilles se sont accoutumés à l’obscurité et je peux apercevoir quelques contours en dessous du bandeau. Je me tords le cou et regarde vers le sol, mais je ne remarque rien. Je plisse les yeux et fais une inspection de la pièce entière. Je comprends qu'une grosse masse est pendue proche de moi. Est-ce la victime ? Pendue ? Je blêmis. Je m'efforce d'analyser la forme davantage, entre horreur et curiosité morbide. De qui s’agit-il ?

Je me rends alors compte qu'elle est trop géométrique. On dirait un grand boudin et je repense aux punching-balls. Je comprends alors l’erreur que j’ai commise. Elle ne tabassait personne, seulement son sac de frappes. Et je n’avais pas fait la différence entre le bruit d’impact sur un corps par rapport à celui que fait un objet tel qu’un sac plein de sable.

Alors, je peux espérer. Espérer que Lucas soit toujours en vie et qu’il n’a pas subi le courroux de cette femme folle. Cela signifie également que je suis bel et bien seule. Sans soutien pour m’épauler. Et c’en est trop. Mes nerfs lâchent et je laisse échapper un sanglot.

Je renifle, tout en me tortillant furieusement pour faire céder ma chaise quand la porte s’ouvre doucement. Je me fige instantanément. Pourquoi « doucement » et non avec fracas ? Il ne s’agit pas de la même personne ?

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