Je m'appelle Alain (2/2)

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— Je dois t’avouer que j’étais vraiment très surpris qu’un enfant puisse tirer. Et juste, qui plus est. Avec sang froid.

Lucas reste muet. Il sait pourquoi il avait réussi à tuer l'homme, mais il n’ose pas couper le récit d'Alain, surtout pour lui avouer qu’il adore tirer à la carabine avec son grand-père depuis tout petit. Relier son passe-temps favori avec ce meurtre d’enfant lui semble de très mauvais goût.

Le conteur reprend.

— Je me suis également demandé si tu allais me tirer dessus, mais je crois que tu as eu si peur de ton geste que tu en as lâché l’arme avant de t’évanouir. Et là…

Il secoue la tête, en proie à de puissants remords.

— J’ai paniqué. Je ne voulais pas qu’on m’inculpe pour la mort de mon gendre. Personne n’aurait cru qu’un enfant a tué un homme alors que j’étais là également. Je n’ai pas plus réfléchi. Je t’ai embarqué avec moi et j’ai fui. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris. Je crois que je voulais protéger ma sœur et te protéger d’elle. Je voulais qu’elle paye pour l’horreur que tu avais dû vivre.

Il avait craché son désir avec dégoût, avant de reprendre d’une voix un peu plus tendre, plus fraternelle :

— Pourtant, je trouvais trop dur qu’elle paye pour la mort de son mari ainsi que l’enlèvement d’un enfant. Du moins, la police ne retrouverait pas d’enfant dans la petite chambre… J’ai appelé pour signaler le meurtre d’un homme et j’ai donné l’adresse. Puis, je nous ai conduits jusqu’en Allemagne. Il y a tellement d’enfants enlevés tous les jours qu’ils ne pourraient pas faire le rapprochement entre toi et le gamin que Maria avait séquestré. Tâche encore plus difficile à des centaines de kilomètres de chez toi. Je suis désolé. Si je t’avais emmené à la police au lieu de te conduire jusqu’en Allemagne, tu aurais plus vite retrouvé tes parents, et elle aurait peut-être eu une interdiction de t’approcher. À cause de moi, tu es passé à deux doigts de la mort.

L’homme en face de Lucas semble plus piteux que jamais avant de se perdre dans un silence lourd.

— Ensuite, le pousse Lucas, désireux de connaître le fin mot de l’histoire.

— Ensuite, reprend Alain, je t’ai surveillé de loin. J’ai fait des recherches et j’ai trouvé où tu habitais. Peu de temps après, vous avez déménagé et j’ai noté la nouvelle adresse. De temps en temps, je vérifiais que tu allais bien, puis vous avez de nouveau emménagé dans ta ville natale, peu avant que Maria ne sorte de prison. Je t’ai déposé cette lettre, mais je ne voyais pas quoi faire de plus. J’étais partagé. J’aime… J’aimais ma sœur, se reprend-il d’un air triste. Malgré tout, je ne voulais pas qu’elle fasse de nouveau du mal. Mais elle t’a retrouvé, très vite. Puis elle a recommencé. Je l’ai compris quand je patrouillais un jour. Une voiture de police était devant chez toi et tes parents allaient mal. Bien sûr, tu n’étais plus là. Je suis allé dans le petit appartement qu’elle louait, mais elle n’y était plus. Toutes les affaires qu’elle gardait avec elle étaient absentes. Alors, j’ai pensé à la maison de mes défunts parents, en campagne à Bordeaux. Lorsque je suis entré, j’ai vu qu’elle s’y était installée. J’ai fouillé toute la maison et je suis tombé sur vous dans le garage. Elle était là, étendue sur le sol, et tu étais un peu plus loin, inconscient et très mal en point, mais ton cœur battait encore.

— Est-ce qu’il y avait une jeune fille avec moi ? s’anime Lucas. Elle a dix-huit ans, et elle était là-bas avec moi ! Enfin…, hésite Lucas. Je crois.

Surpris, il secoue la tête.

— Non, il n’y avait que toi.

Lucas scrute les yeux de l’homme et ce qu’il y trouve l’attriste. Il ne ment pas. Le jeune homme se résigne.

— Et après ? demande-t-il.

— J’ai prévenu la gendarmerie et je suis parti. Puis, je suis allé voir si tu allais bien. Tu étais hors de danger, alors je suis rentré chez moi. Mais, je tenais à ce que tu connaisses toute la vérité. Je suis désolé. J’aurais dû t’être d’un meilleur soutien.

— Vous avez raison, confirme Lucas. Mais, sans vous, mes parents seraient seuls désormais. Donc je ne peux que vous remercier de votre aide.

— Merci à toi, Lucas. Merci beaucoup de m’avoir écouté.

Le jeune homme hoche la tête. Un silence gêné s’installe quelques instants puis le frère de Maria reprend :

— Je vais maintenant rentrer, si tu n’y vois pas d’inconvénient, soupire-t-il.

Lucas hoche la tête et lui tend la main.

— Au revoir, Alain.

— Au revoir, Lucas, j’espère que nous ne nous reverrons plus, dit-il, avec un petit sourire, en lui rendant sa poignée de main.

— Également, lui répond le jeune homme.

Puis le frère de Maria part, sans se retourner et disparaît au coin de la rue.

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