Chapitre 2/2

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Environ 4 ans plus tard, Paradoxe avait déjà bien gagné en notoriété, et se trouvait en passe de devenir le premier journal d’enquête français. La rédaction, elle aussi avait évolué, en plus de son équipe initiale qu’Élie avait intégrée, 4 autres journalistes avaient rejoint leur cause. À eux huit, ils avaient déjà réussi plusieurs gros coups et avaient détruit les ambitions de nombreux hommes et femmes influents. Toutes notoriétés impliquaient des conséquences. Certains journalistes, par simple jalousie, n’hésitaient pas à balancer de fausses rumeurs, sur le journal ou les journalistes, certains politiciens refusaient purement et simplement de répondre aux journalistes du Paradoxe et leur refusaient même l’entrée aux meetings ou conférences, tout comme les grands patrons. Ils recevaient aussi, de temps en temps des lettres de menaces. Il fallait avoir des nerfs d’acier pour travailler dans ces conditions, mais c’est paradoxalement ce qui semblait plaire à Jim.

Bien sûr il avait mis au courant l’ensemble de sa rédaction, non pas pour leur faire peur, mais il estimait qu’ils étaient en droit de le savoir, il avait même pris la peine de rajouter une ligne dans le contrat de chacun de ses employés, afin de se dédouaner en cas de concrétisation. Heureusement, aucune de ces lettres n’avait été adressée personnellement, elles avaient toutes été envoyées à l’adresse du journal. Jusqu’à maintenant...

Assise dans son salon, Élie relisait pour la cinquième fois, au moins, les quelques lignes qui noircissaient à peine la feuille blanche d’imprimante.

« Tu sais ce qui t’attend le jour où tu publieras ton article ? »

Tellement obnubilée par la lettre elle-même, elle ne s’était pas rendu compte que l’enveloppe qui gisait sur ses genoux n’était pas totalement vide. Elle dépose, en douceur, la feuille de papier sur sa table basse, comme si elle craignait que celle-ci lui explose au visage au moindre mouvement un peu trop brusque, et s’empara de l’enveloppe avec tout autant de délicatesse dans ses mouvements. Elle l’entrouvrit et, oubliant sa prudence, la balança au sol. Au contact avec son carrelage, une balle de ce qui semblait être un petit calibre s’en extirpa pour rouler jusqu’en dessous de son divan.

Livide, elle ne bougea pas pendant une quinzaine de minutes. Seuls ses yeux passaient de la lettre sur la table à l’enveloppe sur le sol. Au début, incapable de réfléchir, puis petit à petit, ses réflexions se remirent en place, quelque chose n’allait pas dans cet ensemble. Pas la lettre, c’est l’enveloppe qui clochait, bien sûr il n’y avait pas l’adresse de l’expéditeur, mais il manquait autre chose, le timbre était là lui aussi. Non, c’est plus subtil que ça... Le cachet ! C’est ça qu’il manquait, le cachet de la poste, ce qui voulait dire que la personne était venue jusque chez elle pour déposer sa lettre, et rien que ça, ça restreint énormément le nombre de corbeaux éventuels. Elle évitait toujours de dire à ses contacts où elle habitait, et elle ne pensait pas avoir été suivie, surtout avec sa manie de prendre quatre ou cinq métros différents chaque jour, là où un seul de quelques minutes suffisait. Les seules personnes à connaître son adresse exacte, faisaient soit partie de sa famille proche, soit de la rédaction et c’était ça le plus effrayant finalement, la menace venait de l’intérieure.

Elle savait qu’elle pouvait exclure sa famille, ni ses parents ni son frère n’utiliseraient une lettre anonyme de menace, au contraire, en général ils ne se gênaient pas pour lui dire en face ce qu’ils pensaient. Quelqu’un au sein de la rédaction ne voulait pas que son article sorte, mais pourquoi ? Surtout qu’elle ne voyait pas en quoi le trafic d’êtres humains, utilisant des enfants des pays de l’Est, pouvait impliquer de près ou de loin, l’un de ses collègues, ou même Jim... C’est vrai qu’il se comportait de manière étrange ces derniers temps, il venait plus souvent voir où elle en était dans son enquête, en soi ce n’était pas plus dérangeant que ça, mais les deux événements combinés rendaient son patron plus que suspect.

Elle alluma son ordinateur et reprit toute l’enquête à zéro, bien déterminée à comprendre la situation. Intérieurement, elle souriait, cette lettre de menace qui avait pour but principal d’arrêter son investigation, venait de redonner un coup de fouet à cette enquête au point mort depuis une semaine.

Après avoir reparcouru tous ses documents et toutes ses recherches, elle en était toujours au même point. Une seule grande inconnue persistait dans cette affaire, qui était ce « Boriss » qui semblait diriger tout ce réseau sans laisser aucune trace ? Avait-il un lien avec Jim, se pouvait-il que ce soit une seule et même personne ? Elle n’était plus sûre de rien, mais il fallait qu’elle en ait le cœur net !

L’horloge de son ordinateur affichait un peu plus de 9 heures du soir, en général, Jim quittait la rédaction vers 21 h 30, si elle y allait maintenant, elle risquait de tomber sur lui, et elle n’avait pas encore suffisemment d’informations pour l’affronter en face à face.

Elle patienta jusque 22 heures pour être certaine que la rédaction serait vide, elle embarqua son petit appareil photo numérique au cas où et sortit de chez elle en regardant partout autour d’elle pour vérifier qu’elle n’était pas suivie. Contrairement à ses habitudes elle prit la ligne la plus directe pour se rendre à son bureau, une fois sur place, elle fut rassurée de voir que tout était éteint, même le bureau de Jim.

C’est justement là qu’elle allait, si elle devait trouver des infos, ce serait soit dans son ordinateur, soit dans un tiroir. C’est par là qu’elle commença, il n’y avait qu’un seul tiroir que l’on savait fermer à clé, il était d’ailleurs verrouillé, mais c’était le même bureau que pour elle et ses collègues. Elle alla cherche la clef sur son propre tiroir et remercia Ikea de fournir les mêmes meubles en masse. Le tiroir ouvert, elle prit une photo de l’ensemble et repéra tout de suite un petit carnet noir avec sur la couverture, écrit au marqueur blanc un « B », elle ne pouvait l’associer qu’à un seul nom : Boriss. Elle le glissa dans la poche arrière de son jeans et continua de fouiller, sa main entra en contact avec quelque chose de froid et dur, caché en dessous de plusieurs fardes de couleurs différentes. Sans même l’avoir vu, elle sut ce que c’était. Par réflexe, et parce qu’elle l’avait vu faire plusieurs fois dans les séries policières, elle rentra ses mains dans ses manches pour manipuler le pistolet semi-automatique noir et frotta là où elle pensait avoir mis ses empreintes. Elle enleva le chargeur et put facilement voir qu’il manquait une balle à l’intérieur.

  • Lâche ça !

Plus surprise par l’intonation de sa voix, que par son arrivée, elle laissa échapper le pistolet qui tomba sur le bureau avec un bruit sourd qui résonna dans toute la rédaction. Il se tenait sur le pas de la porte, sa silhouette en partie éclairée par la salle derrière lui donnait un air menaçant accentué par son regard, froid et rempli de haine.

  • Il fallait que tu t’acharnes, hein ?
  • Elle ne se démonta pas, la surprise passée, elle reprit ses réflexes d’enquêtrice.
  • C’est toi Boriss ?
  • P’tet bien.

Il avait un sourire en coin, comme s’il aimait toute cette situation.

Alors Élie, tu vas faire quoi maintenant, si je plonge, toute la rédaction plonge avec, et toi aussi.

Elle ne lui répondit pas, son cerveau visualisait toutes les possibilités. Elle choisit celle qui lui semblait la plus sûre. De toutes ses forces, elle balança son appareil photo dans sa direction, elle ne voulait pas le toucher, de toute façon elle ne risquait pas de le blesser avec, elle voulait juste détourner son attention. Ça fonctionna, il s’abaissa pour l’éviter et le temps qu’il se redresse, elle avait récupéré le pistolet et remis le chargeur à l’intérieur. Il était maintenant pointé sur la poitrine de son patron. Surpris par la manœuvre, il obtempéra lorsqu’elle lui demanda de se s’éloigner de la porte et de s’assoir dans le coin à côté de la poubelle. Doucement, avec un oeil braqué sur lui elle quitta son bureau et en marche arrière quitta la salle commune pour finalement sortir du bâtiment. Une fois dans la rue, elle cacha l’arme dans sa veste et se mis à courir. Elle ne pouvait pas aller chez elle, il connaissait l’adresse, elle prit le métro et alla au seul endroit où il ne penserait pas : « Le Parisien ». De son souvenir, la rédaction de nuit devrait être en pleine activité pour la parution du matin.

Le matin même tous les kiosques à journaux étaient envahit par les clients, ils voulaient tous acheter un exemplaire du Parisien qui titrait en une :

« Le paradoxe du paradoxe :

le journal d’investigation qui couve ses propres affaires »

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