Un affreux silence tombe sur la nef. Le curé se fige, lève la tête, la tourne vers l’assistance, cherche l’origine de la voix, demande des explications... D’un ton ferme et non contestable, l’aïeule précise simplement :

— Mon fils Jean est absent du pays depuis douze ou treize mois.

Puis elle se tait, elle laisse l’audience en tirer les conclusions qui s’imposent. Le silence plane au-dessus des paroissiens. Les regards passent du curé à la grand-mère, puis à l’enfant innocent et reviennent au curé. Certains semblent surpris, interrogatifs ou inquiets, d’autres se lancent des œillades entendues…

La voix de Thomasse s’élève alors à nouveau, brisant le silence pesant :

— Cet enfant ne portera pas le nom de mon fils ! Je m'y oppose !

Elle exige maintenant que son opposition soit clairement inscrite sur le registre paroissial. A l’évocation du registre, le curé semble se réveiller tout à coup ; il reprend le livre et accède à la demande de la vieille dame. Celle-ci s’approche aussitôt, le marque, et, sans un regard vers le curé ni vers l’enfant, rebrousse chemin et se dirige à pas sûrs vers la grande porte de l’église. Elle parcourt lentement l’allée centrale, tournant le dos à tous, et pendant quelques minutes, l’on n’entend plus que le froissement des étoffes qui s’écartent sur son passage et le pas assuré de ses souliers.

A peine est-elle sortie que les murmures se propagent dans la nef. Chacun y va de son commentaire.

Le curé soupire et regarde Louise, interloquée, et qui tient toujours le petit Louis dans ses bras. Il lui fait un signe, lui indiquant qu’elle peut rejoindre les autres paroissiens. La jeune femme, un peu gênée, la tête baissée, obéit et s’éloigne d’un pas rapide avec le bébé.

Une jeune fille prend aussitôt sa place aux côtés du curé, tenant dans ses bras frêles un autre nouveau-né. Le curé appelle ses paroissiens au silence et une nouvelle cérémonie commence.