Chapitre 1 : L’écho des secondes

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Le réveil vibra doucement, troublant le silence moelleux du matin et effleurant la peau du jour naissant.

Lena ouvrit lentement les yeux, encore enveloppée par la douce chaleur de ses couvertures. Ses cheveux roux, enchevêtrés sur l’oreiller, semblaient une flamme paresseuse, prête à s’éteindre au moindre mouvement. Les premières lueurs du jour filtrèrent à travers les rideaux, effleurant son visage d'une lumière pâle et douce, comme un baiser léger. Ses paupières étaient encore lourdes, ses pensées embrouillées par les derniers vestiges du sommeil.

Elle s’étira lentement, un soupir échappant de ses lèvres, savourant la tranquillité de ce moment suspendu.

Lena se leva, les pieds nus frôlant le sol froid, une brume légère de fatigue l’accompagnant dans chaque geste. Elle se dirigea vers la salle de bain, s’accordant quelques secondes sous la douche. L'eau chaude coula sur sa peau, effaçant les derniers restes de sommeil. Elle ferma les yeux, appréciant la sensation réconfortante du jet d’eau contre son corps. C’était presque comme si le matin la nettoyait, non seulement de la fatigue, mais aussi de toutes ses pensées confuses. C’était son rituel, chaque matin le même, rassurant, comme une ancre dans un monde en perpétuel mouvement.

Une fois sortie de la douche, elle s’enroula dans une serviette douce et moelleuse, ses cheveux encore humides tombant en vagues autour de son visage. Elle se brossa lentement les cheveux, perdue dans sa réflexion, avant de maquiller légèrement ses yeux, d'un bleu clair presque translucide. Elle choisit une tenue simple mais élégante : un pantalon taille haute couleur crème qui épousait parfaitement ses courbes, et un chemisier en soie vert olive qui faisait ressortir la lueur dorée de sa peau.

Dans la cuisine, le café avait déjà commencé à couler, l’arôme riche et chaud emplissant l’air. Lena se servit une tasse et attrapa une tartine qu'elle tartina généreusement de confiture d’abricot, avant de la croquer lentement, le regard perdu sur son téléphone. Une notification du boulot, une autre de Gaëlle, une photo de chat rigolote, ce genre de distraction inutile qui la faisait sourire. Un mème idiot, comme toujours. Elle secoua la tête, amusée, avant de répondre brièvement à Gaëlle.

À 8 h 30, comme chaque jour, Lena enfila ses bottines noires, attrapa son sac en cuir, et sortit de l’appartement. L’immeuble était silencieux, comme endormi à cette heure. Elle appuya sur le bouton de l’ascenseur, les doigts légèrement tremblants, sans trop savoir pourquoi. Il était toujours aussi calme, cet instant entre la porte de l’appartement et l’arrivée dans le hall. Elle attendit, les pensées vagues, en fixant les chiffres lumineux de l’ascenseur. Le « ding » résonna, puis les portes s’ouvrirent.

Lena entra, le regard à moitié perdu dans ses pensées, prête à passer une journée comme les autres. Mais cette fois, quelque chose était différent.

Il était là.

Il se tenait dans l'angle, une silhouette imposante, un manteau anthracite parfaitement taillé qui soulignait la largeur de ses épaules. Une écharpe sombre, enroulée autour de son cou, semblait presque inviter au contact, comme un écrin autour de sa présence. Ses cheveux brun était en bataille. Il avait l’air détendu, mais son regard, ce regard gris acier, fixait droit devant lui, une lueur presque imperceptible dans ses yeux.

Quand les portes se refermèrent, il tourna lentement la tête, ses yeux capturant les siens, comme une main invisible qui la tirait dans son orbite.

Lena sentit un frisson léger, inexplicable, parcourir sa colonne vertébrale. Elle déglutit, son cœur battant plus fort qu’il ne le devrait. Son regard glissa sur lui, cherchant à se détacher, mais quelque chose dans l’air, dans cette proximité, l’empêchait de détourner les yeux. C’était une présence, une intensité palpable, comme un souffle chaud dans la pièce trop exiguë.

Quand enfin, il sourit, le coin de ses lèvres se soulevant avec une douceur inattendue, un sourire calme mais chargé de sous-entendus. Lena sentit son souffle se couper un instant, un mélange de gêne et d’attraction pure.

Sa voix, quand il parla, était grave, douce, comme un murmure dans l’espace clos de l’ascenseur.

— Bonjour, dit-il, le regard maintenant ancré dans le sien, sa voix résonnant d’une chaleur contenue.

Lena n’arrivait plus à respirer normalement. Le son de sa voix s'infiltrait sous sa peau, l’envahissant. Elle sentit la chaleur de son corps tout près, son parfum boisé, légèrement sucré, qui semblait se mêler à l’air, rendant chaque inspiration encore plus lourde, plus profonde.

— Bonjour… murmura-t-elle presque dans un souffle, sa propre voix perdant de sa force. Elle se sentit soudainement vulnérable, comme si tout en elle se dissolvait dans cet instant suspendu.

Ils restèrent là, l’espace clos de l’ascenseur leur offrant une intimité étrange. Lena chercha à cacher l’agitation qui bouillonnait en elle. Elle se força à regarder son téléphone, ses mains un peu tremblantes. Chaque mouvement semblait plus lent, plus lourd. Ses pensées se mêlaient, se perdaient, tandis que son esprit ne pouvait s’empêcher de se concentrer sur lui, sur la façon dont son regard caressait la pièce, se posait parfois sur elle, comme s’il mesurait chaque mouvement qu’elle faisait.

Les secondes s’étiraient. Le silence devenait plus épais, plus dense. La chaleur de son corps effleurait presque le sien, et Lena pouvait sentir son propre cœur battre plus fort. Un frisson remonta le long de son dos, mais elle garda les yeux rivés sur son écran, consciente de chaque geste, de chaque respiration. Et, en dépit de l’étrange calme qu’il dégageait, elle sentait la tension croissante, à la fois excitante et perturbante, entre eux.

Enfin, l’ascenseur s’arrêta. Le « ding » des portes sembla lui déchirer les pensées. Il s’effaça légèrement sur le côté, la laissant passer devant lui. Il lui offrit un sourire poli, un petit geste du bras, un raffinement qui accentua encore cette sensation d’élégance infinie.

Lena le remercia d’un simple regard, mais dans ses yeux, une question muette flottait déjà : « Pourquoi ne pas avoir vu quelqu’un comme lui plus tôt ? Pourquoi, maintenant ? »

Elle sortit précipitamment, son cœur battant à tout rompre, son esprit tourbillonnant. Le sol sous ses pieds semblait trop solide, trop réel, comme si tout ce qui s’était passé dans cet ascenseur était un rêve éveillé dont elle n’arrivait pas à se réveiller.

Le trajet jusqu’au bureau fut flou. Lena marchait dans les rues sans vraiment les voir, ses pensées tournées vers cet homme. Elle était une rédactrice talentueuse dans une agence de communication branchée du centre-ville, mais ce matin, les mots dansaient trop vite dans sa tête. Les phrases se bousculaient, se mélangeaient. Elle n’arrivait pas à se concentrer. Tout ce qu’elle revoyait, c’était le sourire de l’homme de l’ascenseur, son regard intense, son « Bonjour » qui sonnait presque comme une promesse.

Lena s'assit à son bureau, mais ses yeux ne parvenaient pas à se concentrer sur l'écran. Les mots dansaient devant elle, se mélangeant et se réarrangeant en une sorte de puzzle incompréhensible. Elle essaya de secouer la tête, comme pour faire disparaître les pensées envahissantes, mais le visage de l’homme dans l’ascenseur était toujours là, gravé dans son esprit. La chaleur de son sourire, le poids de son regard… Tout était si vivant dans sa tête qu'elle avait l’impression d’être encore dans l’ascenseur.

C'est alors qu'une voix familière, joyeuse et un peu moqueuse, fit irruption dans ses pensées.

— Lena, ça va ?

Gaëlle, sa collègue et meilleure amie, se tenait là, un café à la main. Ses cheveux blonds clairs, lâchés ou simplement attachés en une queue de cheval désinvolte, captaient la lumière avec une insouciance propre. Ses yeux verts, perçants, rieurs, semblaient toujours sur le point de lancer une pique tendre ou de deviner un secret. Elle avait cette présence à la fois solide et féline, une assurance tranquille dans la démarche, et ce sourire éclatant — irrésistible — qui avait le don de dérider Lena même dans ses pires jours. Un éclat de malice brillait dans son regard : elle savait, forcément, ce qui se tramait dans la tête de son amie.

— Tu fixes ton écran comme si tu venais d'apprendre que ta mère est une espionne russe.

Gaëlle s'installa sur le coin du bureau, posant son café avec un petit bruit sec. Elle se pencha légèrement en avant, ses yeux pétillant de curiosité.

— Non, c’est juste que… commença Lena, mais les mots se bloquèrent dans sa gorge. J’ai… rencontré quelqu’un ce matin.

Gaëlle écarquilla les yeux, ravie.

— Ah, voilà ! Ça sent la rencontre mystérieuse. Dis-moi tout, détaille-moi ça, c’est pas tous les jours que je te vois aussi… pensive.

Lena rougit un peu. Elle passa une main dans ses cheveux, hésitante.

— Il était beau ? Genre beau dans le sens où tu pourrais envisager de l’épouser après cinq minutes de conversation ? demanda Gaëlle avec un sourire malicieux.

Lena soupira, résignée.

— Oui, il était… grand, avec un manteau anthracite qui semblait fait sur mesure, tu vois, le genre d'homme qui semble sortir tout droit d’un film noir. Et ses yeux… mon dieu, ses yeux étaient gris, presque métalliques. J’ai… je crois que j’ai failli m’évanouir.

Gaëlle éclata de rire.

— Attends, attends. Tu es en train de me dire que tu as failli t’évanouir dans l'ascenseur ? À cause de ses yeux ?

Lena sentit ses joues chauffer.

— Non, mais vraiment, c’était… je sais pas. Il a dit bonjour, et c’est comme si le temps s’était arrêté. Et son sourire… tu sais, celui qui te dit « je suis un peu dangereux mais je vais quand même être charmant ». C’était ridicule. Mais tu vois, c’était… inexplicable.

Gaëlle leva les yeux au ciel, amusée.

— Inexplicable ? Attends, je crois que j’ai un truc pour ça.

Elle fouilla dans son sac et sortit une petite boîte de bonbons.

— Voilà ! Les bonbons magiques pour la rencontre qui fait battre le cœur. À manger tout de suite, et hop, le romantisme s’envole. Tu vois, je suis comme ta fée marraine.

Lena éclata de rire en attrapant la boîte.

— Sérieusement, Gaëlle…

— Non, mais sérieux, insista Gaëlle. Tu devrais l’avoir vu, toi aussi. Je parie que tu as arrêté de respirer juste pour mieux l’absorber !

Lena rit plus franchement.

— Peut-être bien.

— Bon, la prochaine fois que tu le croises, tu m’appelles. Je veux voir ton fameux homme dangereux en vrai. Je sens que ton cœur pourrait se faire voler en pleine journée !

Lena roula des yeux, un sourire collé aux lèvres.

— Arrête, je vais vraiment finir par m’évanouir.

— Tant que je suis là pour filmer la scène, ça me va, répondit Gaëlle en riant.

Le reste de la journée s’écoula dans une sorte de flou léger. Chaque sonnerie d'ascenseur ravivait chez Lena une tension douce et vibrante. Chaque silhouette croisée était scrutée avec espoir. Gaëlle, complice, n'arrêtait pas de lui envoyer des messages taquins.

Le soir venu, Lena rentra chez elle, lasse mais agitée. Elle appuya sur le bouton de l'ascenseur, le cœur battant fort... Mais cette fois, les portes s’ouvrirent sur le vide.

Un petit frisson la traversa. Elle monta, seule, un peu déçue.

Arrivée chez elle, elle troqua ses habits pour un pyjama confortable, lança sa playlist douce, se versa un bol de soupe qu’elle mangea devant une série qu’elle ne regardait pas vraiment. Ses pensées étaient ailleurs, prisonnières d'un regard gris, d'une voix grave.

Plus tard, elle s’installa près de sa guitare, ses doigts glissant instinctivement sur les cordes. Les notes résonnaient doucement dans l’appartement, écho parfait de son humeur flottante.

Chaque accord semblait murmurer l’écho de cette rencontre, à la fois irréelle et intensément présente.

Quand elle se glissa dans son lit, les yeux fixés sur le plafond obscur, une petite étincelle brillait encore, fragile mais tenace, au creux de sa poitrine.

— À demain, peut-être… murmura-t-elle avant de sombrer dans un sommeil léger, son cœur encore suspendu quelque part entre le rêve et la réalité.

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