CHAP 8 2-3
2
Elle établit un foyer, qu’elle entoure de gros sel, puis lance le feu. Elle s’assied, plongée sous sa capuche. Elle m’invite d’un geste à me tenir à ses côtés. Elle est triste, ou pas. Elle reste indéchiffrable. Nous fixons l’âtre, silencieux, rivés sur le bois sec qui se consume. Les flammes s’élèvent dans le jour mourant, puis déclinent à mesure que la nuit nous entoure, limpide, éclairée d’une grosse lune montante. Bientôt le feu est un tapis de braises rougeoyantes. Claire fouille dans son sac, en retire une de ses bourses.
— Votre main.
Je tends ma paume, elle y vide une demi-douzaine de champignons séchés. Une vilaine appréhension me tord les tripes, elle y coupe court :
— Vous allez rester là, plus entièrement que vous ne l’avez jamais été. Le voyage sera intérieur tout d’abord. Puis vous retrouverez votre place au sein du monde et devrez ensuite l’accepter. Cette étape sera la plus compliquée, mais je vous guiderai.
C’est la promesse d’un chemin de croix, mais elle sait de quoi elle parle. J’ingère le premier, mâche, c’est dégueulasse, ça a un goût âcre et amer. Je lutte pour ne pas recracher, avale les suivants en gobant, mais le goût persiste. Elle m’imite, faisant peser sur moi un regard brûlant que j’ai du mal à cerner. Puis elle extirpe mon doigt, qui continue de moisir dans son bocal. Qu’elle ouvre en ploc sonore. Elle le saisit à l’aide d’un morceau de tissu, le recouvre soigneusement, le balance au feu. L’emballage s’enflamme, la chair morte crépite en envoyant des flammèches par-dessus l’âtre, une odeur charbonneuse s’en dégage puis s’évapore. Ça a été vite réglé. Elle ranime le feu. Bientôt la chose disparaît complètement, consumée par le brasier. Je m’attendais à tout un cérémonial de danse vaudou et de trip mystique :
— C’est tout ?
— La chose qui a tué mon oncle est morte avec lui. Quant à vous, votre corps est déjà guéri. Mais il y avait… autre chose. Dont… je ne suis pas fière… À cet instant, vous êtes libre, Monsieur Deloupe. Demain, vous pourrez partir si vous le souhaitez, et faire comme bon vous semblera, concernant tout le reste. Je… je ne vous retiendrai plus, c’est une promesse. Mais vous devez rester au moins cette nuit, pour que je puisse guérir votre esprit.
Bizarrement, je ne ressens aucune différence. Encore un enfumage ? Ses yeux anxieux me persuadent du contraire. Et partir pour aller où ? Elle me lâche enfin la grappe, pourtant je ne suis plus si pressé de ne plus jouer les toutous. C’est difficilement explicable, vu ce qu’on s’est mis dans la gueule. Je pourrais me réfugier derrière ma quête de sa weed magique. Ou juste m’avouer que même si ça me dépasse, je l’aime bien. Juste un peu. Assez pour chercher à savoir si c’est réciproque.
— Et… si je veux revenir ?
Elle s’affaisse de soulagement, en se fendant d’un pauvre sourire :
— Pourquoi le voudriez-vous ?
Elle botte en touche, moi aussi :
— Parce que j’ai nulle part où aller. T’as pas un physique facile et t’es une vraie chieuse, mais Briac, c’est pire...
— Nous parlerons de l’avenir demain. En attendant…
De nouveau ce regard inédit. Un coup de langue sur ses lèvres, juste après son mordillement. Je ne comprends pas, déglutis difficilement, me demande quel sale coup elle va encore me jouer. La voilà qui se lance dans une tirade interminable d’explications :
— Un être, qu’il soit végétal, minéral ou animal, est composé d’un corps physique et d’un corps mystique, que nous appelons l’âme. Les êtres humains ont ceci de particulier qu’ils ont une conscience du monde qui leur est singulière, et leur permet de dissocier …
Je suis déjà largué, d’autant que je commence à être défoncé. Sa voix devient un flot monotone, ses yeux éclairent la nuit, je suis scotché.
— … C’est pourquoi, lorsqu’une âme en perdition perd la conscience de…
Bordel, je suis stone, j’ai la tête qui me tombe sur le torse, quinze fois parce que le mouvement se répète en échos.
— … Nos âmes se connaissent déjà, nos être mystiques ont pu communiquer lors…
Qu’elle la boucle et qu’on en finisse, je ne vais pas donner le change longtemps.
— … Nous allons donc avoir une relation charnelle, si vous êtes d’accord.
Ma réaction physiologique précède ma compréhension : j’ai chopé une demie molle. J’ai dû mal entendre, perturbé par les champis, qui commencent à monter sérieusement. Pourtant, j’ai soudainement récupéré un semblant de lucidité. Elle continue de m’observer, tout à fait sérieuse.
— Hein ?
— Nous allons avoir une relation charnelle, si vous êtes d’accord.
Cette fois-ci, je suis au taquet, mais j’ai du mal à y croire :
— On va b… Un rapport sexuel, tu veux dire ?
— Oui, monsieur Deloupe. Un rapport sexuel.
Je ne peux pas m’empêcher de lui retourner un sourire de bête affamée, qui contredit mes propos :
— Bordel, Lefloch, j’espère juste être trop défoncé pour m’en souvenir.
C’est plus fort que moi, de sortir des vannes foireuses. J’ai réussi à la vexer :
— J’admets avoir espéré y trouver du réconfort, mais je connais d’autres méthodes qui...
— Non ! Non. Non… Après tout, je peux bien te rendre ce service…
Yes ! Mais non. Attention aux choses qu’on veut trop fort. J’ai peur soudain, de ne pas bander, de venir en deux/deux, de tout un tas d’autres choses. Je suis comme un minot avant sa première fois, trop excité, trop flippé. Mais non, bordel ! Quand faut y aller, faut y aller et j’attends ça depuis… Les champis continuent de me suriner le cortex. Je résiste. Avant et pendant ma rousse, j’ai enchaîné les gonzesses comme on enfile les perles, juste histoire de me vider les burnes. Là, c’est un peu différent, je veux faire les choses bien. Parce que j’éprouve pour elle une chose inédite : du respect. Pas bon, Deloupe. Ça sent le baise couillon. Mais dans « baise couillon » il y a « baise ». Fuck, je vais y aller. La méfiance s’évapore. Elle m’attire entièrement, depuis toujours. C’est la seul impression qui persiste. Je m’en fous, je plonge, de toute façon j’étais mal barré. C’est moi le mâle mature. C’est à moi de prendre les devants avec cette midinette :
— Ok, Lefloch. Je vais commencer par un broute minou, sûr que ça va te détendre.
— Je suis la dernière de ma lignée, Guy. C’est un peu vertigineux, même pour moi. Tes considérations triviales me ramènent parfois les pieds sur terre, mais s’il te plaît…
Elle bascule contre mon torse, mine de rien, les mains dans les poches, tout en observant le ciel.
— … sois un peu délicat, une fois n’est pas coutume.
Le genre câlin romantique, c’est pas trop mon truc et je vois pas trop le problème du cuni. Pas grave, je suis pas fan. Mais ça en prend le chemin, on va le faire… J’ai compris, passe mon bras autour d’elle, délicatement. J’ose à peine. Doucement mais sûrement, c’est la consigne.
— Ok, Lefl… Ok, Claire. Désolé.
Je la serre, un peu quand même, pour le réconfort. On en a besoin tous les deux et ça n’est pas désagréable. Son contact me fait le même effet que sa beuh. Mes nerfs se relâchent, je suis défoncé. Je veux plus, passe sous son sweat pour caresser son abdomen. Un bref sursaut, mais...
— Continue.
Je caresse son ventre jusqu’à ce que son souffle se détende. Toucher sa peau me met en état second, ça surpasse la beuh et les champis. Il n’y a plus qu’elle, c’est la seule responsable, aucune drogue n’est capable d’entraîner ça. Je me laisse partir, caresse la base de son sein, son souffle devient ample, je dévie jusqu’à son sexe et effleure sa vulve, elle est humide. Elle lâche prise, encore, je plonge un doigt. Une plainte lascive, c’est doux, je m’accorde au rythme de sa respiration, naturellement. Doucement, mais surement, je sais ne pas comment, mais oui, elle me défonce. Je continue, elle gémit, je m’enfonce, elle gémit encore plus. Maintenant, je veux vraiment la goûter.
Une vague arrive, un véritable raz-de-marée. Je suis sans-dessus-dessous, je bascule au sol, l’entraînant avec moi. Par-dessus la poussée, elle vibre entre mes bras. Je suis emporté, ne capte plus rien. Elle est à califourchon sur moi quand j’émerge, à poil. Elle entreprend de déboutonner ma chemise en me massant le torse, finit par l’arracher, impatiente. La délicatesse à fait long feu. Ses yeux brûlent dans la nuit, littéralement. Les hallucinations commencent. Elle se cambre, son geste laisse une empreinte laiteuse dans l’obscurité. Je tente de me contenir, je ne veux rien manquer. Elle vibre encore, suspendant son geste, emportée à son tour par une montée. Ses yeux sont révulsés par la drogue, plus grands que jamais. Elle étire un sourire crispé et mécanique, presque flippant. Moi aussi, je souris nerveusement, les champis font leur œuvre.
Elle déboutonne mon jean, saisit ma queue, imprime un va et vient rugueux. Je bande comme un taureau, j’ai peur de venir trop vite. Je tente de m’en détacher, mais elle insiste, embrasse mon torse en baisés énergiques. Son sourire s’étend, sauvage, ses yeux luisent jusqu’à la folie. Je ne la reconnais plus, je ne sais plus qui je baise. Une nouvelle poussée me submerge, elle se fend d’un rire nerveux et bizarre :
— Euheu !
Elle se redresse et m’observe, hallucinée.
— Euheu ! Euheu !
Son torse se soulève en hoquet à chacun de ses rires, l’effet est d’un haut ridicule. Je ris à mon tour de la voir dans cet état. Nous nous confondons en un concert hystérique.
— Euheu ! Euheu ! Euheu !
Je ris jusqu’à en hurler, ça devient douloureux. Une nouvelle vague arrive, l’ascension se poursuit, quand je pensais être déjà perché. Elle m’embrasse de nouveau, me mordille, partout, violemment, en poussant de petits cris rauques et animaux. Je lui réponds de mon fou rire continu mais ça n’a plus rien de drôle, je n’arrive plus à respirer, mon torse se comprime douloureusement. Elle s’en fout, frotte son sexe contre mon ventre, les bras et le visage tendus vers le ciel. Je ne contrôle plus rien, je m’entends toujours rire, mais c’est lointain. Ça raisonne, je me perds, me retrouve coincé en plein bad-trip. Je n’ai pas atteint la crête, ça continue de pousser, je m’enfonce dans le sol, je pèse une tonne. Je me désagrège dans la terre, emprisonné par la gravité décuplée.
— Laisse-toi aller… Guy Deloupe n’a jamais existé, pas plus que Claire Lefloch. Ils ne sont qu’une partie insignifiante de toute chose. Laisse ton ego mourir.
Sa voix est tranquille, moi aussi de nouveau. Elle revient, à plat ventre sur moi, bras et jambes ballants sur les côtés. Elle m’entoure, le visage collé à mon torse. Elle me prodigue sa chaleur, elle est douce, son souffle retentit sur le mien, je suis pris d’une nouvelle bouffée d’excitation. Je la veux, ça surpasse tout.
Par-dessus le feu, le chien m’observe de ses yeux noirs et profonds. Sa bave gluante suinte de sa gueule fermée. Il ne va pas me gâcher ce moment, bordel !
— Dégage, sale bête !
— Non, laisse-le. Il a toujours été là.
Sa voix raisonne, prégnante, mais elle a disparu. Ils ont disparu tous les deux. Est-ce que c’est un souvenir ? Une hallucination ? Un saut dans le temps ? Elle danse autour du feu, autour de moi, exécute sa danse tribale jusqu’à disparaître de nouveau. Je suis assailli d’une nouvelle poussée, je me fracasse contre mon crâne, je tombe dans un puits sans fond. Je la sens de nouveau, qui m’accompagne :
— N’ai pas peur. Laisse-toi mourir et reviens.
Je continue de lutter. Je la veux. Mais je suis trop lourd, prisonnier du compte à rebours mortel de cet amas de chair pourrissant, incapable de la satisfaire. Je lève un bras implorant, ma main pénètre mon champ de vision. Je l’observe, me perds à contempler sa mécanique complexe, elle n’est qu’une extension lointaine de mon vaisseau mourant. Elle bouge, elle souffre, elle vit, indépendante, je ne suis que son hôte. Je me cherche dans mon propre corps sans me trouver, je n’existe pas, rien n’existe, je ne suis qu’un souffle de conscience au milieu de rien. Encore une poussée, vertigineuse, quand je réalise cette désuétude. Je hurle mais rien ne sort, je meurs encore malgré son souffle, que je sens sur moi. Il n’y a plus qu’elle.
— Chhhhh.
Je reconnais ce son, il me berce, je m’oublie. C’est comme si elle avait soufflé une bougie, tout s’éteint d’un coup, je suis liquéfié dans le néant. Je ne suis plus qu’un flot de pensées qui se tarit jusqu’au silence. Je me contente d’être, puis de ne plus être.
Une inspiration profonde, la vie me gagne puissamment. Je la veux, c’est ma première pensée. Je reviens, je suis perché, toujours, mais mes sens sont en éveil comme jamais.
— Regarde.
J’entends sa voix, mais elle a disparu. J’écoute, appréhende mon environnement d’une manière nouvelle. Je scotche sur un brin d’herbe, la vie pulse, puissante dans ses nervures. Elle pulse à travers moi, elle pulse partout. Je me lève, au milieu de la nuit éclairée par la lune. Le feu s’est consumé, mais j’y vois comme en plein jour. Un vent tiède caresse ma peau, les arbres bruissent à l’orée de la clairière, d’un même mouvement. Je suis enfin à ma place, j’appartiens à un tout, à la terre, au ciel, aux étoiles, à l’espace. Je vibre de tout mon être, une énergie puissante me galvanise, un hurlement de désir franchit mes lèvres, pour s’élever jusqu’à la lune. La vie nocturne réagit autour de moi, elle se tait de révérence parce que dans la chaîne, j’occupe la première place. Claire a disparu, alors que tout mon être la réclame. J’ai faim d’elle, ça réveille mon instinct de chasse. Je ne suis plus seul, la bête m’accompagne. Je la sens fichée partout, jusque dans mon crâne, nous ne sommes plus qu’un. Je regarde. Je vois, je sens, quelque part au milieu des arbres. Il y a un chemin. Je m’élance sans réfléchir, suivant sa piste invisible. Mes mouvements sont fluides et agiles, je cours sans me blesser, conscient de chaque caillou sous mes talons, du moindre copeau de bois sur lequel je retombe. Les branches me fouettent sans m’entamer, elles réveillent mon sang. Pas une seconde je ne réfléchis, au contraire, ma course devient rageuse, de plus en plus animale. Mon corps se tord vers l’avant, mes bras pendent par-dessus mon torse, puis moulinent la végétation qui gêne ma progression. Ma queue cogne contre mes cuisses jusqu’à pointer. Je sens qu’elle est proche, je ralentis, aux aguets.
J’émerge sur une autre clairière, baignée de lumière nocturne. Elle est là, tournoyant en danse tribale sous la lune. Les mêmes mouvements qu’elle exécutait tout à l’heure autour du feu. Elle a senti ma présence, elle s’arrête. J’observe les courbures de son dos, la bave aux lèvres. Je veux qu’elle me veuille, j’attends son appel. Elle pivote, son regard puissant traverse la nuit jusqu’à moi. Elle est en double, habitée par cette entité que j’ai vue dans mes visions. Je ne la crains plus, je vais la dégager, je n’en veux qu’une, juste elle. Elle(s) m’invite(nt) d’un sourire, je m’élance sans plus attendre. Je la saisis par les hanches puis la soulève, elle est légère mais consistante, je la pénètre sans préambule en la retenant par le cul, alors qu’elle s’accroche à mon cou. C’est doux et brutal. Je veux la voir, la saisis par la nuque, la ramène sur moi, plonge mon regard halluciné dans le sien. C’est elle que je veux, je l’attrape par ce lien qui nous unit en ignorant l’autre, il n’y a plus qu’elle. Non, je n’en baiserai pas d’autres. Elle gémit d’impatience, elle est douce et chaude, j’imprime le va et vient en un rythme de plus en plus effréné. Elle m’accompagne, s’agrippant contre mon torse, griffant mon dos en poussant de petits grognements rauques. Juste nous deux. Nous tournons, le coït devient une danse bestiale et furieuse. Je la transporte d’un bout à l’autre de la clairière, la lâche pour la couvrir de caresses, alors qu’elle s’agrippe toujours, les jambes passées autour de ma taille. Sa peau est presque liquide, j’en parcours la moindre parcelle. On s’embrasse, nos langues tournoient d’un même élan, nos fluides se mélangent en même temps que nos âmes. Nous ne formons plus qu’un, nous nous enlaçons en une rythmique chaotique qui n’appartient qu’à nous. Elle vibre entre mes bras, jouit en hurlant au ciel, ne s’arrête plus alors que je la pénètre de plus en plus frénétiquement. Je la lâche, la retourne au sol, la prends en levrette alors qu’elle continue de jouir, le visage en sueur déformé par le plaisir, sa bouche grande ouverte n’émet plus qu’un son étranglé. Je me penche sur elle, saisis ses seins à pleines mains. Je la recouvre totalement, nos peaux sont en fusion. Je pétris sa poitrine alors qu’elle continue de gémir. Au moins à cet instant, je la possède, elle est toute à moi, je la tiens par cet orgasme qui ne s’arrête pas. Ça me fait jouir aussi, si intensément que tous mes muscles se tendent. J’arque violemment vers l’arrière en lâchant un cri bestial. Je me relâche et retombe sur son dos, le visage affalé dans le creux de sa nuque. Nos souffles haletants se confondent un instant, avant que nous basculions sur le côté. Elle se blottit contre mon torse, caressant doucement ma poitrine, m’observe en silence de ses yeux magnifiques, en plissant un demi-sourire. Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau. Puis ses caresses descendent jusque à mon entrejambe, qu’elle entreprend de ranimer.
3
J’émerge à l’aube, allongé à poil sur un tapis d’herbe, Claire dort sur mon torse. On l’a vraiment fait et c’était magique, comme tout ce qui la concerne. J’ai l’impression d’être passé à la lessiveuse. J’ai des courbatures partout, ma gueule est dans un étau, ma bite me lance, mais je suis bien. À voir son état de relâchement, elle aussi a dû avoir son compte. Je songe un instant à la réveiller pour remettre ça, mais le moindre geste est une torture pour mes muscles, et Paupaule est kaput entre mes cuisses. Je suis vidé. Après tout, il me reste le moment présent. Je l’observe dormir, son souffle soulève sa poitrine en mouvement apaisé. J’attrape une mèche rebelle qui tombe sur ses lèvres, l’écarte doucement. Elle ouvre les yeux, me toise en silence. Une vague de bien être m’envahit, je pourrais passer l’éternité à la contempler comme ça. Je lui adresse un sourire, elle plisse ses yeux écarquillés, me rend un sourire de farfadet, me gratifie d’une petite tape sur le crâne, puis se rendort aussi sec, sur ces deux mots que j’aurais voulu ne jamais entendre :
— Bon chien.
C’était quoi ça, bordel ? Un compliment ?
Annotations
Versions