Acte 2, chapitre 8 - Ami d'enfance

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Alison se réveille, les images du cauchemar végétal encore fraîches dans son esprit. Elle fixe le plafond délabré, envahi par des taches de moisissure qui semblent se contorsionner sous son regard, ressentant soudainement une sensation de malaise, mais elle chasse rapidement ces pensées de sa tête. Elle se lève avec détermination, les pieds touchant le sol froid et irrégulier de la chambre d'hôtel. Son visage affiche une expression grave et concentrée. Le jour j est enfin arrivée.

La peur domine la jeune femme plus que jamais, mais cette dernière fait preuve de sang-froid et joue la transparence. Elle décide de prendre une dernière douche chaude pour se réconforter, dans cette salle de bains cradingue, cherchant un bref moment de répit avant de pénétrer en enfer.

Mais pendant que l'eau coule le long de son corps, des flashs de son petit-frère viennent faire intrusion dans son esprit. La jeune femme se remémore son sourire, sa frivolité, son innocence de petit garçon... elle serre les poings. Alison est convaincue qu'il y est vraiment, qu'il l'attend à Death Pines.

— C'est aujourd'hui. Merde, je suis en stress, j'ai peur, je tremble de partout. Mais tu me donnes du courage, Joshua. Car tu es en vie, petit-frère. Je le sens, je le sais. Si ce n'était pas le cas, je n'aurais pas pris le train jusqu'à Alderton. On rentrera ensemble promis. J'arrive.

Une fois bien réveillée et relaxée, elle quitte la salle de bains, s'habille rapidement, attrape son sac à dos, y range méticuleusement toutes ses affaires, et quitte la chambre d'hôtel.

En marchant dans le couloir, une odeur nauséabonde embaûme le couloir du premier étage. L'émanation putride monte aux narines de la jeune femme, qui préfère ne pas y prêter attention et poursuit rapidement sa descente vers le hall principal lugubre. Elle se dirige vers le comptoir où l'agent d'accueil somnole profondément.

Elle dépose les clés de sa chambre de motel sur le comptoir, espérant passer inaperçue. Cependant, son regard se porte sur la caisse enregistreuse, étrangement ouverte et contenant une somme importante d'argent en billets verts.

— Comment ils peuvent avoir autant d'argent dans ce motel dégueulasse ?

La tentation s'empare d'Alison face à cette opportunité. Sans aucun remords, Alison rentabilse en volant l'argent se trouvant dans la caisse pour la nuit horrible qu'elle a passée dans la chambre 104.

— Ce motel mériterait d'être incendié ! dit-elle en se barrant discrètement.

Elle récupère les 45 dollars qu'elle a dépensés pour sa réservation, et bien plus encore. Elle glisse l'argent dans une poche de son sac à dos.

— Bye, bye !

Quand soudain, une mystérieuse voix la fait sursauter.

"Tu penses vivre dans un monde sans conséquences depuis bien trop longtemps, Alison Baker !"

— Hein ?!

Elle se retourne lentement, la peur au ventre, et voit le réceptionniste se transformer en un monstre hideux, se dandinant d'une façon étrange et malaisante vers la jeune femme qui se rue vers la porte d'entrée. Mais cette dernière se referme violemment sous son nez. Alison essaie de l'ouvrir, mais il ne se passe rien. L'abomination continue de se diriger vers elle. La respiration d'Alison devient irrégulière, altérée par sa couardise.

Elle remonte les escaliers pour échapper à ce dernier, mais se rend qu'elle est bloquée par d'autres monstres venant des étages supérieurs. Bouche bée, Alison resdescend dans le hall principal et se fait attraper par le réceptionniste et les autres monstres qui lui déchiquette les entrailles. La jeune femme hurle de terreur, quand soudain, tout redevient normal. Son premier coup d'oeil se porte vers l'hôte du motel toujours profondément endormi. Elle reprend son souffle rapidement et quitte l'établissement en courant.

***

Alison erre désormais dans les rues d'Alderton, l'esprit accaparé par son voyage imminent à Death Pines. Ses pensées l'occupent tellement, qu'elle finit par bousculer des passants. Elle se fait insulter de tous les noms par ces derniers, mais elle fait comme si rien de tout ça n'était réel et continue sa route. Soudain, les souvenirs lui reviennent, à la fois doux-amers et obsédants, lorsqu'elle tombe sur le supermarché où sa mère adorait faire ses courses. En entrant à l'intérieur, elle constate que rien n'a changé.

Elle avait l'habitude de le fréquenter avec sa mère et Joshua pour faire les courses du mois ou pour acheter des churros et des glaces à la vendeuse à la sauvette qui se trouvait toujours devant le supermarché. Il y a du monde à l'intérieur. La jeune femme ne perd pas de temps et se rue au rayon petit-déjeuner pour choper du pain de mie et des brioches.

Elle continue sa flânerie dans le grand froid afin de prendre des tranches de jambon, puis au rayon soda pour attraper trois packs de petites bouteilles d'eau de marque Naya et deux boissons gazeuses Moutain Dew Voltage, sa marque préférée. Pour finir, elle se rend à l'étalage des confiseries, où elle prend des Sneakers, des Mars et des Twixs.

Elle fourre tout dans son sac et se dirige vers les caisses pour aller faire la queue. Il y a au moins cinq personnes devant elle. Elle pose les packs par terre et attend sagement son tour. Soudain elle surprend une conversation entre un jeune adolescent et une vieille femme sur la forêt Death Pines. Elle se rapproche un peu dans le but d'entendre explicitement les ouïs dires de ces derniers.

— Toutes ces personnes disparus... pourquoi n'a-t-on jamais pensé à brûler cette forêt maudite ?

— Oh crois-moi... ils ont essayés... mais la forêt les a attirés dans ses filets. Et nous n'avons plus jamais entendu parler d'eux.

— Alors comment faire pour pallier à toutes ses disparitions ?

— Oh, il nous reste un dernier espoir, dit la vieille femme en se retournant vers Alison.

Alison est effrayée par le regard inquiétant de la vieille femme, quand tout à coup, la jeune femme est à nouveau prise de violents maux de tête : le cauchemar se saisit à nouveau de son esprit torturé. L'air devient alourdissant et elle se retrouve plongée dans une vision écoeurante de Death Pines. Des lianes tordues serpentent dans les allées, tendant des vrilles épineuses qui semblent se moquer de sa présence. Les caisses se transforment en des formes grotesques, suintant la pourriture, et des chuchotements sinistres résonnaient à ses oreilles.

Les personnes présentes se changent en monstres difformes et hideux à l'odeur du sang et de cadavre. Ils se dirigent tous vers elle. La jeune femme tente de les fuir, mais l'entrée est bloquée par des branches épineuses ensanglantées. Elle se retourne et fait face à tous ses monstres. Sa respiration saccade, son coeur palpite, alors qu'ils commencent à attraper la jeune femme de toutes parts dans le but de l'écarteler. Alison hurle d'angoisse et de douleur, lorsque ses membres sont sur le point d'être déchiqueté.

— À l'aide !!!! Aidez-moi !!!

Submergée par l'horreur et le désespoir, Alison est le point de se faire tuer, lorsque soudain, le cauchemar végétal s'estompe et laisse place au monde normal. Elle reprend connaissance et constate qu'elle est allongée au sol, à la vue de tous.

— Elle est là, sheriff Hunter, dit une personne qui dirige l'Homme de Loi vers Alison.

— Merci, je m'en occupe désormais, merci.

L'homme s'agenouille près de la jeune femme encore en dans les vapes. Jeremiah Hunter, le shérif d'Alderton, est un homme d'une trentaine d'années au visage buriné par le soleil et les intempéries. Ses yeux perçants, d'un bleu acier, sont capables de sonder les âmes les plus sombres. Ses cheveux noirs, légèrement grisonnants sur les tempes, témoigne de son engagement envers l'ordre et la discipline. Son visage est marqué par des traits durs, parallèles des nombreuses épreuves qu'il a traversées ces dernières années. Sa carrure imposante lui confère du respect et loyauté auprès de ses collègues, mais aussi des habitants.

Une légère cicatrice traverse discrètement son front, qu'Alison reconnut tout de suite. C'était suite à une violente bagarre en avril 2013 avec Johnny Kellermann, la brute de Alderton High. Ce jour-là, ce dernier menaçait de faire du mal à Alison après qu'elle lui ait sauvagement asséné plusieurs coup de stylo au visage pour l'avoir agressé sexuellement en lui touchant les seins et les fesses sans son consentement lors du cours de natation. L'adolescente était prête à en découdre avec lui, mais Jeremiah, amoureux d'elle à l'époque, s'est interposé pour se battre à sa place.

Il finit par terrasser Johnny, mais finit à l'hôpital, la moitié de la peau de son visage pendouillante et sanguinolant. Depuis ce jour, ce dernier n'a céssé d'aimer Alison, mais elle n'a jamais voulu entamer de relation avec lui à cause de ses problèmes familliaux. Aujourd'hui, Jeremiah est mariée à Summer Stranger et il est le plus heureux du monde. Ce dernier tend une main amicale à son amour d'ado. La jeune femme accepte sans hésiter et ils se relèvent en même temps.

— Jeremiah. Ça fait longtemps.

— Effectivement. Ça fait vingt ans exactement. Qu'est-ce qui t'amène de nouveau dans ce trou paumé ? Il n'y a plus rien pour toi ici. Ou pour personne d'autre d'ailleurs.

— Je viens sauver mon frère Joshua. Il est en vie dans la forêt de Death Pines.

— Quoi ? Comment est-ce que...

— Écoute, je n'ai pas le temps là. Je dois m'y rendre maintenant, dit-elle en mettant ses articles sur le tapis roulant de la caisse.

— Il faut que tu m'expliques, Alison. Et pourquoi tu t'es évanouie dans le supermarché ? Tu es sûre que tu vas bien ?

— Oui, je vais très bien ! Si tu veux que je t'expliques tout, tu vas devoir me conduire à Death Pines. Je te dirais tout sur la route, répond-elle en payant ses courses.

— C'est d'accord. Mais que ce soit bien clair, si je trouve que ton histoire ne tient pas la route, on fait tout de suite demi-tour. C'est compris ? Tu n'as même pas idée du danger qu'est cette forêt.

— Crois-moi, je le sais. C'est pour ça que je veux m'y rendre malgré tout pour sortir Joshua de cet enfer.

Alison et Jeremiah se dirigèrent d'un pas déterminé vers la voiture du shérif garée non loin de là. La voiture, une robuste berline noire aux lignes anguleuses, semblait prête à affronter tous les obstacles sur son chemin. Les phares perçants et les vitres teintées se fondent dans cette atmosphère sombre et brumeuse qui entoure la ville d'Alderton.

Jeremiah ouvre la portière du côté conducteur et s'installe derrière le volant avec une assurance tranquille. Il ajuste rapidement les rétroviseurs, allume le moteur d'un geste sûr, et le grondement puissant du V8 se fit entendre à travers le faible clapotis de la pluie.

Alison prend place à côté de Jeremiah et laisse son regard se perdre un instant sur l'habitacle éclairé d'une lueur tamisée. Les instruments de bord brillent d'un éclat discret, tandis que l'odeur caractéristique du cuir imprègne l'intérieur du véhicule. Elle se sent en sécurité dans cet environnement, entourée de la présence rassurante de son ami de toujours.

Les mains expertes de Jeremiah saisissent le volant et démarre l'auto sans attendre. Il engage la première vitesse et la voiture se met en mouvement, glissant sur l'asphalte avec une fluidité impressionnante. Les phares illuminent la route sinueuse qui s'étend devant eux, pénétrant les ténèbres environnantes et révélant fugacement les silhouettes fantomatiques des arbres bordant la route. Il se met à regarder sérieusement Alison dans les yeux, puis lui dit :

— Allez, raconte ton histoire, Alison.

Alison se frotte nerveusement les mains.

— Ok, je vais tout te raconter. Mais il faut que tu gardes l'esprit ouvert. Car tout ce que je vais te déballer, dépassera tout ce que tu imagines.

— Crois-moi, je suis prêt à l'entendre.

— Très bien... alors...

Alison fixe son regard sur l'horizon obscur, mêlant anticipation, peur, stress et appréhension, se préparant mentalement à ce qui l'attend au cœur de la sinistre forêt.

Le voyage vers Death Pines a commencé.

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