Peinture elle-même

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Car, pour longtemps, nous ne connaîtrons du monde que son arche de terre et ses assises racinaires. Le dialogue que souhaite instaurer le couple Bazelitz-Kroll en nous visitant à partir de nos fondations, c'est seulement, en obturant le Sujet, faire apparaître l'Objet, à savoir la Peinture elle-même dans le procès qu'elle entretient avec l'exister, dont, souvent, elle ressort, incomprise. C'est parce que nous nous réfugions toujours dans des fuites et des pensées légères que nous nous évinçons de la lourdeur du vivre, cette pesanteur, cette "pâte même des choses" (Sartre - La nausée) qui nous détermine en nos assises et que nous feignons d'ignorer. Pour la plupart, anti-Roquentin, anti-existentialistes qui refusons de voir la racine sous le banc du jardin public de Bouville, de creuser la glaise jusqu'en ses derniers retranchements, souhaitant briller de la belle vêture de l'uranie avant même que la mue soit terminée, refusant le stade de la larve, de l'œuf. De l'imaginal nous n'acceptons que le stade terminal de la mue. C'est à une saisie de l'origine que nous sommes conviés dans ces œuvres, lesquelles, plutôt que de flatter nos feuillaisons nous renversent jusqu'à nos racines. L'exister-en-soi; la peinture-en-soi comme demeure première et dernière de toute aperception du réel. Mais écoutons Bazelitz dont le concept radical de peinture inversée permet de revenir aux fondements :

« vider ce qu’on peint de son contenu pour se tourner vers la peinture en soi ».

Au départ, au premier coup d'œil, alors que la "conversion du regard" que la phénoménologie appelle de ses vœux n'avait pas encore trouvé le lieu où apparaître, nous avions intuitivement pensé à une représentation symbolique du Mythe de Sisyphe.

Le personnage y apparaît comme écrasé sous le poids d'un rocher - d'un destin - qui semble vouloir l'anéantir. Une première interprétation de l'image nous incline à un sentiment du tragique, mais il semble qu'il soit nécessaire de reconduire le personnage mythologique à une conception plus camusienne de ce qui ne semble s'illustrer que sous la figure de l'absurde. Ici, il faut faire nôtre la belle formule de Kuki Shuzo, lequel affirme : « il faut imaginer Sisyphe heureux », cette phrase faisant sens à identifier Sisyphe à une action à laquelle il trouve du bonheur à seulement l'accomplir, comme une fin en soi. C'est dans cette même inclination de la pensée que nous considèrerons l'Artiste dans son travail éternellement recommencé, comme disposé à une signification qui le dépasse mais, pour autant, ne l'annule pas. Bien au contraire, la lutte contre l'existence est cette perpétuelle tension pour parvenir à l'essence. Celle-ci, l'essence, nous la recherchons, Acteurs ou bien Voyeurs des œuvres. C'est pour cette unique raison qu'il y a des Hommes, des Femmes, des Artistes qui visent le monde de telle ou telle manière, mais qui, nécessairement le visent, c'est-à-dire y introduisent du sens. Regardons et comprenons.

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