28) Ellipse

Une minute de lecture

Six semaines s'écoulèrent, au cours desquelles de nouvelles routines prirent naturellement forme.

Tous les deux ou trois jours, Vanessa faisait un saut au 72bis pour emporter quelques affaires. Elle se laissait parfois tentée par l'un des cocktails de Joëlle ; d'autres fois elle confrontait l'humeur grave de Perrine, que l'approche du mariage et les pressions diverses n'attendrissaient en rien ; mais la plupart du temps elle opérait en douce, tel un cambrioleur sous son propre toit.

Chaque matin, du lundi au vendredi, Vanessa s'éveillait dans le lit de Nelly, lui préparait son petit-déjeuner. Puis elles grimpaient toutes deux dans la voiture de fonction. L'enquêtrice déposait sa compagne à la bibliothèque avant de faire route jusqu'au poste central.

De jour en jour, de nouveaux dossiers s’amoncelaient sur le bureau du brigadier Walter, filant de crime en crime dans les quartiers malfamés. Le Major Lacroix s'échinait à boucler toutes ces affaires de veuves dont aucun de ses subordonnés ne voulait plus. Guère plus motivée, la jeune Joëlle continuait de distribuer des contraventions en attendant qu'une place plus gratifiante se libère – et les veuves à vrai dire ne la rebutaient pas. Entre deux autopsies, Charlène passait au pas de course chez le traiteur et se disait sans même en rire que les viandes et poissons croupis sur les étals seraient mieux conservés dans la chambre froide du quatrième sous-sol. Quant à Nelly, elle rangeait des livres sur des étagères, signait des bons de commandes, aiguillait les clients, en attendant que sa belle passe la récupérer en fin d'après-midi.

Les week-ends étaient pour les unes des bulles arrachées à la dictature horaire où quelques escapades savoureusement banales – un film au cinéma, une balade à vélo ou un verre en terrasse – ponctuaient des plaisirs plus lascifs. Pour d'autres, c'était une avalanche de paperasse non-traitée, de plans de table à revoir, d'affaires urgentes qui rappelaient au travail ou de cocktails fiévreux. La vie battait son plein, dans la joie extasiée, dans l'ivresse névrosée, et jusqu'à l'épuisement.

Pendant ce temps, le dossier IC-55 dormait dans un tiroir.

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