Chapitre 2

7 minutes de lecture

Let’s Go Crazy - Prince


(Si vous l’écoutez en même temps que vous lisez, la musique devrait à peu près coller aux scènes du chapitre)


— T’aimes ça ?

— Ouais, putain, Alec ! Encore !

Je penche légèrement la bougie et fais couler encore quelques gouttes de cire fondue le long de son torse. Je le vois se tortiller dans tous les sens, avec des gémissements trahissant son mélange de plaisir et de douleur. Il gigote trop, je dois réajuster le bandeau sur ses yeux. Il ne faudrait surtout pas qu’il voie ce que je suis en train de lui préparer…

Je ne sais même pas comment il s’appelle, ni ce qu’il fait dans la vie, l’âge qu’il a… Son profil Grindr était à peu près vide, je n’avais qu’une pauvre photo de son torse, où on le voit clairement rentrer le ventre, avec quelques infos à propos de ses délires et fantasmes. Notre conversation avant de se voir se résume à une dizaine de messages en tout, le strict nécessaire pour la politesse, le lieu et l’heure de rencontre. 

Rien de plus.

Je lui donne un petit coup de fouet sur les couilles, et ça lui arrache un cri très peu viril. Je grimace moi-même en imaginant la douleur que ça a pu lui procurer. Comment il peut aimer ça, sérieusement ?

— Donne-moi ta bite, je t’en supplie ! J’veux trop te sucer ! me dit-il, essoufflé.

Bon, je crois que c’est le moment de mettre mon petit plan à exécution, je n’ai pas envie que sa bouche me touche. Rien que de m’imaginer la scène… ça me dégoûte !

– Un peu de patience, c’est moi qui décide, je te rappelle !

Je commence alors doucement à reculer, en essayant de faire le moins de bruit possible. Je saisis alors mon pantalon et commence à me rhabiller. Le bruit du tissu contre ma peau est trop fort, je le vois froncer les sourcils et lever la tête. Heureusement que je viens de lui remettre son bandeau bien sur les yeux. 

Place maintenant à la phase la plus délicate : je m’accroupis devant son sac, posé contre la commode à l’entrée de la chambre, et commence à fouiller à l’intérieur. À ma plus grande déception, je n’y trouve qu’une bouteille d’eau, un bloc-notes et un déo. Il est venu avec le strict minimum…

– Qu’est-ce que tu fous ? me hurle-t-il.

Merde. Là, il a l’air d’avoir compris. Je m’arrête brusquement de bouger, je retiens même ma respiration pour ne plus faire de bruit. La corde qui l’attache au lit est tendue, il ne bande plus du tout et grince des dents. Il faut que je trouve un truc à lui répondre pour gagner du temps, et vite. Je réponds alors, sur le ton le plus froid et autoritaire possible :

– Je t’ai pas autorisé à poser des questions, il me semble.

Même à mes propres oreilles, ça sonne faux. Mais c’est pas grave, j’aurai au moins semé la confusion dans son esprit.

Je me dis que j’aurais plus de chance avec sa veste, posée sur le dossier de la chaise. Et bingo : un portefeuille, avec quelques billets à l’intérieur.

Ce gars a l’air gentil, je vais quand même prendre le soin de lui laisser sa carte d’identité et son pass Navigo. Je n’ai besoin que des billets et de ses cartes bancaires pour m’acheter deux ou trois conneries au Franprix.

– Eh ! Me prends pas pour un con !  

Là, le lit commence sérieusement à grincer, je le vois se remuer de plus en plus violemment et essayer de défaire les liens. Merde, pas le temps pour faire le tri dans le portefeuille, je prends tout.

Le lit craque, il arrive à se libérer une main, et est déjà en train de défaire mon nœud approximatif au niveau de la deuxième. Je me dirige en vitesse vers la porte de la chambre.

– C'était un plaisir de faire affaire avec vous, Monsieur ! 

– J’vais te démonter la gueule, p’tit fils de pute ! me gueule-t-il au moment où je ferme la porte.

Je descends alors les escaliers de l’hôtel, son portefeuille dans la main, un grand sourire aux lèvres, avec la démarche la plus naturelle possible, pour ne pas éveiller les doutes des gens que je croise.

Je sors de l’hôtel, ébloui par ce grand soleil d’été. Mission réussie ! Il faut vite que j’aille me prendre des sucreries avant qu’il fasse opposition sur sa carte bancaire. 

Je fais alors un saut au Franprix en face de l’hôtel et me prends des tartelettes au citron. Après l’effort, le réconfort ! J’ai un petit moment de stress au moment de passer sa carte bancaire, mais elle est finalement acceptée. 

Soudain, alors que je sors du magasin, un gâteau déjà entre les dents : je le vois, de l’autre côté de la rue, le t-shirt remis à l’envers, le jean avec le bouton même pas attaché, en chaussettes sur le trottoir. Nos regards se croisent, et il se jette sur moi.

– Sale petite merde ! 

Il traverse la route en courant et manque de peu de se faire renverser par une voiture. J’avale le gâteau d’un coup et commence à m’enfuir. J’essaye de slalomer le plus possible et de prendre des petites rues pour le semer, mais il y a beaucoup de monde et je n’arrive pas à le distancer.

Je décide alors de descendre dans une bouche de métro, mais je manque une marche dans la précipitation et m’étale par terre comme une crêpe.

Je sens une main se poser alors dans mon dos, et je sursaute.

– Monsieur, vous allez bien ?

Ouf ! J’ai cru que c’était le vieux pervers… C’est juste une dame qui s'inquiétait pour moi. Mais je n’ai pas de temps à perdre, je le vois déjà descendre les escaliers, le visage rouge et gonflé par la rage.

– Oui, merci beaucoup ! dis-je en me relevant en vitesse.

– Arrêtez-le ! C’est un putain de voleur ! 

Il bouscule la dame qui vient de m’aider comme un vulgaire obstacle sur son chemin. La course poursuite continue dans les couloirs du métro parisien, j’essaye de me frayer un chemin entre ce tsunami de gens qui circulent, en répétant des dizaines de fois “Pardon, pardon, excusez-moi”. J’arrive alors au niveau des bornes pour valider, je saute au-dessus du tourniquet et me précipite dans les escaliers qui mènent au quai. J’entends un métro arriver, alors je mets les bouchées doubles pour y arriver.

Les portes s’ouvrent, et je ne prends même pas la peine d’attendre que les gens descendent pour sauter dans la rame. Mais mon visage se décompose quand j’entends la voix de mon poursuivant au loin : 

– Tu vas pas t’en sortir comme ça, j’peux te le jurer !

Merde, il est déjà là, et il aura le temps de monter avant que les portes se ferment. Qu’est-ce que je fais… Je reste sur le quai, ou je monte dans le métro ?

Je le vois alors sauter sur le quai, et il ne lui faut qu’une fraction de seconde pour me repérer. Il a vraiment l’intention de me faire la peau, je suis dans le pétrin…

Soudain, une idée me traverse la tête. Je sors en vitesse son portefeuille et prends le premier truc qui me passe sous la main : sa carte d’identité. Je sors alors de la rame et l’agite en l’air pour qu’il la voie.

– Espèce de petit…

– C’est ça que tu veux ? lui dis-je avec un sourire moqueur.

Je la balance alors dans la poubelle la plus proche, avec un geste digne des plus grands joueurs de basket. Il mord à l’hameçon bêtement et se jette sans réfléchir dessus, alors que la sonnerie du métro retentit. Je remonte dans à l’intérieur et le regarde plonger son bras dans la poubelle. Il lui faut une ou deux secondes pour attraper sa carte d’identité, et quand il l’a enfin dans la main, il est déjà trop tard : les portes sont fermées.

Il essaye quand même de les ouvrir en martelant sur le bouton, mais le métro commence à partir. Il assène alors un violent coup de poing qui fait trembler les vitres et m’arrache un sursaut. Et je le regarde, impuissant sur le quai, déchaîné et enragé, le visage plus rouge qu’une tomate, des veines sortant au niveau de son front et de son cou.

Ça y est, je suis enfin tranquille, et j’ai de quoi me faire plaisir ! Je profite de ce premier moment de répit pour compter les billets : 100 euros, je trouve que ça en vaut la peine ! En plus, ça me fait une histoire sympa à raconter.

Je sors mon portable pour regarder l’heure : 19h43. Il va falloir que j’accélère un peu. Si je suis en retard, il va me tuer, c’est sûr…

Je remarque que les gens dans le métro me dévisagent presque tous, après ce qui vient de se passer. Je vois quelques téléphones dirigés vers moi, plus ou moins discrètement, ainsi que des gens chuchoter à leur voisin tout en me jetant des regards furtifs.

Je me sens oppressé, j’ai peur qu’il m’arrive un problème. Heureusement, je descends à la prochaine pour faire mon changement. Je me contente alors de paraître naturel et de baisser la tête. 

Lorsque le métro s’arrête, je suis le premier à descendre. Je jette un rapide coup d'œil autour de moi pour vérifier que le vieux pervers n’est pas là, par simple précaution ; puis je m’enfonce dans les couloirs du métro parisien, direction Némeya !

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