Chapitre 29 : Un présent des dieux

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Marie

Je ne peux y croire… Alors que tout le monde a les yeux rivés sur la bataille qui s’annonce voilà qu’on m’a appris la plus inattendue des nouvelles… Je suis enceinte ! Les sages-femmes sont formelles et me demandent déjà avec des yeux complices qui est le père… Pourtant je n’ai couché qu’une seule fois ces derniers mois et c’était avec… Lev. Un vampire ! Comment cela est-il possible ?

Je répondais à mes amies que je n’étais pas encore prête à leur révéler le nom du père puis, quand je fus seule dans ma tente le soir venu je m’effondrai en larmes. Je ne savais si elles étaient de joie ou de tristesse. Je ne connaissais presque pas Lev après tout et je n’avais pas la moindre idée de sa réaction… Il restait un vampire. Sa gentillesse n’était peut-être qu’un jeu qu’il jouait. Je n’avais peut-être été qu’une aventure. Et puis, comment assumer devant mes congénères la nature du père et, pire encore, de l’enfant à naître ? Il s’agira vraisemblablement d’une monstrueuse engeance mi-homme mi-vampire… Moi-même, sa mère, arriverai-je à l’aimer ?

Ces questions me tourmentaient alors qu’il restait encore des mois avant la venue au monde du bébé. Je me résolu à trouver réponse à tout cela en allant discrètement rendre visite au père. Peut-être me tuerait-il, peut-être m’accueillerait-il mais la simple idée de vivre encore des mois la boule au ventre me terrifiait davantage que toutes les réactions que Lev aurait pu avoir. Et puis il avait été si bon… Je m’efforçais d’avoir confiance en la noble âme que j’avais découverte et non dans le vampire qu’il était.

Je sortis donc de ma tente et, après quelques temps à chercher celle de Lev, je finis par la trouver, toujours à la frontière des quartiers de chaque race. Je ne distinguais rien si ce n’est une silhouette dans la pénombre de son habitat. Il dut me voir car il se leva et alluma les restes de bougie qu’il avait.

« Ah ! Marie ! Comment allez-vous ? Je suis ravi que vous veniez me voir de votre propre chef ! Je ne pensais pas que vous prendriez pareille initiative mais cela me comble de joie ! »

Je le regardai à la fois gênée et néanmoins heureuse. Ces quelques paroles m’avaient déjà réconfortée. Je lui expliquai alors la situation. Il m’écouta avec gravité et je voyais à son tour son visage passer par l’incrédulité, la joie puis une forme encore plus exceptionnelle de bonheur !

Il exultait littéralement. Jamais et je n’aurai pensé que cette annonce l’enchanterait autant. Il me serra dans ses bras et me dit :

« Oh Marie, c’est un miracle un véritable miracle ! C’est la preuve qu’en nous Valass et Himka se sont retrouvés ! Par le passé, lorsque nos deux races n’étaient pas encore ennemies, de tels accouplement étaient forts courants. Dans de très rares occasion un enfant en résultait et il était alors vénéré car considéré à juste titre comme l’œuvre souhaitée par les deux dieux qui nous avaient donné la vie ! Un dhampire est dans ton ventre et est entrain de grandir ! Il aura la force des vampires, ne craindra pas le Soleil et pourra vivre des siècles ! Il ne sera certes pas immortel mais vieillira infiniment plus lentement que tout homme ! La seule faiblesse des dhampires est leur stérilité. Ils ne peuvent en aucun cas enfanter et c’est pourquoi il s’agit d’êtres uniques ! O Marie, si tu savais comme je suis heureux ! »

Tout en disant cela il continuait à m’étreindre affectueusement. J’aurai aimé que cet instant dure éternellement. Hélas les inquiétudes d’une future mère ne sont pas si facilement calmées et bien que je fusse soulagée il demeurait certains problèmes. Je m’écartai donc et lui révélai les raisons de mes tracas :

« Lev, je suis si heureuse que tu acceptes pleinement ce qui nous arrive… Toutefois je crains que tu ne sois le seul… Comment pourrai-je le cacher aux humains ? Lorsqu’ils verront un être pareil sortir de mon ventre ils voudront le tuer et je suis sûre que sur ce point même les vampires seront d’accord avec eux ! Je ne veux pas que mon bébé meure à peine né… mais je ne pourrai pas accoucher et élever un enfant en secret. »

Au fur et à mesure je fondai en larme. Lev m’attrapa alors m’embrassa puis me regarda dans les yeux :

« Cela n’arrivera pas je te le jure ! Ecoute, j’ai reçu une promotion de la part du roi ! Je ferai tout mon possible pour m’illustrer dans la bataille à venir. Une fois ces services rendus je lui demanderai un fief. Il en a déjà promis à moins méritant que moi ! Une fois que je serai baron de je ne sais quel endroit, je t’y enverrai et tu pourras y accoucher en toute sécurité ! Les humains avec qui tu seras seront sous mon autorité et je te promets que je les empêcherai de mal agir avec toi ! Je les éduquerai dans la vraie foi et, de gré ou de force, ils accepteront notre enfant ! La bataille aura lieu dans deux ou trois jours, d’ici la fin de la semaine je te jure que je serai baron et toi en sécurité ! »

Ces paroles me réconfortèrent un peu et nous passâmes une autre nuit de délices ensemble. Je lui fis également promettre de prendre avec moi mes deux enfants ainsi que la mari d’Aliénor. Nul doute qu’ils seront ravis de quitter cet enfer et je ferai en sorte que, comme moi, ils découvrent la foi véritable. Mon soulagement fut total lorsqu’il accepta.

Je suis désormais de retour avec les miens. Mes tracas ne se sont pas envolés et je crains même pour la vie de Lev… Et s’il était tué ? Il a beau m’avoir assuré être l’une des plus fines lames de ce monde je ne peux m’empêcher d’être inquiète. Mon destin et surtout celui de l’enfant à naître reposent entre ses mains… Puisse Valass et Himka le protéger et nous apporter la bonne fortune dont nous avons tant besoin !

Lev

Père ! Je vais redevenir père… Je n’imaginais pas que cela arriverait un jour. Depuis que ma famille a été massacrée durant la révocation de l’exception de non-hiérarchie je ne pensais pas pouvoir trouver une femme avec des idées semblables aux miennes. Pourtant voilà que je vais avoir un enfant et pas n’importe lequel, un dhampire !

Jamais ma foi en Himka et Valass ne fut plus forte ni ma détermination à réconcilier les races plus grandes ! Marie… Jamais je n’aurai pensé que cette femme m’apporterait tant de bonheur. Enfin, l’heure n’est pas à l’extase, je dois absolument faire en sorte qu’elle accouche en lieu sûr et pour cela j’ai besoin de ce que je n’ai jamais eu : un fief ! Je demandai audience dès l’aube de la façon la plus pressante qui soit. La bataille allait probablement avoir lieu dans peu de temps et je devais obtenir la promesse qu’un fief, même le plus misérable, me soit conféré dans les plus brefs délais. Je comptais sur le combat qui s’annonçait pour me le voir accordé.

Stanislas paru surpris de mon insistance et accepta de me recevoir.

« - Lev, qu’est-ce qui vous amène de si bonne heure ?

- Sire, énonçai-je respectueusement, je suis désolé de vous importuner ainsi. Bien que ce ne soit pas dans mes habitudes je voudrai me présenter devant vous pour me voir accorder une seigneurerie aussi vite que possible. Je me suis dévoué à votre cause davantage que nul autre. Pourtant ce n’est pas en tant que récompense que je vous le demande mais pour me faire gagner en autorité. Malgré mes talents martiaux nombre de seigneurs se rient encore de « l’ami des hommes ». L’octroi de terres, aussi petites et pauvres soient-elles, m’accorderait le surplus de prestige dont j’ai besoin afin de coordonner au mieux humains et vampires. Or ces derniers ne respectent que les titres. Je crains, sans cela, que les chevaliers censés seconder les hommes au combat refusent de le faire par mépris à mon égard !

- Ah ! Ah ! Ah ! Dis-donc, voilà de bien savantes manœuvres pour quémander une baronnie. Néanmoins vous dites vrai, vous avez déjà fait beaucoup pour me soutenir et il serait injuste de vous refuser pareil présent. D’autant plus que vous êtes, semble-t-il, prêt à accepter n’importe quel lopin ce qui est rare. J’ai une simple question avant cela… Seigneur Lev, me reconnaissez-vous comme légitime roi d’Isgar ? »

Si la légitimité de Yegor était douteuse, celle de Stanislas était proche du néant. Néanmoins la réalisation de l’amour de Valass et Himka passe outre les histoires de sang. Je répondis donc aussitôt :

« Naturellement sire ! »

Il sourit de tous ces crocs, sortit un livre qu’il feuilleta puis il prit un parchemin et se mit à écrire. Après quelques instants il s’éclairci la voix et s’adressa à moi :

« Par la présente moi, Stanislas, comte d’Urnia, grand-duc de Sussmar et Valassmar et roi d’Isgar et d’Orania vous nommes baron de Tikmar ! Je compte désormais sur votre épée pour que ce fief demeure en mon pouvoir ! »

Je le remerciai humblement. Après quelques instants d’hésitation je lui demandai où se trouvait cette baronnie dont je n’avais jamais entendu parler. Il m’expliqua alors :

« Il s’agit d’un fief au nord-est d’Isgar. Elle n’est pas encore vraiment sous notre contrôle mais le sera lorsque nous aurons rattrapé et défait l’armée de Valentyn ! Elle est petite et pauvre mais sera accessible sous peu ! »

A ces mots il m’indiqua sur le grimoire qu’il avait sorti une carte où étaient indiquées tous les fiefs d’Isgar, dont le mien. Il y était inscrit « la baronnie de Tikmar est pauvre, dotée de peu d’hommes, d’un climat peu clément et de ressources limitée mais est néanmoins réputée pour la beauté des falaises arpentant ses côtes. » S’en suivait un historique des seigneurs ayant gouverné cette triste terre. Qu’importe, cela m’allait tout à fait !

Je m’inclinai en remerciant une fois de plus le roi puis sorti de sa tente. J’étais non seulement ivre de joie mais aussi déterminé à rattraper au plus vite Valentyn afin de pouvoir mettre Marie en sûreté dans les plus brefs délais. L’allure d’une armée dépendant de celle de ses fantassins je les poussai à donner le maximum. Lorsque l’un fatiguait je le haranguai en personne. Il m’arrivait même de descendre de mon cheval et de marcher au milieu des humains afin de leur redonner du moral. Les femmes elles-mêmes aidaient leurs hommes en portant de temps à autre une de leurs armes ou une pièce de leur armure lorsque leur poids se faisait trop sentir. Le rythme accéléra tant et si bien que dès le lendemain de mon entrevue avec le roi nous pûmes accrocher l’arrière garde de Valentyn. Les chevaliers chargèrent sur les flancs tandis que les soldats passèrent d’une formation de marche à une formation de combat au fur et à mesure qu’ils rejoignaient la bataille et vinrent aussitôt prendre part à l’affrontement. L’armée qui nous faisait face peinait à réagir et fut rapidement défaite et mise en déroute…

Savoir mon fief désormais sous contrôle me rassura mais rapidement une étrange ambiance gagna le camp. Avant même que la nuit ne fut tombée sur le champ de bataille je vis nos éclaireurs se précipiter au galop dans toutes les directions tandis qu’une agitation inhabituelle s’installa peu à peu. Je pris à parti un de ces cavaliers en haillons afin de lui demander ce qu’il se passait mais il fit mine de ne pas m’entendre. Qu’un de ces pauvres chevaliers me snobe ainsi était bien la preuve que l’explication que j’avais donné à Stanislas pour mon fief n’était pas que mensongère. Le troisième que j’arrêtai ainsi daigna me répondre :

« Nous pensions avoir à faire à l’arrière garde de l’ennemi mais on a appris que le corps principal de Valentyn s’était séparé de cette maigre troupe il y a plus d’un mois. Nous n’avons aucune idée d’où est le gros de leurs forces et il nous a été ordonné de le retrouver au plus vite. Depuis des semaines nous ne poursuivons qu’un leurre et nous nous sommes enfoncés profondément en terrain ennemi. Le roi craint que le gros de leur armée ne se soit glissé derrière nous et menace nos communications ! Soyez prêt à lever le camp dès qu’il en sera donné l’ordre, les marches forcées risquent de s’accentuer. »

Nous avions donc perdu tant de temps et d’énergie à poursuivre un petit millier d’hommes et quelques vampires. Les hommes étaient exténués par l’allure de ces derniers jours et pourtant ils devaient s’apprêter à repartir sous peu avec une cadence équivalente à celle qui leur fut imposé jusqu’ici. La situation est des plus inquiétante et il faut impérativement la clarifier au plus vite. Pourtant je ne pouvais m’empêcher d’être soulagé. Mon fief était sous contrôle et en sûreté, du moins pour l’instant. Hélas je ne pourrai sans doute pas y séjourner tout de suite la campagne étant visiblement encore loin d’être achevée. Je découvrirai sans doute mes terres cet hiver avec Marie et ses enfants. Je ne préfère pas les y envoyer tout de suite car je ne connais pas les hommes sur place, s’il en reste, et l’idée de la savoir hors de ma protection fait naître en moi les plus vives inquiétudes. Je l’informai donc seulement de la situation ce qu’elle comprit sans mal. Attendre, attendre les nouvelles, voilà tout ce qu’il me reste à faire tandis que l’angoisse éreinte mon cœur à chaque jour sans éclaircissement.

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